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Sylvain Brial
Question N° 17956 au Ministère des outre-mer


Question soumise le 19 mars 2019

M. Sylvain Brial attire l'attention de Mme la ministre des outre-mer sur la gestion du foncier sur le territoire des îles de Wallis-et-Futuna. Comme le veut la coutume et comme le reconnaît le statut dit de 1961 qui lie les territoires de Wallis-et-Futuna à la France, le foncier est géré par les chefferies. L'ensemble des habitants affirme son attachement indéfectible à cette pratique. Auparavant, l'Assemblée territoriale était essentiellement composée de membres des chefferies, de sorte que dans les faits la gestion du foncier a pu sembler être confiée à l'Assemblée territoriale, ce qui ne correspond à aucun usage ni tradition locale. Un décret de 1957 prend acte de cette situation. Aujourd'hui, l'Assemblée territoriale n'est plus le reflet des chefferies et y sont élus des membres d'horizons divers. Les chefferies dans la réalité gèrent le foncier. La population n'accepte pas l'ambiguïté que laisse peser le décret de 57 qui ne reflète aucunement la réalité. Il lui demande de lever toute ambiguïté sur la gestion du foncier et d'annuler le décret de 57 afin que conformément à la coutume, aux pratiques et au statut, les chefferies soient clairement affirmées comme responsables de la gestion du foncier.

Réponse émise le 3 septembre 2019

L'article 3 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d outre-mer pose le principe suivant lequel « La République garantit aux populations du territoire des îles Wallis et Futuna le libre exercice de leur religion, ainsi que le respect de leurs croyances et de leurs coutumes en tant qu'elles ne sont pas contraires aux principes généraux du droit et aux dispositions de la présente loi. » L'article 12 de cette même loi fixe les compétences de l assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna en renvoyant notamment à l'article 40 du décret n° 57-811 du 22 juillet 1957 aux termes duquel : « L'assemblée prend des délibérations portant réglementation territoriale dans les matières » que cet article énumère. Ainsi, pour ce qui concerne la matière foncière, la compétence de l'assemblée territoriale porte sur les items suivants : « 5° Constatation, rédaction et codification des coutumes ; adaptation des coutumes à l'évolution sociale ; biens et droits immobiliers régis par la coutume et, notamment, définition et constatation des droits coutumiers qui seront assimilés à des droits réels susceptibles de servir de base au crédit et procédure de constitution et d'exécution des sûretés réelles correspondantes ; d'une manière générale, toutes questions ressortissant au droit local ; « 6° Domaine du territoire, y compris les terres vacantes et sans maître, lesquelles font partie du domaine privé du territoire ; cadastre. « Toutefois, aucune atteinte ne peut être portée aux droits immobiliers et aux servitudes dont bénéficie l'Etat à la date du présent décret. « Si l'Etat ou le territoire affecte ultérieurement certains immeubles au fonctionnement des services publics, ces immeubles bénéficient des servitudes d'utilité publique inhérentes au fonctionnement desdits services ; « 7° Aménagement du régime des biens et droits fonciers, sous réserve des dispositions du code civil ; » Cette compétence n'a pas pour effet de nier ou de supprimer la compétence des autorités coutumières. Elle a essentiellement pour objet de coordonner la compétence coutumière, par essence orale, avec l'ordonnancement normatif de la République. A ce titre, le Conseil d Etat a déjà eu l'occasion de préciser que les délibérations de l'assemblée territoriale peuvent porter sur le recensement, la transposition écrite et la codification des règles coutumières existantes afin de faciliter leur connaissance, d assurer une plus grande sécurité juridique aux droits qu'elles confèrent et de garantir leur effectivité. Toutefois, il a pu préciser également que l'assemblée territoriale ne pourrait abroger purement et simplement le droit coutumier foncier ou le priver d'effet en le subordonnant, par exemple, à des conditions insusceptibles d'être satisfaites ou encore en en dénaturant l'essence par la méconnaissance de ses assises telles que le caractère inaliénable et incommutable de la propriété foncière, la place accordée à la propriété familiale ou encore les droits collectifs que celle-ci confère. Le conseil territorial institué par l'article 10 de la loi du 29 juillet 1961 précitée, au sein duquel les trois chefs traditionnels Hau ou Sau (rois) ont la qualité de vice-présidents, constitue une garantie contre toute promulgation de délibération de l assemblée territoriale portant atteinte au droit coutumier. A ce titre, on observera que les dispositions de l'article 9 du décret n° 62-288 du 14 mars 1962 fixant les attributions du conseil territorial des îles Wallis et Futuna prévoient également que les questions relatives à l'administration des intérêts patrimoniaux territoriaux sont soumises à l'examen du conseil. Dès lors, les dispositions statutaires ne peuvent porter atteinte aux compétences coutumières en matière foncière. Par ailleurs, depuis la révision de la Constitution opérée par la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003, le statut du territoire des îles Wallis et Futuna est défini par une loi organique après avis de l assemblée territoriale, comme cela est désormais le cas pour les autres collectivités régies par l'article 74 de la Constitution. Cette exigence constitutionnelle n'a pas pu être satisfaite à ce jour, toutefois, le statut n'a pas connu de modification. Néanmoins, les dispositions statutaires régissant les îles Wallis et Futuna qui désormais relèvent de la loi organique ne peuvent être modifiées que par une loi organique. C'est le cas des dispositions du décret du 22 juillet 1957 précité qui, en ce qu elles ont trait aux compétences de la collectivité, relèvent à présent des dispositions de nature organique. Ainsi, la proposition d'annuler le décret de 1957 afin que, conformément à la coutume, aux pratiques et au statut, les chefferies soient clairement affirmées comme responsables de la gestion du foncier, ne pourrait s'effectuer que dans le cadre d'une modification statutaire de nature organique. Cette éventualité ne saurait s'envisager sous d'autre forme qu'une initiative issue du territoire, partagée et consensuelle.

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