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Frédéric Petit
Question N° 17989 au Ministère de la justice


Question soumise le 19 mars 2019

M. Frédéric Petit attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la possibilité pour les personnes ayant travaillé au sein des administrations européennes d'obtenir le diplôme d'avocat et d'exercer cette profession en France. En effet, l'alinéa 4 de l'article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat dispose que « sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale ». Or l'arrêt de première chambre civile de la Cour de cassation du 14 décembre 2014 (pourvoi n° 15-26635) exclue du bénéfice de la disposition précitée un fonctionnaire de l'Union européenne en raison du fait qu'il ne peut justifier de la pratique du droit français au titre de sa pratique professionnelle. Il lui demande comment expliquer que les fonctionnaires de l'Union européenne remplissant les conditions pour l'obtention du certificat d'aptitude soient exclus des bénéfices de la passerelle prévue par le décret.

Réponse émise le 23 juin 2020

Il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne qu'une mesure entravant la libre circulation des travailleurs ne peut être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le traité et se justifie par des raisons impérieuses d'intérêt général. L'application d'une telle mesure doit être propre à garantir la réalisation de l'objectif en cause et n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (arrêt Radziejewski, 8 novembre 2012, C-461/11). Bien que les fonctionnaires européens ne puissent bénéficier de la dispense de formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat prévue par l'article 98 4° du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, la Cour de cassation a considéré dans l'arrêt du 14 décembre 2016 (Civ.1ère. 14 décembre 2016, n° 15-26.635), que cette restriction n'était pas constitutive d'une discrimination. En effet, les dispositions de l'article 98 4°, en ce qu'elles constituent des règles d'accès dérogatoires à la profession d'avocat, sont d'interprétation stricte. La dispense suppose que le candidat ait acquis les connaissances requises pour la pratique professionnelle, lesquelles impliquent nécessairement l'application du droit national, ce qui n'est pas forcément le cas des fonctionnaires européens dans leur pratique professionnelle. La restriction est donc justifiée d'une part, par la nécessité de garantir au justiciable une défense pertinente et efficace et, d'autre part, par des raisons impérieuses d'intérêt général de protection des justiciables contre le préjudice qu'ils pourraient subir du fait de services fournis par des personnes qui n'auraient pas les qualifications professionnelles nécessaires. Elle est, de plus, propre à garantir la réalisation de l'objectif qu'elle poursuit et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre en exigeant des connaissances et qualifications en droit national, de nature à protéger les droits de la défense et la bonne administration de la justice. En tout état de cause, les ressortissants de l'Union européenne peuvent accéder à la profession d'avocat en France dès lors qu'ils justifient de leur aptitude à exercer celle-ci conformément à l'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

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