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Guillaume Gouffier-Cha
Question N° 18156 au Ministère de la cohésion des territoires


Question soumise le 26 mars 2019

M. Guillaume Gouffier-Cha attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la question de l'inhumation des citoyens défunts. Régulièrement, les communes sont contraintes de procéder à des exhumations-crémations pour libérer des emplacements. À titre d'exemple, à Paris, sur 7 millions de défunts figurant dans les registres des vingt cimetières, on ne compte que 630 000 concessions, ce qui permet de se faire une idée du taux de rotation des emplacements. Obligées d'assurer la continuité du service public funéraire, les communes sont donc confrontées à une nécessité qui tourne souvent au dilemme. Une idée permettant de mettre fin à ce dilemme - et défendue par l'association internationale pour la défense des droits fondamentaux (AIDDF) - serait de créer des « Grands lieux de mémoire nationaux » où seraient réinhumés de façon dense les reliquaires exhumés. En effet, selon l'AIDDF, la France compterait plus de 10 000 carrières désaffectées qui pourraient facilement être mises à disposition des communes à cette fin par l'État. L'intérêt pour les mairies serait considérable, puisqu'elles seraient libérées de la lourde tâche de procéder à des crémations et d'entretenir des ossuaires, et elles seraient ainsi en mesure de mieux respecter le principe de repos en terre, toujours très important pour un grand nombre de citoyens. Il souhaitait attirer son attention sur cette proposition dont il voudrait connaître la faisabilité, sachant qu'elle présente de nombreux avantages tant du point de vue des communes que de celui du respect des droits des citoyens, défunts et vivants.

Réponse émise le 14 janvier 2020

Il convient de rappeler que le code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit deux types d'exhumation : d'une part, les exhumations effectuées à la demande des familles (article R. 2213-40), d'autre part, les exhumations dites administratives effectuées une fois la concession funéraire juridiquement reprise par la commune (par exemple, suite à la relève d'une sépulture située en terrain commun ou la reprise à l'issue d'une procédure pour état d'abandon). Dans l'hypothèse d'une exhumation administrative, une pluralité de solutions s'offre au maire. Les restes mortels exhumés peuvent être placés soit « dans un cercueil de dimensions appropriées » (article R. 2223-20) soit « dans une boîte à ossements » (article R. 2213-42). Dans le cas où les restes exhumés n'ont pas vocation à être aussitôt réinhumés dans le cimetière ou dans celui d'une autre commune, ceux-ci doivent être réinhumés dans l'ossuaire obligatoirement aménagé par la commune (article L. 2223-4). Ainsi l'article L.2223-4 du CGCT dispose qu'« Un arrêté du maire affecte à perpétuité, dans le cimetière, un ossuaire aménagé où les restes exhumés sont aussitôt réinhumés.[...] » En outre, et « en l'absence d'opposition connue ou attestée dudéfunt  »,  le maire a également la possibilité de « faire procéder à la crémation des restes exhumés ». Conformément à l'article R. 2223-6 du CGCT, en tel cas, le maire peut décider de placer les cendres « dans un columbarium, dans l'ossuaire [en les distinguant des restes des personnes qui avaient manifesté leur opposition à la crémation] ou [de les] dispers[er] dans le lieu spécialement affecté à cet effet conformément à l'article R.2223-9 ». La proposition de créer des « grands lieux de mémoire nationaux où seraient réinhumés de façon dense les reliquaires exhumés » tend à répondre au cas où l'ossuaire existant serait saturé et ne pourrait plus être agrandi, le maire privilégiant malgré tout la conservation d'os à celle de cendres, s'agissant des restes exhumés. Au regard des dispositions précitées, cette proposition doit être appréhendée selon plusieurs angles : L'exhumation et la réinhumation de restes mortels en dehors des situations explicitement prévues par le CGCT ne peut aujourd'hui être autorisée. Les autorisations administratives afférentes à ces opérations sont par ailleurs toujours délivrées par le maire à titre individuel. Par ailleurs, le caractère légal de l'exhumation étant acquis, l'« inhumation dense de restes exhumés » ici proposée semble correspondre à la notion historique de fosse commune. Or, depuis l'instauration par le décret du 12 juin 1804 relatif au lieu d'inhumation du principe d'inhumation dans des fosses séparées, repris dans le CGCT à l'article R. 2223-3 (« Chaqueinhumation a lieu dans une fosse séparée. »), les lieux de sépulture communs ne sont plus admis. Il n'est pas envisagé de revenir sur ce principe qui garantit le respect dû à tous les morts. Dans l'hypothèse de la construction d'un ossuaire de grande dimension situé hors du territoire de la commune intéressée ; il convient tout d'abord de rappeler que les dimensions de l'ossuaire ne sont pas déterminées par le CGCT, ce qui permet d'agrandir les ossuaires existants lorsque cela est nécessaire et possible. Par ailleurs, s'agissant de l'emplacement de l'ossuaire, on notera que l'article R. 2223-6 du CGCT prévoit que « les restes peuvent être transférés par décision du maire dans l'ossuaire d'un autre cimetière appartenant à la commune » ou « d'une autre commune appartenant au même groupement de communes », ce « [l]orsque la commune est membre d'un syndicat de communes, d'un district ou d'une communauté urbaine ». Ces dispositions font référence aux cas où le cimetière « ne dispose pas de l'espace suffisant pour [l]a construction de l'ossuaire ». La construction d'un ossuaire partagé à l'échelon intercommunal et situé en-dehors du territoire de la commune de provenance des restes exhumés est ainsi autorisée. L'ossuaire étant un équipement intrinsèquement lié au cimetière, le terrain envisagé pour sa construction devra juridiquement être analysé en tant que cimetière. Il en ressort notamment que ce cimetière ne pourra être créé qu'à l'initiative d'un conseil municipal ou du conseil syndical ou communautaire si la compétence est exercée par un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), conformément à l'article L. 2223-1 du CGCT. Il s'agira nécessairement d'un lieu public relevant du domaine public communal (arrêt Marécar, Conseil d'Etat, 28 juin 1935). En outre, si le terrain peut être choisi librement, on notera toutefois que « les terrains les plus élevés et exposés au nord sont choisis de préférence. Ceux-ci doivent être choisis sur la base d'un rapport établi par l'hydrogéologue  » (article R. 2223-2 du CGCT). De manière générale, le cimetière ainsi envisagé devra répondre aux dispositions générales prévues aux articles R. 2223-1 et suivants du CGCT et comporter les équipements obligatoires de droit commun. Ainsi l'aménagement du site retenu devra-t-il prévoir une clôture, des plantations, un site cinéraire si la commune ou l'EPCI envisagé est peuplé de 2000 habitants et plus, ainsi qu'un terrain commun mis gratuitement à disposition des personnes disposant d'un droit à l'inhumation. Seule la réunion de l'ensemble des conditions énoncées et le respect des obligations détaillées ci-dessus permettra d'assurer la conformité d'un projet de construction d'un ossuaire de grande dimension destiné à accueillir les restes exhumés sur un terrain qui n'est pas celui du cimetière communal existant.

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