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Fabien Lainé
Question N° 18165 au Ministère de la culture


Question soumise le 26 mars 2019

M. Fabien Lainé interroge M. le ministre de la culture sur la protection du patrimoine et le trafic illicite de biens culturels. Le 1er mars 2019, des vases sacrés et des hosties ont été dérobés dans l'église de Sainte-Eulalie-en-Born, dans les Landes. Quelques jours avant, le 27 février 2019, plusieurs pièces anciennes d'orfèvrerie religieuse dont un grand calice, une patène et deux ciboires, ont été volées dans l'église Saint Sauveur de Sanguinet, paroisse Saint-Pierre-des-Grands-Lacs. Sur le plan régional, plusieurs lieux de culte et sites historiques ont été victimes de vols organisés, comme par exemple les églises de Saint-Léger-de-Vignague (Gironde) et de Saint-Antoine-du-Queyret, cibles de voleurs de carreaux ; l'église Saint-Michel-du-Vieux-Lugo à Lugos, vandalisée le 10 novembre 2017 ; les vols à répétition dans des presbytères dans les Pyrénées-Atlantiques, dont le dernier en date est celui de septembre 2017 ; le vol et profanation dans le vieux cimetière d'Hendaye, le 25 mai 2018 et récemment, le 28 février 2019 le vol d'un ciboire, d'une lunule et des hosties dérobés dans l'église Saint-Vincent de Naintré, dans le nord de la Vienne. De toute évidence, ces vols répétés ne touchent pas uniquement la Nouvelle-Aquitaine, mais ils agissent à échelle nationale, voire internationale, malgré les efforts de l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) et la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). En France, un vol d'objets religieux a lieu toutes les vingt minutes et le trafic illicite des biens culturels est souvent cité par les médias comme le troisième trafic dans le monde après celui des drogues et des armes. En parallèle au marché de l'art conventionnel (ventes aux enchères), on constate une prolifération de vente en ligne d'objets d'art sacré et d'intérêt historique. Plusieurs sites d'annonces de vente ou de petites annonces de particuliers commercialisent sur internet des objets dont la provenance n'est pas référencée et souvent douteuse. À titre d'exemple, sur une plate-forme de vente en ligne internationale on trouve à la vente : Vierge en bois polychrome du XVIIe siècle ; ancien reliquaire en or du XVIIIe siècle ; statuette en bronze époque gallo-romaine ; chapiteau en bois Haute-époque ; ancienne paire de colonnes d'autel en bois doré ; lot d'objets en terre cuite époque romaine 200 avant J.C ; lot de documents, vieux papiers datés 1754 ; pierre anthropomorphe précolombienne ; cruche en terre cuite ancienne ; calice sacré en or XIXe siècle ; bijoux en bronze phénicien 100 avant J.C. Il convient dès lors de s'interroger sur la mise en place d'une l'obligation de vérification sur ces sites de commercialisation afin de garantir une traçabilité des objets et lutter ainsi contre les pillages, le vol, le recel et la commercialisation illicite de biens culturels. Il l'interroge donc sur les solutions envisagées pour faire face à ces trafics, notamment sur internet.

Réponse émise le 9 juin 2020

La lutte contre le trafic illicite des biens culturels est un enjeu fondamental pour le ministère de la culture, lutte qui va de pair avec la prévention des vols et la mise en sûreté des lieux protégés à un titre ou un autre du code du patrimoine (services d'archives, bibliothèques, musées de France, sites archéologiques ou monuments historiques quelle que soit leur nature, demeures ou lieux de culte). Le contexte actuel de diminution du nombre des vols et d'augmentation de celui des restitutions est le résultat d'une action intense des services de l'État impliquant une coopération entre les services du ministère de l'intérieur (police et gendarmerie), du ministère de l'action et des comptes publics (douanes), de la chancellerie (magistrats), du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (ambassades et consulats) et du ministère de la culture, tant en administration centrale (direction générale des patrimoines) que dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC - conservations régionales des monuments historiques et conservateurs des antiquités et objets d'art). Concernant le marché de l'art, la majorité des biens culturels présents sur ce marché sont d'origine licite, y compris ceux à caractère religieux. Un grand nombre d'objets religieux sont en mains privées depuis des générations, qu'il s'agisse d'objets de dévotion privée, de biens destinés à l'office religieux acquis à titre personnel par le clergé, ou encore du patrimoine de communautés religieuses, resté dans le domaine privé. Outre les bases de données TREIMA II (thésaurus de recherche électronique et d'imagerie en matière artistique) du ministère de l'intérieur et PSYCHE d'Interpol, deux portails spécifiques du ministère de la culture ciblent les biens culturels volés ou disparus dans les bases de données nationales du patrimoine culturel et permettent aux professionnels comme aux particuliers de faire des recherches : - recherche spécifique « biens volés et disparus » du moteur de recherche « Collections », qui indexe plus de 70 bases de données du ministère de la culture et de ses partenaires, - recherche spécifique des objets manquants ou volés sur la plateforme ouverte du patrimoine www.pop.culture.gouv.fr pour les bases de données des monuments historiques (Palissy) et des musées de France (Joconde). Depuis 2014, le partenariat entre le groupement d'intérêt économique des sociétés d'assurance, ARGOS, et le syndicat national des antiquaires (SNA) permet aux adhérents de procéder à des recherches dans le Fichier informatique des biens assurés recherchés (FIBAR), qui intègre les images de la base TREIMA II du ministère de l'intérieur. D'autres organisations professionnelles du marché de l'art pourraient utilement s'inspirer d'un tel système. Après la modernisation récente de la base PSYCHE, qui intègre désormais la recherche par similarité d'images, il reste à développer des outils d'intelligence artificielle permettant de mieux utiliser les données issues des bases de biens culturels, des sites de ventes aux enchères et de vente en ligne et des bases de données d'objets volés, afin de multiplier les chances d'identification. Ces projets à l'étude au niveau européen sont soutenus par le ministère de la culture (projets NETCHER et POLAR soutenus par la commission européenne – Programme Horizon 20/20). L'office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC) et le service central de renseignement criminel, les personnels de conservation et de documentation de nombreux services et établissements du ministère de la culture et des musées de France, font une veille périodique des sites de vente en ligne en France et à l'étranger. Des citoyens, collectionneurs ou amateurs éclairés, participent aussi à cette veille en alertant les services de l'État, notamment sur des ventes à l'étranger. Les services enquêteurs sont régulièrement sollicités par les marchands qui souhaitent vérifier la provenance des biens. Il est désormais rare qu'un bien volé connu et/ou bien documenté puisse reparaître sur le marché de l'art sans être repéré. L'attention de tous les opérateurs du marché de l'art, y compris les plateformes de vente ou d'annonces de particuliers en ligne, est régulièrement appelée s'agissant de leur obligation de diligence requise pour vérifier la provenance des biens qui sont proposés à la vente. En France, les vendeurs de biens mobiliers usagés sont tenus de renseigner un registre des objets mobiliers, dénommé également registre de police, dans lequel ils doivent mentionner la provenance des objets qu'ils acquièrent. Cette obligation concerne non seulement les brocanteurs et antiquaires, mais aussi tout revendeur professionnel d'objets anciens, y compris les micro-entrepreneurs utilisant les plateformes Internet. Périodiquement, les services du ministère de la culture informent les sites de vente en ligne de leur responsabilité en terme d'information de leurs clients sur la nature particulière des biens culturels et les risques inhérents à la mise en vente de biens culturels de provenance illicite. La responsabilisation des plateformes à l'égard du trafic doit être amplifiée et une action au niveau européen, voire mondial, est à cet égard indispensable. Des formations sont proposées au conseil des ventes volontaires, aux principaux syndicats et associations professionnelles d'opérateurs du marché de l'art et aux maisons de vente pour permettre une meilleure utilisation de l'ensemble de ces outils de recherche et rappeler la réglementation sur la domanialité publique, le code du patrimoine et les bonnes pratiques en matière de diligence. De même, des formations sont depuis longtemps délivrées aux étudiants en master spécialisé droit et marché de l'art, aux élèves commissaires-priseurs et, au sein de l'institut national du patrimoine, aux professionnels de la conservation du patrimoine. Des actions de sensibilisation doivent être à nouveau mises en œuvre par la direction générale des patrimoines pour lutter contre la commercialisation illicite sur des sites d'e-commerce. Un guide à destination de l'ensemble des opérateurs du marché de l'art est en préparation, afin d'expliquer les mesures à prendre pour exercer la diligence requise en vérifiant les provenances des biens mis en vente. Le ministère de la culture est donc pleinement mobilisé aux côtés des propriétaires et usagers du patrimoine culturel, en lien avec les services de la police, de la gendarmerie, des douanes, de la justice et de la diplomatie pour mener la lutte contre le trafic illicite des biens culturels. Il est également attentif à développer des outils à la pointe des évolutions des technologies numériques, des réseaux professionnels et des nouveaux modes de coopération internationale.

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