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Jean-Paul Lecoq
Question N° 18187 au Ministère de l'europe


Question soumise le 26 mars 2019

M. Jean-Paul Lecoq attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les réformes nécessaires de la CPI. Le traité de Rome donne une certaine place aux victimes dans le processus judiciaire, mais ne donne pas la possibilité à ces dernières de saisir la Cour pénale internationale (CPI) directement, ce qui apparaît comme une régression en comparaison avec le fonctionnement actuel de très nombreuses justices nationales. Cela a eu pour résultat, en ce qui concerne la Côte d'Ivoire par exemple, que les supposés responsables de crimes contre l'humanité d'un seul camp ont fait l'objet de procédures judiciaires de la part de la CPI. Il est également à relever que la CPI n'a pas l'équivalent d'un Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Ce type d'organisation est composé de magistrats élus par leurs pairs et de personnalités extérieures nommées. Le Conseil propose ou donne un avis sur les nominations des magistrats. Le Conseil statue également en matière disciplinaire. Ce genre d'institution a pour rôle de garantir l'indépendance des magistrats de l'ordre judiciaire par rapport au pouvoir exécutif et aussi d'éviter des agissements de corruption et de trafics d'influence notamment. Par ailleurs le régime de mise en liberté provisoire devant la CPI semble en contradiction avec les exigences du droit international et des droits de l'homme. Ainsi dans quasiment tous les cas la CPI dépasse en matière de détention provisoire les normes admises par la Cour européenne des droits de l'homme et de très nombreuses juridictions nationales. La situation d'un ancien président et d'un ministre ivoiriens mis en détention provisoire durant plus de sept ans par la CPI avant d'être acquittés de tous les chefs d'accusation de crimes contre l'humanité illustre cet état de fait. Pire encore : la récente mise en détention de ces personnes acquittées par la CPI puis leur libération provisoire, avec des conditions très strictes, en attendant un éventuel recours devant la chambre d'appel de la CPI apparaissent en contradiction totale avec toutes les normes juridiques jusqu'ici admises, qui prévoient qu'une personne innocentée recouvre sa pleine liberté. Au regard de la « déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir » adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU dans sa résolution 40/34 du 29 novembre 1985 qui stipule notamment que les victimes « ont droit à l'accès aux instances judiciaires et à une réparation rapide du préjudice qu'elles ont subi » tout comme au regard des normes communément admises tant en matière d'organisation de la justice qu'en termes de détention provisoire et de liberté pleine et entière après un acquittement, il lui demande s'il ne serait pas souhaitable que la France soit à l'initiative d'un projet de réforme visant à remédier aux défauts actuels de la CPI et le propose à la prochaine Assemblée des États parties.

Réponse émise le 3 décembre 2019

La création de la Cour pénale internationale (CPI) il y a 20 ans répondait à des impératifs de lutte contre l'impunité s'agissant des crimes les plus graves. Ce besoin est toujours présent et la France demeure profondément attachée à la lutte contre l'impunité partout dans le monde. Elle apporte son plein soutien à la Cour pénale internationale, qui constitue l'unique juridiction pénale internationale permanente et à vocation universelle concernant les crimes internationaux les plus graves, et renouvelle son souhait de voir le Statut de Rome universellement ratifié. S'agissant du rôle des victimes, l'absence de juge d'instruction à la CPI rend en effet impossible la constitution de partie civile. En revanche, les victimes ont la possibilité de porter à la connaissance du Procureur la commission d'une infraction relevant de sa compétence, directement ou par le biais d'ONG. Après avoir récolté ces informations, le Procureur évalue s'il a suffisamment d'éléments pour ouvrir un examen préliminaire, ce qui paraît être de nature à modérer l'affirmation selon laquelle les victimes ne peuvent pas saisir la CPI. De plus, les victimes ont le droit de déposer des observations devant les chambres au stade préliminaire, pendant le procès ou en phase d'appel. Lors de la création de la Cour, la France a activement soutenu le principe de la participation des victimes aux procédures, trace de l'influence du système juridique romano-germanique dans la procédure de la Cour. S'agissant de l'impartialité des juges, bien qu'elle ne soit pas assurée par un organe équivalent au Conseil supérieur de la magistrature (CSM), elle est garantie par le Statut de Rome à de strictes conditions. L'article 36§3 du Statut prévoit ainsi que "les juges sont choisis parmi des personnes jouissant d'une haute considération morale, connues pour leur impartialité et leur intégrité et réunissant les conditions requises dans leurs États respectifs pour l'exercice des plus hautes fonctions judiciaires" et l'article 41 prévoit un mécanisme de décharge des juges dans les affaires où leur impartialité serait susceptible d'être remise en cause. La liberté étant la règle, les conditions matérielles de détention vont bien au-delà des critères les plus souvent pratiqués : détention dans un quartier dédié, libre circulation à l'intérieur de ce quartier, ateliers, familles reçues dans des conditions très favorables, adaptation à leur régime alimentaire, etc. La CPI ne peut juger par défaut et les mandats d'arrêt sont émis dès l'ouverture d'une enquête. Une réflexion est en cours au sein des Etats Parties (via la co-facilitation sur la complémentarité) sur les réformes à envisager pour réduire les délais des procès, et par conséquent les délais des détentions provisoires (renforcement du rôle de l'audience de confirmation des charges, fixation d'un délai maximal aux enquêtes, amélioration de la procédure appliquée lors des procès pour augmenter l'efficacité et la célérité des débats, etc.). La France a pris l'initiative, avec d'autres Etats parties, d'encourager un audit de la Cour et poursuivra ses efforts, notamment à l'occasion de la prochaine session de l'Assemblée des Etats parties pour que ce processus puisse conduire aux réformes dont la CPI a besoin. La France est historiquement engagée et continue à soutenir activement une prise en compte accrue du rôle des victimes dans la procédure suivie devant la CPI.

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