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Virginie Duby-Muller
Question N° 18211 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 26 mars 2019

Mme Virginie Duby-Muller interroge M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences graves et irréversibles qu'aurait sur le modèle français de secours la transposition en droit interne de la directive 2003/88/CE concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, par la voie d'un décret exploitant les facultés de dérogations ouvertes par les articles 17 et 22 (opt-out) de cette directive. Le modèle français de secours d'urgence repose sur l'engagement altruiste et généreux des sapeurs-pompiers volontaires (SPV) qui représentent 79 % des sapeurs-pompiers de France. Près de la moitié des États membres de l'Union européenne (France, Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Pologne), dont la France, sont susceptibles de voir leur modèle de secours remis en cause en cas d'application de la DETT - directive européenne sur le temps de travail - aux sapeurs-pompiers volontaires qui en constituent le socle. Cette directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail pourrait être appliquée aux sapeurs-pompiers volontaires, du fait de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, en les considérant non plus comme des citoyens librement engagés, mais comme des travailleurs. Comme le souligne le rapport de la Mission volontariat remis le 23 mai 2018 au ministre de l'intérieur, le volontariat est un engagement altruiste et généreux, il ne peut donc être confondu avec une charge de travail. Si tel était le cas, cela sonnerait la fin de ce système puisque le temps de volontariat serait comptabilisé dans le calcul du temps de travail hebdomadaire autorisé (48 heures) et serait soumis au principe de repos quotidien de sécurité (11 heures). D'une logique d'organisation selon la disponibilité avec des autorisations d'absence conventionnées avec leurs employeurs (pour des formations et des interventions), les SPV passeraient alors à une logique de cumul d'emplois. Cela porterait préjudice tant aux SPV, qu'à leurs employeurs, privés et publics, rendant de fait impossible la conciliation d'un engagement de SPV et d'une activité professionnelle, sachant que 69 % des SPV français sont salariés. Ce serait également préjudiciable pour les services départementaux d'incendie et de secours, qui devraient alors recruter des sapeurs-pompiers professionnels à temps partiel en remplacement des anciens volontaires. Ainsi, l'engagement altruiste et généreux sans but lucratif (avec de simples indemnités horaires et une prestation de fin de service) ferait place à une logique de contractualisation et de droits à pensions de retraite, ce qui aurait de lourdes conséquences pour le statut juridique, fiscal et social des SPV et les finances publiques. La professionnalisation intégrale ne semble également pas envisageable en raison de son impact budgétaire (2,5 milliards d'euros) incompatible avec l'objectif de maîtrise de la dépense et de la dette publiques. La distribution des secours, au quotidien et en temps de crise, ne serait plus assurée dans les mêmes conditions (proximité, rapport coût/efficacité, équité territoriale, capacité de montée en puissance) qu'aujourd'hui, au détriment de la population et de la résilience de notre société. Aussi, elle souhaite connaître son analyse sur cette problématique.

Réponse émise le 9 juin 2020

La sécurité civile française repose sur un modèle qui démontre chaque jour sa pertinence et sa robustesse. Par son organisation et son implantation territoriale cohérente, notamment dans les zones rurales, notre modèle permet aussi bien de faire face aux accidents du quotidien, que d'affronter les crises exceptionnelles. Ce modèle, garant de la pérennité de la mission des 240 000 sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, doit être conforté. L'engagement des sapeurs-pompiers volontaires (SPV) contribue à garantir, chaque jour, la continuité opérationnelle du service public de protection et de secours à la population. La pérennité et l'attractivité du volontariat dépendent de sa capacité à s'adapter aux nouvelles formes d'engagement, attendues par les plus jeunes qui aspirent davantage aujourd'hui à pouvoir concilier vie privée, vie professionnelle et engagement. Pour stimuler le volontariat, rendre cet engagement pérenne et fidéliser dès à présent les plus jeunes, le ministère de l'intérieur déploie depuis un an les 37 mesures du plan d'action en faveur du volontariat. Parmi les 20 mesures d'ores et déjà déployées, deux sont particulièrement significatives : - les mesures relatives à une féminisation des centres d'incendie et de secours dans lesquels les femmes ne représentent aujourd'hui que 16 % des effectifs. Ces mesures seront consolidées avec la mise en place d'un référent à l'égalité et à la diversité dans chaque service d'incendie et de secours (SIS) ou encore la parité de leurs conseils d'administration afin de promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes ; - la mise en œuvre de l'engagement différencié, permettant aux nouvelles recrues d'opter pour un engagement sur une seule mission et plus particulièrement dans le domaine du secours d'urgence aux personnes. Cet engagement vise notamment à permettre une intégration plus rapide des nouvelles recrues. L'ensemble de ces mesures et l'implication des SIS dans leur déclinaison ont permis tout d'abord de stabiliser les effectifs puis, depuis maintenant 4 ans, de constater une légère mais continue hausse des effectifs de SPV. Ces initiatives permettent de conforter notre modèle qui doit continuer de servir de référence dans notre action de coopération aux niveaux européen et international. En parallèle, le ministère de l'intérieur poursuit un important travail avec la Commission européenne, sous l'égide du Secrétariat général aux affaires européennes, afin d'étudier le positionnement des SPV français au regard de la directive européenne concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (2003/88/CE). Pour autant, avant l'aboutissement de ces travaux, le ministère de l'intérieur engagera, avec les partenaires concernés, une phase de concertation permettant, dès à présent, de définir les améliorations susceptibles d'être apportées à l'organisation existante afin de se prémunir notamment de mises en causes devant les juridictions.

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