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M'jid El Guerrab
Question N° 1822 au Ministère de la justice


Question soumise le 10 octobre 2017

M. M'jid El Guerrab interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la spoliation des biens immobiliers dont sont victimes de nombreux citoyens français et européens au Maroc. Entre 2014 et 2016, 480 affaires de spoliation de biens immobiliers ont été recensées. Il s'agit de propriétaires, souvent de nationalité étrangère, qui voient leurs droits contestés devant la justice au moyen de faux, de contrefaçon ou d'usurpation de titres fonciers. Devant ce phénomène de grande ampleur, le gouvernement marocain a déployé une panoplie de mesures et de propositions à mettre en œuvre immédiatement, aussi bien sur le plan législatif qu'organisationnel, pour endiguer cette pratique. Cependant, nombreux sont les Français qui, victimes directes ou indirectes de la spoliation d'un bien immobilier, ont saisi les tribunaux locaux et restent, des années après, toujours dans l'attente d'un jugement les rétablissant dans leurs droits. Or, en France, l'article 113-7 du code pénal dispose que « la loi française est applicable à tout crime, ainsi qu'à tout délit puni d'emprisonnement, commis par un Français ou par un étranger hors du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité française au moment de l'infraction ». Compte tenu de ces dispositions, et dans la mesure où ces escroqueries portant sur un immeuble induisent le plus souvent un faux et usages de faux, il souhaite savoir si ce type d'infraction, commise à l'étranger sur un ressortissant français, pouvait être jugé devant les juridictions françaises compétentes, en vertu du principe de territorialité de la loi pénale française. Il désire également connaître les moyens qui pourraient être mis en oeuvre pour protéger ces citoyens français.

Réponse émise le 13 février 2018

L'article 113-7 du code pénal relatif à la compétence personnelle passive prévoit que « la loi pénale française est applicable à tout crime, ainsi qu'à tout délit puni d'emprisonnement, commis par un français ou par un étranger hors du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité française au moment de l'infraction ». L'article 113-8 du code pénal précise que « dans les cas prévus aux articles 113-6 et 113-7, la poursuite des délits ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public. Elle doit être précédée d'une plainte de la victime ou de ses ayants droit ou d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où le fait a été commis ». L'article 689 du code de procédure pénale pose le principe selon lequel la compétence de la loi française fonde la compétence des tribunaux français. Cet article dispose que « les auteurs ou complices d'infractions commises hors du territoire de la République peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises soit lorsque, conformément aux dispositions du livre Ier du code pénal ou d'un autre texte législatif, la loi française est applicable, soit lorsqu'une convention internationale ou un acte pris en application du traité instituant les Communautés européennes donne compétence aux juridictions françaises pour connaître de l'infraction ». Il résulte de ces dispositions que les juridictions françaises sont effectivement compétentes pour juger les infractions commises au Maroc à l'encontre de ressortissants français, quelle que soit la nationalité de l'auteur, sous réserve des exigences procédurales posées par l'article 113-8 du code pénal s'agissant des délits : l'initiative des poursuites appartient au ministère public qui apprécie l'opportunité d'engager une procédure pénale en France, et doit être précédée d'une plainte de la victime ou d'une dénonciation officielle par l'autorité du paysoù le fait a été commis. En application des dispositions de l'article 693 du code de procédure pénale, la juridiction française compétente est notamment celle de la résidence de la victime ou du prévenu. Toutefois, s'agissant des infractions commises à l'étranger, la juridiction de Paris exerce une compétence concurrente. Il en résulte que la victime peut déposer plainte auprès des forces de l'ordre ou du procureur de la République du ressort dans lequel elle habite. Si la victime ne dispose d'aucune résidence en France et qu'aucun autre critère de compétence n'est applicable, la juridiction compétente sera Paris. Il convient toutefois de préciser que s'agissant d'infractions commises à l'étranger et dont tous les auteurs présumés se trouvent à l'étranger, la coopération des autorités judiciaires étrangères, saisies sur le fondement de demandes d'entraide pénale internationale, sera rendue nécessaire pour recueillir des éléments de preuve situés sur leur territoire. Dans le cadre de demandes formulées sur le fondement de la convention d'entraide bilatérale de 2008, la saisie, la confiscation et la restitution des produits de l'infraction à destination du propriétaire légitime peuvent être sollicitées par les autorités judiciaires françaises, sous réserve des dispositions de la législation marocaine et des droits des tiers de bonne foi. Les articles 20 et 21 de la convention bilatérale franco-marocaine de 2008 prévoient en effet que « (…) La Partie requise doit, dans la mesure où sa législation le permet, et sur la demande de la Partie requérante, envisager à titre prioritaire de restituer à celle-ci les produits des infractions, notamment en vue de l'indemnisation des victimes ou de la restitution au propriétaire légitime, sous réserve des droits des tiers de bonne foi » et « La Partie requise peut, sur demande de la Partie requérante et sans préjudice des droits des tiers de bonne foi, mettre des objets obtenus par des moyens illicites à la disposition de la Partie requérante en vue de leur restitution à leur propriétaire légitime. ».

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