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Sabine Rubin
Question N° 18321 au Ministère de l’enseignement supérieur (retirée)


Question soumise le 2 avril 2019

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Mme Sabine Rubin attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, sur les inquiétudes qui entourent actuellement le CLES. Dans un objectif affiché d'élévation du niveau de langues des étudiants français, l'arrêté du 30 juillet 2018 relatif au diplôme national de licence prévoit que l'octroi du diplôme soit conditionné à la possibilité d'exciper d'une certification en langue étrangère. En janvier 2019, les services du MESRI ont averti la coordination nationale du CLES, le Certificat de langues de l'enseignement supérieur, que le CLES, certification nationale mise en place par les universités, proposée à un coût modique et disponible en neuf langues, reconnue au niveau européen et dont l'exigence et l'excellence sont connues, avait été écarté par les services du Premier ministre au profit de la grille de certifications ALTE, construite par des acteurs privés européens en parallèle au cadre de référence promu par l'UE et en concurrence frontale avec l'union des certifications universitaires européennes en langues, la NULTE. Pire : les responsables du CLES se sont entendu expliquer qu'au sein des certifications labellisées ALTE, les services du Premier ministre avaient choisi le TOEFL (Test of English as a foreign language) et le TOEIC (Test of English for international communication), deux tests exclusivement anglophones appartenant à l'opérateur privé anglo-saxon ETS. Or les certifications TOEIC et TOEFL sont onéreuses, elles placent les universités dans une situation de prestataires de service de groupes privés internationaux en concurrence avec d'autres établissements, et elles demandent que les évaluateurs fonctionnaires français transmettent à la société ETS des informations personnelles confidentielles conformes au droit américain mais dont la compatibilité avec le RGPD est contestée, ce qui a occasionné récemment plusieurs ruptures de contrats entre ETS et des universités françaises. Il s'agit donc d'une mesure d'externalisation d'une mission de service public au profit du secteur privé lucratif, au détriment des conditions de travail des personnels et de leurs droits, dans le droit fil de la réquisition de fait de nombreux enseignants anglicistes du secondaire pour corriger les certifications privées dites « de Cambridge ». Dans le cas de la licence, ce choix politique se fait en ignorant délibérément une certification universitaire publique existante et choisie par un nombre croissant de grandes écoles séduites par son exigence et par sa capacité à mesurer finement le niveau des candidats, là où les certifications TOEIC et TOEFL ne dispensent qu'une note globale (comme c'est la norme pour toutes les certifications de norme ALTE). Le système de notation du TOEIC, en particulier, pose un problème majeur de compatibilité avec l'arrêté sur le diplôme national de licence, puisque l'on ne peut pas échouer au TOEIC : on y obtient un score global qui se veut l'indice d'un niveau. Tout étudiant passant le TOEIC l'obtient, l'enjeu est simplement de savoir avec quel score global. Sauf à réécrire l'arrêté pour y introduire des seuils minimaux, le choix du TOEIC viderait de sa substance le principe de la certification tel qu'il a été formulé dans le texte du 30 juillet 2018. Certaines universités introduiront alors des seuils unilatéralement, ce qui achèvera de fragmenter le cadre national déjà mis à mal par cet arrêté pourtant censé le garantir. Une autre préoccupation concerne la hausse cachée des frais d'inscription que représente cette mesure pour les étudiants, sauf à ce que les universités prennent en charge sans contrepartie les frais de certification auprès d'ETS, ce qui grèverait immanquablement leurs finances déjà exsangues. En outre, l'insécurité juridique concernant la compatibilité du RGPD et des exigences d'ETS en matière de données privées fait peser un risque majeur sur cette initiative. Enfin, les certifications TOEFL et TOEIC ne sont disponibles qu'en anglais, ce qui posera des problèmes très concrets de concentration de l'effort sur les enseignants d'une seule langue au lieu de huit, dans un contexte où les universités auraient de toute façon besoin de moyens supplémentaires importants pour pouvoir développer une politique des langues à la hauteur des enjeux. Plus fondamentalement, le choix du tout-anglais contredit aussi le principe même de promotion du plurilinguisme dans l'Union européenne tel qu'il est régulièrement mis en avant par le Gouvernement, y compris dans le tout récent traité d'Aix-la-Chapelle avec l'Allemagne. Pour toutes ces raisons, cette annonce suscite l'inquiétude d'une grande partie des acteurs de la politique linguistique au sein de la communauté universitaire. Une lettre ouverte a été signée par les responsables des certifications d'un grand nombre d'universités, et la Société des anglicistes de l'enseignement supérieur a émis une protestation officielle assortie d'un soutien aux autres langues vivantes. En conséquence, elle souhaiterait savoir si elle allait porter un engagement fort en faveur du choix du CLES, certification de service public, mais aussi renforcer l'allocation de moyens financiers et humains importants aux universités pour faire face à cette nouvelle mission qui leur a été assignée par l'arrêté du 30 juillet 2018.

Retirée le 21 juin 2022 (fin de mandat)

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