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Valérie Gomez-Bassac
Question N° 18362 au Ministère de la justice


Question soumise le 2 avril 2019

Mme Valérie Gomez-Bassac attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'application de la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 visant à « favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété » en Corse. Il existait en France un désordre de la propriété lié à l'absence de titres opposables, à l'existence de bien non délimités dont on ne connaît pas la contenance exacte des droits, qu'il s'agisse des droits de chacun des propriétaires présumés, ou encore de l'existence de comptes cadastraux appartenant à des personnes décédées. Cette situation est présente dans toute la France, mais elle touchait particulièrement certaines régions, nécessitant ainsi des mesures législatives encourageant une normalisation de la situation. En Corse, marquée par un droit spécifique de 1801 à 2012 qui a favorisé ce désordre, dans la plupart des départements et territoires ultramarins, en Ardèche, en Lozère, ces phénomènes précités y sont prégnants et ont des conséquences négatives. Cette situation de désordre juridique foncier résulte principalement de l'absence de titres de propriété réguliers, publiés à la conservation des hypothèques en application du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière. Elle était génératrice d'insécurité juridique et provoque des effets économiques néfastes. L'absence de titres de propriété privait d'abord les citoyens de recourir aux dispositions de droit civil relatives à la propriété immobilière. Elle entravait également toute possibilité d'accès à l'emprunt. Il en était de même pour les biens non délimités puisque le propriétaire présumé d'un lot au sein d'un bien non délimité est dans l'incapacité de produire un titre opposable. La détention de biens par de multiples héritiers censés détenir des droits indivis concurrents diluait les responsabilités et rendait plus difficile l'entretien des biens concernés. Autant d'éléments qui participaient au délabrement du patrimoine immobilier et alimentaient des contentieux abondants dans les familles. Cette situation était également lourde de conséquences pour les autorités publiques, l'État ou les collectivités territoriales. Le recouvrement de l'impôt, foncier, d'habitation et surtout de transmission, relève du parcours du combattant. Les mairies se trouvaient également en difficulté pour faire appliquer la réglementation environnementale, pour recourir à la législation des biens vacants et sans maître ou encore celle des immeubles menaçant ruine. Les communes n'ont alors d'autre choix que de laisser le patrimoine immobilier se dégrader sans avoir la possibilité d'intervenir efficacement. Aussi, le Gouvernement est intervenu afin de tenter d'endiguer le problème. C'est dans ce contexte que, le 6 mars 2017, la loi n° 2017-285 visant à « favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété » en Corse a été votée. Cette loi impacte la prescription acquisitive, le régime d'indivision et certains régimes fiscaux favorables applicables aux transmissions d'immeubles en Corse. Toutefois, le décret d'application n'a toujours pas été publié. Il semble pourtant d'une impérieuse nécessité d'appliquer cette la loi pour résorber le désordre de la propriété, en recourant à des mesures civiles et fiscales efficaces. Aussi, elle souhaite connaître quelle procédure est envisagée pour assurer la mise en œuvre de cette loi.

Réponse émise le 11 juin 2019

Pour des raisons historiques, il a été constaté, en Corse et dans certains territoires d'outre-mer, un désordre foncier tenant, d'une part, à l'existence d'un grand nombre d'indivisions résultant de successions non réglées et, d'autre part, à un nombre important d'occupants sans droit ni titre de propriétés depuis plusieurs générations. Afin de remédier à ces désordres fonciers identifiés géographiquement, l'article 117 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique et l'article 1er de la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété ont institué un régime dérogatoire au droit commun de la prescription acquisitive, tel qu'il résulte des articles 2261 et suivants et 2272 du code civil.  Ces dispositions législatives ont fait l'objet d'un décret d'application n° 2017-1802 du 28 décembre 2017 relatif à l'acte de notoriété portant sur un immeuble situé en Corse, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte ou à Saint-Martin, puis d'une circulaire du 4 juillet 2018, publiée au Bulletin officiel du ministère de la justice du 12 juillet 2018. Poursuivant l'objectif de sécuriser la situation du possesseur qui acquiert la propriété d'une parcelle par prescription acquisitive, le nouveau dispositif encadre dans le temps la possibilité de remettre en cause la réalité de la possession constatée dans un acte de notoriété. Compte tenu de son caractère dérogatoire, le dispositif ne bénéficie qu'aux actes de notoriété concernant des immeubles situés dans des zones géographiques déterminées qui auront été dressés et publiés avant le 31 décembre 2027.  Pour en bénéficier, le possesseur devra tout d'abord faire établir un acte de notoriété constatant que la possession dont il se prévaut répond aux conditions (qualités et durée) de la prescription acquisitive : il devra ainsi justifier d'une possession, à titre de propriétaire, continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque pendant une durée de trente ans en application des articles 2261 et suivants, et 2272 du code civil. Cet acte de notoriété devra ensuite être publié. L'acte de notoriété ne pourra être contesté dans le cadre d'une action en revendication que dans un délai de cinq années, à compter de la dernière des publications de l'acte par voie d'affichage, sur un site internet et au service de la publicité foncière. A l'inverse, si l'action en revendication intervient postérieurement au délai de cinq ans, l'acte de notoriété constituera une présomption irréfragable de propriété.  L'article 2 de la loi du 6 mars 2017 précitée a par ailleurs assoupli les règles de majorité requises par l'article 815-3 du code civil pour l'accomplissement de certains actes effectués dans le cadre des indivisions constatées à la suite de la procédure de prescription acquisitive rappelée ci dessus. Cette disposition est applicable sans nécessité d'un décret d'application.

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