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Jean-Luc Mélenchon
Question N° 18578 au Ministère de l'éducation nationale


Question soumise le 9 avril 2019

M. Jean-Luc Mélenchon interroge M. le ministre de l'intérieur sur l'expérimentation de l'utilisation de caméras à usage biométrique dans deux lycées de la région Sud et Provence-Alpes-Côte-D’azur. Le 14 décembre 2018, une délibération du conseil régional a autorisé une expérimentation d'un dispositif de reconnaissance et de comparaison faciale pour les lycées Eucalyptus à Nice et Ampère à Marseille. Une centaine d'élèves volontaires sur le millier que comptent ces deux établissements vont être soumis à l'entrée de l'établissement à des caméras à usage biométrique, capable de comparer leur visage à la photo sur leur carnet de correspondance. Les données seront conservées par le chef d'établissement. Le dispositif de caméras est ensuite capable d'identifier et de classer les individus présents dans l'établissement selon leur autorisation de s'y trouver. Cette expérimentation a vocation à se généraliser, à terme, dans l'ensemble des lycées de la région, selon le président du conseil régional. Quatre organisations ont exprimé leur vive inquiétude quant à ce dispositif. Il s'agit de la Quadrature du Net, de la Ligue des droits de l'Homme, de la Confédération Générale du Travail éducation et de la fédération des conseils de parents d'élèves des Alpes Maritimes. Elles ont déposé ensemble un recours auprès du tribunal administratif de Marseille. Contrairement à ce qu'affirme le président du conseil régional, cette expérimentation n'a pas été autorisée par la CNIL. En effet, depuis l'adoption, en mars 2018, du règlement général de protection des données, la CNIL ne peut plus se prononcer qu'à priori pour interdire une telle pratique. L'adoption de ce règlement européen est donc de ce point de vue une régression. L'utilisation de ces caméras ouvre la possibilité dans le futur d'un traitement de données biométriques d'enfants à grande échelle. Rappelons que 1 300 caméras de vidéosurveillance sont déployées dans les lycées de la région. Cela paraît disproportionné par rapport à l'objectif poursuivi : l'assistance aux agents en charge du contrôle des entrées dans les établissements. Par ailleurs, les caméras à usage biométriques sont déployées par la multinationale américaine Cisco. C'est aussi elle qui assurera la formation des personnels des lycées. Cette surveillance biométrique viendra, à terme, remplacer les agents humains dans les lycées. Ainsi, l'exposé des motifs de la délibération du conseil régional affirme que ces caméras pourront constituer « une réponse au différentiel croissant constaté entre les exigences de sécurisation des entrées dans les établissements et les moyens humains dans les lycées ». Il s'agit donc d'utiliser la technologie comme réponse à l'austérité dans l'éducation nationale. Cette voie est dangereuse pour la qualité de l'encadrement des élèves dans les lycées. Il lui demande si son Gouvernement considère le déploiement de telles technologies dangereuses pour les libertés publiques comme une solution à l'austérité qu'il impose à l'éducation nationale.

Réponse émise le 26 novembre 2019

Le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse - qui porte une attention toute particulière à la protection des données des élèves - n'est pas à l'origine de l'installation de systèmes de reconnaissance faciale à l'entrée des établissements scolaires. Ce projet s'inscrit dans le cadre du plan de mise en sûreté des lycées voté par la région Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur en avril 2016 au titre de la compétence obligatoire de la région, à savoir la gestion des bâtiments et des équipements des lycées (art. L. 214-6 du Code de l'éducation). L'implication de la région permet de la qualifier de responsable conjoint du traitement concerné, au même titre que le chef d'établissement du lycée en sa qualité d'organe exécutif de l'établissement (art. R. 421-9 du code de l'éducation). Quant aux données biométriques collectées, celles-ci sont définies par le règlement général sur la protection des données (RGPD, article 4-14) comme les données « résultant d'un traitement technique spécifique, relatives aux caractéristiques physiques, physiologiques ou comportementales d'une personne physique, qui permettent ou confirment son identification unique, telles que les images faciales ou des données dactyloscopiques ». Le caractère sensible de ces données est consacré par la législation en vigueur, ce qui a pour conséquence de limiter les possibilités de recourir à leur collecte et de mieux encadrer leur utilisation. De plus, les traitements de données biométriques aux fins de reconnaissance des personnes parmi lesquelles figurent les personnes vulnérables telles que les élèves, doivent obligatoirement faire l'objet d'une étude d'impact sur la vie privée conformément à l'article 35 du RGPD. Les responsables de traitement doivent alors documenter les différentes caractéristiques de leur traitement, être en mesure de démontrer la proportionnalité du système choisi et préciser les raisons pour lesquelles le recours à d'autres dispositifs d'identification (badges, mots de passe, etc.) ou mesures organisationnelles et techniques de protection ne permettrait pas d'atteindre le niveau de sécurité exigé. Cette analyse d'impact a été réalisée et présentée à la CNIL. La CNIL, dans son avis du 29 octobre 2019, a considéré que le dispositif envisagé ne respectait pas les principes de proportionnalité et de minimisation des données posés par le RGPD. En effet, les objectifs de sécurisation et de fluidification des accès aux deux lycées peuvent être atteints par des moyens moins intrusifs en termes de vie privée et de libertés individuelles. Par conséquent, le dispositif apparait comme disproportionné et ne saurait être légalement mis en œuvre. Enfin, je tiens à porter à votre attention, comme l'engagement en avait été pris, l'installation, le 21 octobre 2019, d'un comité d'éthique pour les données d'éducation qui permettra d'éclairer la décision politique en matière de collecte de données personnelles des élèves dans le cadre scolaire. Cette instance indépendante présidée par Mme Claudie Haigneré, composée de membres qualifiés, est en effet chargée d'émettre des avis et recommandations sur l'opportunité de l'utilisation des données d'éducation collectées et traitées dans - et hors - le cadre scolaire.

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