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Christophe Lejeune
Question N° 18606 au Ministère de l'éducation nationale


Question soumise le 9 avril 2019

M. Christophe Lejeune appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la formation continue des enseignants et en particulier des professeurs des écoles. La formation continue des enseignants revêt un caractère essentiel pour leur permettre d'évoluer dans la complexité et de satisfaire aux conditions de la professionnalisation. Le décret n° 2008-775 du 30 juillet 2008 fixe à dix-huit heures le temps consacré chaque année à ces formations par les enseignants du premier degré. Ce temps de formation, dont le contenu est laissé à l'appréciation des inspecteurs de l'éducation nationale au niveau local, est imposé aux enseignants, restreignant ainsi les choix de formations des personnels et leur implication dans des problématiques coopératives ou expérimentales. Or l'ouverture pédagogique, dont les apports sont régulièrement soulignés par la recherche et le ministère, lui-même nécessite des temps d'échanges et d'actions entre pairs, sur des problématiques identifiées comme des besoins par les praticiens eux-mêmes. L'arrêté du 1er juillet 2013 relatif au référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation précise les compétences professionnelles attendues. Celles-ci s'acquièrent et s'approfondissent au cours d'un processus continu débutant en formation initiale et se poursuivant tout au long de la carrière par l'expérience professionnelle accumulée et par l'apport de la formation continue. Chacune de ces compétences implique la réflexion critique, la créativité, l'initiative, la résolution de problèmes, l'évaluation des risques, la prise de décision. De tels paramètres impliquent une formation entre pairs. D'ailleurs, l'arrêté du 1er juillet 2013 invite également l'enseignant à réfléchir sur sa pratique, seul et entre pairs, et à réinvestir les résultats de sa réflexion dans l'action. Il incite enfin l'enseignant à identifier ses besoins de formation et mettre en œuvre les moyens de développer ses compétences en utilisant les ressources disponibles. Les associations partenaires de l'école et les mouvements pédagogiques, tels que l'institut coopératif de l'école moderne œuvrent depuis de nombreuses années pour une formation autonome et entre pairs destinée à construire une culture intellectuelle commune grâce à la communication via de nombreux canaux, qui contribue à la professionnalisation. Face à une demande a priori contradictoire de concilier employabilité et humanisme, les pédagogies coopératives et institutionnelles peuvent constituer des apports particulièrement novateurs, y compris à l'université, sur la base d'un isomorphisme entre éducation, formation et recherche. Pour autant, alors même que l'on demande aux enseignants de faire preuve de réflexion critique, de développer l'esprit d'initiative et de travailler en équipes, leur temps de formation est actuellement investi par l'administration pour y développer des problématiques essentiellement modélisantes et administratives. Les enseignants, notamment ceux qui s'investissent dans les pédagogies coopératives innovantes, ont besoin de travailler ensemble et de s'observer pour mutualiser, partager et développer leurs savoirs et leurs savoir-faire. Dans certains départements, des demandes spontanées de stages en autoformation coopérative, entre pairs, sont refusées par l'administration, même lorsqu'elles sont proposées sur leur temps libre, alors même qu'elles sont acceptées dans des circonscriptions voisines ou d'autres départements, créant ainsi des inégalités de qualité de formation. Ces blocages et ces disparités ne correspondent pas à l'esprit du référentiel précédemment cité et n'encouragent pas à une formation multiréférencielle qui ferait de l'enseignant un praticien chercheur. Faisant le constat d'un modèle actuel de la formation continue « en inadéquation avec les attentes et besoins des enseignants », un rapport Igen-IGAENR sur la formation continue des enseignants recommande de « construire la formation sur de nouveaux principes », notamment en reconnaissant la « singularité de chaque enseignant ». Il s'agit de « partir des besoins des enseignants pour construire les formations » et « d'inscrire le développement professionnel et personnel aux différents niveaux de la gestion des RH ». La mission estime aussi que des moyens doivent être « mobilisés ». En outre, le rapport note que « le décrochage s'accentue entre d'une part, un modèle de formation principalement descendant et, d'autre part, des évolutions importantes des modalités de formation investies par les enseignants ». Parmi elles, « les formations d'initiative locale, partant des besoins du terrain, qui parviennent à contrebalancer les limites de l'élaboration des actions de formation, notamment quand elles s'appuient sur une réflexion d'établissement ou du moins d'une équipe ». Les auteurs évoquent aussi « des établissements ou des réseaux qui ont mis en place de nouvelles modalités de formation », à l'image du « réseau de l'éducation prioritaire qui a expérimenté le passage d'une logique de proposition de formation à une logique de remontée de besoins exprimés dans les réseaux ». Les auteurs du rapport recommandent de « construire la formation sur de nouveaux principes », notamment en reconnaissant la « singularité de chaque enseignant ». Pour eux, « le concept de développement professionnel et personnel aurait vocation à se substituer à celui de formation continue ». Il s'agit de « partir des besoins des enseignants pour construire les formations », à travers des « procédures réorganisées ». « Les enseignants sont des cadres, recrutés au niveau bac +5. Il devrait leur être reconnu une autonomie d'initiative dans leur formation, mais plus encore une responsabilité professionnelle dans la conduite de leur parcours au service des missions qui leur ont été dévolues et pour lesquelles ils auront à rendre compte », justifient les auteurs. Il lui demande ce qu'il compte mettre en œuvre pour que soient rendues possibles les conditions d'une formation des enseignants entre pairs, dans le respect du référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation, qui permette la réflexion critique, la créativité, l'initiative et l'autonomie. Ces engagements pourraient tout à fait s'intégrer dans les contenus de formation : en inscrivant la formation entre pairs dans l'arrêté du 1er juillet 2013 ; en ouvrant davantage la formation à des pratiques coopératives plus autonomes ; en prévoyant un dispositif de co-formation ou d'auto formation coopérative accompagné par les formateurs des ESPE ou les partenaires de l'éducation nationale ; en établissant des programmes de formation des professionnels qui garantisse aux enseignants une égalité de traitement dans l'accès à la formation tout au long de leur carrière.

Réponse émise le 23 juillet 2019

La formation des personnels, et particulièrement des professeurs, est une condition essentielle de l'élévation du niveau général. En la matière, le ministère poursuit deux chantiers : la rénovation de la formation initiale des futurs professeurs et personnels d'éducation et l'amélioration du cadre de réalisation de la formation continue. Ainsi, le Gouvernement a entrepris la refonte de la formation des enseignants au sens large, avec un continuum entre formation initiale, formation « continuée » dans les trois premières années d'exercice et formation continue. S'agissant de la formation initiale, le projet de loi n° 1481 pour une école de la confiance réaffirme l'objectif du Gouvernement selon lequel les professeurs doivent pouvoir bénéficier d'une formation de qualité et harmonisée, majoritairement consacrée aux savoirs disciplinaires fondamentaux et à la connaissance des valeurs de la République, fondée sur les travaux de la recherche et la connaissance des méthodes pédagogiques les plus efficaces. Dans ce contexte, le ministère a entrepris de réviser le cadre national du master des métiers de l'éducation, de l'enseignement et de la formation pour garantir, au travers d'un unique référentiel de compétences, l'homogénéité des formations dispensées aux futurs professeurs. Davantage de formations seront dispensées par des acteurs de terrain, c'est-à-dire des enseignants qui exercent en parallèle devant des classes. En outre, le projet de loi qui modifie le nom des écoles chargées de la formation des enseignants, les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPÉ) devenant les « instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation » (INSPÉ), renforce le lien entre formation et recherche en leur confiant la mission d'assurer l'adossement des pratiques pédagogiques et des savoirs sur le meilleur de la recherche. S'agissant de la formation continue, ce chantier prioritaire est inscrit à l'agenda social 2019 du ministère. Il a donné lieu à des assises nationales en mars dernier à l'issue desquelles a été annoncée la définition d'un schéma directeur pluriannuel de la formation continue. Il a vocation à définir sur une période de 3 à 5 ans les priorités stratégiques du ministère et la ventilation de l'effort de formation entre l'information institutionnelle, la formation continue métier et la formation destinée à l'évolution professionnelle. Les principes directeurs de la démarche globale engagée seront de convoquer l'ensemble des modalités de formation (présentiel, à distance, hybride, collaborative) et de diversifier l'offre et le vivier des formateurs afin de mieux répondre aux attentes. Ce schéma sera accompagné de moyens supplémentaires. Ainsi, la formation par les pairs et la symbiose entre éducation, formation et recherche seront améliorées et renforcées.

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