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Alexandra Valetta Ardisson
Question N° 18640 au Ministère de la transition écologique et solidaire


Question soumise le 9 avril 2019

Mme Alexandra Valetta Ardisson interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la mise en place d'une taxation du carburant utilisé par les bateaux. La réglementation du secteur maritime est régie à l'échelle internationale avec notamment la convention Marpol sur la pollution maritime, établie par l'Organisation maritime internationale. En France, l'article 265 bis du code des douanes, précise que « les livraisons des produits pétroliers pour le transport fluvial de marchandises sont exonérées de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) mais aussi les livraisons de produits pétroliers à l'avitaillement des navires et des bateaux de pêche ». L'absence de taxe sur le fioul lourd soulève des interrogations lorsque l'on sait que leur pollution en particules ultra-fines équivaut à celle de 50 millions de voitures. Elle souhaiterait savoir si le ministère pense revoir les dispositions de l'article 265 bis du code des douanes et supprimer l'exonération des TICPE dont bénéficient actuellement de nombreux pollueurs.

Réponse émise le 23 juillet 2019

S'agissant du transport fluvial de marchandises, l'exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) prévue par l'article 265 bis du code des douanes, en application de l'article 15-1-f de la directive 2003/96/CE, vise à : - préserver la compétitivité du transport fluvial de marchandises par rapport à d'autres modes de transport, et en particulier le transport routier. En effet, du fait des ruptures de charge liées aux pré et post-acheminements inévitables dans le transport fluvial, c'est un mode de transport qui souffre souvent d'un manque de compétitivité par rapport aux autres modes. Pour autant, le transport fluvial de marchandises est un levier très important de diminution des gaz à effet de serre à la tonne transportée, et une solution à la congestion routière. Ainsi, sur le grand gabarit, les convois constitués de barges propulsées par un pousseur peuvent atteindre 5 000 tonnes, soit l'équivalent de 250 camions. Le transport fluvial de marchandises est en outre un levier de compétitivité pour les entreprises et les ports français, dont les principaux (Le Havre, Marseille, Dunkerque) sont situés à l'embouchure de grands axes fluviaux. - préserver la compétitivité du transport fluvial de marchandises français par rapport aux autres États membres, qui exonèrent totalement de TICPE l'ensemble du secteur fluvial. La concurrence entre États membres est forte sur les axes fluviaux transfrontaliers (Rhin, Moselle), et se renforcera avec la mise en place du canal à grand gabarit Seine Nord Europe. Afin d'agir très concrètement pour la transition énergétique de ce secteur, l'ensemble des acteurs concernés s'investissent depuis fin 2018 pour formaliser des engagements mutuels du secteur public et du secteur privé sous forme d'engagements pour la croissance verte du secteur fluvial. Cette démarche, qui existe déjà dans d'autres secteurs, permettra de renforcer le partenariat entre, d'une part, l'État ou d'autres acteurs publics tels que les gestionnaires d'infrastructures portuaires et fluviales, l'agence de l'environnement et de la maîtrise d'énergie (ADEME) ou encore les collectivités qui souhaiteront s'associer, et d'autre part, les opérateurs économiques, et en particulier les porteurs de projets innovants qui souhaitent contribuer à la transition écologique. Dans ce cadre, un colloque organisé à Paris le 29 mai, intitulé « le fluvial à l'heure de la transition énergétique », a rassemblé plus de 260 acteurs. Par ailleurs, s'agissant du transport maritime, contrairement au secteur aérien, il n'y a pas d'interdiction formelle de taxer les activités maritimes au niveau international, mais le principe de l'absence de taxation, constaté dans tous les États du monde, est prévu au niveau européen par la directive 2003/96/CE précitée. La directive exclut la possibilité d'une taxation pour la flotte marchande à l'international, mais le permet au niveau national et pour les activités entre deux pays européens si un accord existe entre les États concernés. De fait, aucun État ne pratique de taxation car : - La majorité des grands navires de commerce disposent d'une autonomie suffisante pour s'approvisionner là où le carburant est le moins cher sur leur parcours (capacité des soutes pour un aller-retour Europe-Chine). Si le carburant était taxé en France, les navires pourraient donc facilement éviter de se réapprovisionner en carburant dans les ports français, au profit d'autres États où la taxe n'existe pas. - Les armements qui effectuent exclusivement des activités dans les eaux françaises (pêcheurs côtiers, travaux maritimes, remorqueurs…) sont très sensibles au coût du carburant et en concurrence ouverte à l'échelle européenne. Une décision isolée de la France de taxer ces activités aurait un impact économique immédiat sur ces publics sensibles pour lesquels, vu la taille des navires, peu d'alternatives existent. Une taxation en France aurait peu d'effet incitatif à réduire les émissions. Par contre, les conséquences économiques seraient néfastes pour les secteurs de production et de vente de carburants dans le pays. C'est pourquoi la France poursuivra la défense de la mise en place d'une taxation au niveau international et s'engage fortement dans les travaux de l'organisation maritime internationale (OMI) pour la réduction des gaz à effet de serre. Grâce notamment à la mobilisation de la France, qui a initié en décembre 2017 la déclaration Tony deBrum appelant à plus d'ambition climatique, l'OMI a adopté en avril 2018 des objectifs climatiques ambitieux pour le transport maritime international, à savoir : - atteindre le pic des émissions de gaz à effet de serre du secteur dès que possible ; - réduire l'intensité en gaz à effet de serre, c'est-à-dire les émissions par unité de transport, d'au moins 40 % en 2030 par rapport à 2008 et poursuivre les efforts pour la réduire de 70 % en 2050 ; - réduire les émissions totales de gaz à effet de serre du secteur d'au moins 50 % en 2050 par rapport à 2008, en poursuivant les efforts pour atteindre la neutralité en gaz à effet de serre dès que possible au cours du siècle. L'OMI a maintenant engagé des travaux pour déterminer les mesures concrètes de court, moyen et long termes qui permettront d'atteindre ces objectifs. La France continue à s'engager pour que ces mesures soient les plus ambitieuses possibles et soutient notamment la mise en place de mesures de tarification du carbone. De même, le gouvernement encourage l'évolution du transport maritime vers le gaz naturel, moins émetteur de CO2 et de polluants atmosphériques, avec un développement des infrastructures d'avitaillement sur les ports. Enfin, dans l'objectif de réduire les émissions polluantes, la France prône auprès de l'OMI la création d'une zone basses émissions en Méditerranée, avec une réglementation plus exigeante sur la teneur en soufre des carburants, comme en Manche-Mer du Nord.

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