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Romain Grau
Question N° 18710 au Ministère de la justice


Question soumise le 9 avril 2019

M. Romain Grau attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur les conditions d'exercice des agences immobilières dont le dirigeant évincé non sociétaire était le seul à être détenteur de la carte professionnelle d'agent immobilier. Toute personne qui ambitionne d'exercer une activité immobilière est dans l'obligation d'obtenir une carte professionnelle. La carte professionnelle d'un agent immobilier lui permet de justifier de ses aptitudes, en vertu de la loi Hoguet de janvier 1970 qui régit cette activité. Deux tiers des agents immobiliers se constituent sous la forme sociétaire. Il s'agit alors à proprement parler des agences immobilières qui supposent la création d'une entité sociale qui est régie par le droit des sociétés. Généralement, le détenteur de la carte professionnelle est alors soit l'actionnaire principal, soit le gérant majoritaire, qui est souvent le fondateur de l'agence. Mais il arrive que le dirigeant, qui est titulaire de la carte professionnelle, ne soit pas un des associés, le gérant majoritaire ou le fondateur de l'agence. Ainsi conformément au droit des sociétés les associés peuvent révoquer leur dirigeant non associé, détenteur de la carte professionnelle, avec effet immédiat. Les conséquences juridiques sont importantes car l'agent immobilier détenteur de la carte professionnelle ne peut ni l'utiliser, ni demander l'annulation de cette carte, car elle reste la propriété de la société. Et seule cette dernière peut engager les démarches auprès de la chambre consulaire pour en demander l'annulation. Cette situation fait courir des risques juridiques et pénaux au dirigeant titulaire de la carte mais ayant été révoqué. En effet seule une assemblée générale, en droit des sociétés, peut demander la modification du Kbis, disposition que ne peut demander l'ancien dirigeant n'étant pas un associé de ladite société. Il y a ainsi un transfert de capacité et de responsabilité sur une carte professionnelle de profession réglementée, le droit des sociétés prenant le dessus en totalité sur la spécificité de la réglementation, permettant une utilisation frauduleuse de la carte professionnelle d'agent immobilier, cela en contradiction avec les dispositions de la Loi Hoguet. Il souhaiterait connaître le positionnement du Gouvernement concernant le cas précis, où un dirigeant, non sociétaire, détenteur d'une carte professionnel d'agent immobilier, carte intuitu personae, vient à être révoqué par son conseil d'administration, sans que ce dernier puisse récupérer ou faire annuler sa carte professionnelle, qui continue à être utilisée par la société sans qu'aucun de ses dirigeants n'ait les qualifications pour en être détenteur.

Réponse émise le 21 mai 2019

Une carte professionnelle doit être sollicitée par la personne physique ou par le ou les représentants légaux ou statutaires de la personne morale qui souhaitent se livrer à l'activité d'agent immobilier, en application de l'article 2 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d'application de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et fonds de commerce. La demande précise notamment la nature des opérations pour lesquelles la carte est demandée et, lorsqu'elle est présentée par une personne morale, elle indique la dénomination, la forme juridique, le siège, l'objet de la personne morale ainsi que l'état civil, le domicile, la profession et la qualité du ou des représentants légaux ou statutaires. Si la direction de l'entreprise est assurée par un préposé ou un gérant, mandataire ou salarié, la demande doit également indiquer son état civil, sa qualité, son domicile ainsi que la justification que cette personne satisfait aux conditions d'aptitude professionnelle et de moralité exigée du titulaire de la carte professionnelle (article 2 du décret précité du 20 juillet 1972). La demande est présentée au président de la chambre de commerce et d'industrie territoriale ou de la chambre départementale d'Ile-de-France dans le ressort de laquelle se trouve le siège du demandeur si elle est présentée par une personne morale et, en l'absence d'établissement, succursale, agence ou bureau en France, au président de la chambre de commerce et d'industrie départementale de Paris (article 5 du décret précité). Par ailleurs, tout changement de dénomination ou de forme de la personne morale titulaire de la carte professionnelle, soumise à renouvellement triennal, de même que de l'identité du ou des représentants légaux ou statutaire, doit être déclaré sans délai à la chambre de commerce et d'industrie compétente (article 6 du décret précité). Ainsi, dans le cas où la demande de carte professionnelle concerne une personne morale, la carte ne peut être délivrée que si tous ses représentants légaux satisfont aux conditions énumérées à l'article 3 de la loi Hoguet, dont la justification de l'aptitude professionnelle appréciée conformément aux dispositions du chapitre II du décret susvisé, et s'ils ne sont pas frappées de l'une des incapacités ou interdictions d'exercer définies au titre II de la loi Hoguet (Cour d'appel de Paris, Chambre 3, section A, 30 octobre 2007, n° RG : 06/14260). Le fait pour un représentant légal ou statutaire d'une personne morale d'exercer des fonctions d'agent immobilier sans remplir ou en ayant cessé de remplir les conditions de compétence professionnelle ou de moralité précitées constitue un délit puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende (article 14 alinéa 1er, c de la loi Hoguet), avec pour conséquence de pouvoir engager la responsabilité pénale de la personne morale elle-même (article 18 de la loi Hoguet). Le dirigeant d'une société ayant sollicité une carte professionnelle en qualité de représentant de la société, personne morale, qu'il dirige ne détient pas cette carte à titre personnel mais au nom de la société qu'il représente, de sorte qu'il ne pourrait continuer à l'utiliser s'il venait à être révoqué de ses fonctions. S'agissant de la société en elle-même, elle ne pourrait pas d'avantage se considérer comme valablement détentrice d'une carte professionnelle à partir du moment où ses nouveaux dirigeants ne satisferaient pas aux conditions d'aptitude professionnelle et/ou d'honorabilité prévues par la loi Hoguet et son décret d'application. En tout état de cause, dès lors que les conditions d'aptitude et de capacité du représentant légal participent des conditions de fond requises pour l'attribution de la carte professionnelle à la personne morale, le changement de dirigeant ne constitue pas simplement un évènement soumis à déclaration mais il impose au contraire l'obtention d'une nouvelle carte pour la poursuite régulière par la société de l'activité d'agent immobilier (Cour d'appel de Toulouse, 1ère Chambre Section 1, 19 septembre 2005, n° RG : 05/02960).

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