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Sébastien Nadot
Question N° 18834 au Ministère de l'éducation nationale


Question soumise le 16 avril 2019

M. Sébastien Nadot alerte M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la récente journée de grève de la fonction publique du 19 mars 2019, vécue avec beaucoup d'amertume dans les rangs de la communauté éducative toulousaine. Des enseignants mobilisés ont été aspergés ce mardi matin-là de gaz lacrymogène par les forces de l'ordre. Les vidéos, largement relayées sur les réseaux sociaux, montrent les professeurs se faire gazer à bout portant et jeter à terre, devant le rectorat de Toulouse. Il leur était reproché de « verrouiller » l'accès et la sortie des bâtiments du rectorat. S'agissant plutôt d'un barrage filtrant puisqu'ils avaient auparavant laissé entrer des candidats qui passaient un examen, les enseignants grévistes ont été délogés sans sommation par les forces de l'ordre, alors qu'un véhicule de service devait quitter le rectorat. Les images très violentes de l'incident sont inquiétantes. C'est d'abord l'image de serviteurs de l'État qui est entachée. Que l'on interprète l'action des enseignants pour leur donner tort ou raison, cet incident écorne au choix l'autorité de l'État par les méthodes employées par les forces de l'ordre en ce jour de grève ou bien celle des enseignants, souscrivant à des processus qui mènent à la violence quand ils doivent éduquer notre jeunesse. C'est ensuite, peut-être, oublier l'histoire française. En tant que parlementaire, M. le député voudrait lui rappeler ces mots de Jaurès, prononcés dans l'Hémicycle lors de la séance du 21 juin 1894 sur la liberté du personnel enseignant (pour avoir pris part à des manifestations socialistes, plusieurs professeurs et instituteurs viennent d'être frappés de mesures disciplinaires très sévères par Jacques Spuller, alors ministre de l'instruction publique) : « Je ne demande qu'une chose, c'est qu'on les laisse aller leur chemin, qu'on les laisse servir la République de tout leur cœur, en liberté et comme ils veulent la servir ; pas d'oppression, parce qu'ils ont le droit, après tout, de n'avoir pas la même formule de la République que les ministres qui passent ; s'ils laissent tomber de leur conscience l'aveu d'une préférence pour une formule de la République autre que la vôtre, ne les humiliez pas, ne les frappez pas, au nom même de la République, car vous aurez peut-être besoin un jour de retrouver en eux des défenseurs indomptés ». C'est enfin caractériser l'abdication d'une méthode, celle qui consiste à épuiser toutes les solutions avant d'utiliser celle de la force. Bien sûr, on ne peut ignorer le contexte scolaire. Comme pour toute réforme (celle qui sera engagée derrière la « loi pour une école de la confiance ») les remous sont incontournables. Bien sûr, le pays connaît un moment de manifestations avec son lot de débordements et de violences qui commandent parfois des réponses d'extrême fermeté. Mais peut-on croire à une voie constructive qui oppose la violence à des instituteurs ou des professeurs en colère quand on connaît leur quotidien, quand on sait leur parcours, quand on ne doute pas de leur dévouement ? Il lui demande si tous les possibles du dialogue ont vraiment été épuisés pour en arriver là, en France, en 2019.

Réponse émise le 15 octobre 2019

L'appréciation que M. Sébastien Nadot porte sur les incidents survenus le 19 mars 2019 devant le rectorat de l'académie de Toulouse s'appuie avant tout sur des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. L'effet qu'elles ont produit doit être nuancé par l'explication des circonstances et l'enchaînement des faits qui ont conduit la rectrice de l'académie à solliciter l'intervention des forces de l'ordre. Il est tout d'abord inexact d'affirmer que les forces de l'ordre sont intervenues sans que la rectrice n'ait préalablement tenté de résoudre la situation par un dialogue avec les manifestants, dont certains s'étaient enchaînés aux grilles d'enceinte du rectorat pour bloquer son accès. Une négociation a ainsi été tentée à deux reprises par la directrice de cabinet de la rectrice et le secrétaire général adjoint pour convaincre les grévistes de libérer l'accès aux bâtiments du rectorat. Il leur a été expliqué que les épreuves des concours de plusieurs agrégations devaient se dérouler ce jour-là à partir de 9 heures sur un site extérieur au rectorat. Une fourgonnette était chargée d'acheminer les sujets des épreuves depuis le rectorat vers le centre de composition des candidats à ces concours de recrutements enseignants. Cette négociation a échoué et les manifestants ont voté le blocage total du site à mains levées, empêchant le bon acheminement des sujets des épreuves et le démarrage des épreuves à 9 heures. Comme le rappellent le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel, le droit de grève, qui est un moyen de défense des intérêts professionnels, est un principe constitutionnel comportant des limites. Il doit être concilié avec la sauvegarde de l'intérêt général et d'autres principes de valeur constitutionnelle, tels que la continuité du service public. Au cas présent, l'intérêt général et la continuité du service public ont tous deux été menacés par les actions de blocage menées par les manifestants. Ainsi, les opérations de recrutement d'enseignants organisées le 19 mars relevaient sans conteste d'une mission d'intérêt général, leur objectif étant de contribuer à affecter des enseignants en nombre suffisant devant les élèves des collèges et lycées à compter de la rentrée scolaire 2019-2020. Il convient de préciser que les concours de recrutements enseignants du second degré revêtent un caractère national, pour garantir l'égalité de traitement dont tous les candidats à un même concours doivent bénéficier. L'organisation des épreuves est élaborée en conséquence, de sorte que les centres de composition ouverts dans la France entière, outre-mer compris, soient soumis aux mêmes règles. Dans ces conditions, le blocage des manifestants de l'académie de Toulouse avait pour effet de bloquer les centres de composition de toute la France. En outre, le fait d'empêcher des agents non-grévistes, tant dans l'académie de Toulouse que dans les autres académies, de concourir à l'organisation des épreuves prévues le 19 mars était constitutif d'une entrave à la continuité du service public. C'est pourquoi la rectrice a pris l'attache de la préfecture et de la direction départementale de la sécurité publique. La décision de recourir aux forces de l'ordre a été prise pour permettre aux 2 168 candidats inscrits à l'échelle nationale de composer, parmi lesquels 81 candidats à Toulouse, après que le ministère a retardé le démarrage des épreuves à 10 heures au lieu de 9 heures. Les forces de police ont été seules décisionnaires de l'usage proportionné de la force qu'une telle opération nécessitait.

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