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Caroline Fiat
Question N° 19103 au Ministère des solidarités


Question soumise le 23 avril 2019

Mme Caroline Fiat interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur l'usage du traitement de données à caractère personnel SI-VIC dans le cadre du mouvement social des gilets jaunes. L'article L. 3131-1 du code de la santé publique prévoit que le ministre chargé de la santé peut prescrire certaines mesures spécifiques « en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence » et « afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population. » Un traitement des données de santé dénommé « SI-VIC » a ainsi été établi en avril 2016 puis autorisé par la CNIL en juillet 2016 suite aux attentats de Paris. Ces données de santé ainsi recueillies sont rendues accessibles à de nombreux professionnels qui n'y ont habituellement pas accès. Déjà à l'époque, la CNIL s'en inquiétait et écrivait ceci : « La Commission s'interroge donc sur l'articulation des dispositions précitées avec l'accès, prévu dans le dossier de demande d'autorisation à des informations nominatives relatives à des personnes hospitalisées, par des personnels, fussent-ils tenus au secret professionnel, autres que les professionnels qui les prennent en charge et hors les cas autorisés par la loi, (). » La CNIL avait alors précisé que conformément aux dires du ministère, le traitement SI-VIC était « une solution provisoire, dans l'attente du développement d'un outil interministériel destiné au suivi des victimes d'attentats dont les modalités restent à définir et qui fera l'objet de formalités propres auprès de la Commission. » Pourtant depuis, le dispositif SI-VIC n'a toujours pas été modifié de manière substantielle. Ainsi, le décret du 9 mars 2018 qui a pour objet la mise en œuvre d'un traitement de données ayant pour objet l'identification et le suivi des victimes dans les cas de situation sanitaire exceptionnelle, énonce que les données recueillies des personnes prises en charge concernées permettent leur dénombrement, leur identification, et portent entre autres sur leur identité et leurs coordonnées. Il ajoute que l'ensemble de ces données sont accessibles aux « agents des agences régionales de santé, du ministère chargé de la santé et des ministères de l'intérieur, de la justice et des affaires étrangères nommément désignés et habilités à cet effet ». Or, depuis décembre 2018 ce dispositif est utilisé non pas pour des attentats ou des catastrophes naturelles mais pour un mouvement social, celui des gilets jaunes ! En de telles circonstances il apparaît totalement injustifié et même contraire à l'état de droit que des agents du ministère de l'intérieur ait accès à ces données personnelles ! Aujourd'hui une révision du traitement SI-VIC apportant toutes « les garanties légales adéquates » comme le réclamait la CNIL dès sa délibération du 7 juillet 2016, est plus que jamais nécessaire concernant notamment les données de victimes de mouvements sociaux. Si un tel traitement est poursuivi sans aucune modification, il aura les conséquences inverses de celles apparemment souhaitées par le ministère puisque on pourra craindre que des personnes ayant participé au mouvement social des gilets jaunes renoncent à se soigner par crainte d'être fichées et que leur suivi sanitaire en soit totalement compromis. Elle lui demande donc si elle entend faire le nécessaire pour que les données recueillies concernant les gilets jaunes victimes de blessures ne soient pas transmises à des agents du ministère de l'intérieur.

Réponse émise le 9 juillet 2019

La mise en place de l'outil SI-VIC au niveau national a été validée afin de permettre l'identification et le suivi des victimes prises en charge par le système de santé. Les principaux objectifs de SI-VIC, autorisé dans le cadre de la délibération de la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) n° 2017-321 du 7 décembre 2017, sont les suivants : - assurer le dénombrement des victimes dans les établissements de santé afin de caractériser l'impact de l'évènement sur les capacités des établissements de santé, - informer les familles et les proches sur le lieu d'accueil des victimes notamment dans le cadre de la cellule interministérielle d'aide aux victimes (CIAV), - assurer l'identification et le suivi des victimes prises en charge dans le système de soins, alimenter la liste des victimes établie par le ministère de la justice à la demande du Procureur afin qu'elles puissent bénéficier de leurs droits. Ce système d'information ne doit en aucun cas contenir des données médicales ou sensibles. Les violences urbaines survenues lors des manifestations du 1er décembre 2018 ont engendré un nombre important de blessés, avec un impact significatif sur l'organisation de l'offre de soins, identifié tardivement. Aussi, afin d'éviter l'identification tardive d'un impact sanitaire pouvant perturber l'offre de soins, l'activation de SI-VIC a été réalisée par les agences régionales de santé (ARS), les week-end des 8 et 15 décembre 2018, à la demande du ministère des solidarités et la santé. Ce dispositif a permis de quantifier l'impact du nombre de blessés sur l'offre de soins et permettre d'anticiper la mise en place, le cas échéant, des mesures de régulation des flux de blessés ou de renforcement capacitaire dans les établissements de santé. En fonction des circonstances locales et des besoins des acteurs de santé, un évènement SI-VIC a pu être créé à l'initiative des ARS ou des SAMU, toujours pour poursuivre l'objectif de dénombrement et de gestion des flux de blessés. Comme pour tout type d'évènement pouvant engendrer des conséquences sur le système de santé, l'utilisation de SI-VIC est donc légale. Le décret du 9 mars 2018 prévoit que les agents du ministère de l'intérieur ont accès aux données de SI-VIC dans la stricte mesure où elles sont nécessaires à l'exercice des missions qui leur sont confiées. L'autorisation de la CNIL précise les conditions de ces accès aux données. Aussi, dans le cadre des attentats et au sein de la CIAV, le ministère de l'intérieur peut accéder aux données de SI-VIC. Il s'agit ici d'une autorisation exceptionnelle donnée aux agents des directions nationales de police judiciaire, habilités, nommément désignés et participant à la CIAV (activée uniquement en cas d'attentat). Pour tous les autres cas de figure, le ministère de l'intérieur n'a pas accès aux données, ni à l'outil SI-VIC. Le ministère de la santé lui fournit exclusivement des bilans quantitatifs concernant le nombre de victimes prises en charge dans les établissements de santé concernés. En conséquence, aucune information nominative concernant la prise en charge de blessés dans le cadre du mouvement des « gilets jaunes » n'a été communiquée, sous quelque forme que ce soit, à des services extérieurs au ministère chargé de la santé. Par ailleurs, concernant le cas particulier de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), une enquête a été diligentée par l'ARS Ile-de-France et l'AP-HP afin de rechercher d'éventuels dysfonctionnements locaux et de s'assurer que les données renseignées dans le dispositif ont été strictement celles prévues. Enfin, des échanges ont eu lieu entre le ministère des solidarités et de la santé avec le Conseil national de l'ordre des médecins concernant le système d'information SI-VIC. Ils ont permis de préciser les objectifs de ce dispositif et de rappeler l'intérêt de celui-ci dans le cadre de la gestion de crises par les acteurs de la santé. Des actions conjointes sont prévues par la suite dans le cadre du développement de ce système d'information.

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