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Marie-France Lorho
Question N° 19214 au Ministère auprès de la ministre de la cohésion des territoires


Question soumise le 30 avril 2019

Mme Marie-France Lorho appelle l'attention de M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement, sur la situation des sans-abris en France. La trêve hivernale est achevée depuis la fin du mois de mars 2019. De nombreuses associations qui interviennent à destination des sans domicile fixe constatent que le nombre de nouveaux sans-abris augmente. Ces associations alertent sur le nombre de femmes vivant dans la rue ou dans leur voiture, quelquefois avec leurs enfants. Un certain nombre d'entre elles se retrouvent pour la première fois sans logement à la suite d'une expulsion, expulsion qui intervient après une annulation de leur bail de location à la suite d'impayés et de la réquisition de la force publique par le préfet de leur département. Pour éviter aux citoyens et citoyennes les plus fragiles de se retrouver sans logement, des outils législatifs existent, ils sont nombreux, mais visiblement peu utilisés. Ces personnes subissent une injustice sociale intolérable. Ce sont des personnes défavorisées en situation précaire et dont les revenus ne permettent pas des conditions de vie dignes en raison d'une conjoncture intenable. Les textes les plus fondamentaux sur lesquels reposent les institutions prévoient un droit au logement. Depuis 2007 la loi DALO prévoit un droit au logement opposable. Ces textes octroient un droit aux citoyens et imposent un devoir à ce Gouvernement. Il n'est pas normal qu'en 2019, des personnes vivent encore dans la rue. D'après les chiffres de l'INSEE, La France compte entre 2,8 et 3 millions de logements inoccupés. Ce chiffre ne cesse d'augmenter. Il y a un véritable paradoxe entre le nombre de logements inoccupés et le nombre de personnes vivant dans la rue. Le plan de lutte contre la pauvreté est contredit par la politique économique et fiscale qui est menée. Des gens en meurent. Aussi, elle lui demande s'il ne pense pas qu'une instruction ministérielle à destination des préfets basée sur le principe suivant : « Pas de réquisition de la force publique pour expulsion sans réquisition d'un logement social sur le contingent préfectoral » serait une solution pour éviter que le nombre de ce que l'on pourrait qualifier de primo sans-abris n'augmente.

Réponse émise le 9 juillet 2019

L'action du Gouvernement intègre les deux impératifs de la logique d'une sortie du mal-logement : d'une part, sortir les personnes de la rue et de l'hébergement par une action curative et d'autre part, éviter que de nouvelles mises à la rue n'interviennent par une action préventive. C'est la politique définie par le plan Logement d'abord qui intègre dans sa cohérence d'ensemble la prévention des expulsions. Il s'agit donc de prévenir le plus en amont possible les expulsions locatives en permettant le maintien des locataires qui le peuvent et le relogement de ceux dont la situation locative est irrémédiablement compromise du fait d'une disproportion manifeste entre leur loyer et leurs ressources. Les statistiques nationales témoignent pour la deuxième fois, après dix années de hausses consécutives, d'une diminution du nombre de procédures judiciaires engagées pour résiliation du bail, ainsi que du nombre de décisions de justice prononçant l'expulsion. L'inversion de tendance se confirme avec une baisse encore plus importante en 2017 (qui correspond aux dernières données statistiques disponibles) que l'année précédente : - 5 % pour les procédures judiciaires contre - 1 % l'année précédente (164 995 procédures en 2016 / 157 423 en 2017) et - 3 % pour les décisions judiciaires contre - 2 % précédemment (129 189 décisions en 2016 / 125 971 en 2017). Ce sont ainsi 10 000 procédures judiciaires et 6 000 décisions de justices d'expulsion de moins qu'en 2015. De manière similaire, après avoir augmenté de plus de 53 % en quatre ans, le nombre d'expulsions effectives s'est finalement stabilisé depuis trois ans autour de 15 000, passant de 15 151 en 2015 à 15 547 en 2017. Il s'agit d'une dynamique naissante qui doit désormais être entretenue et amplifiée. En matière de prévention des expulsions, l'objectif du Gouvernement demeure inchangé : faire diminuer de manière pérenne le nombre de décisions judiciaires d'expulsion sur le territoire national. Dans cette perspective, la mise en œuvre du second plan d'actions interministériel a été lancée le 9 mars 2018 par le ministre de la cohésion des territoires. S'il ne peut s'agir d'une unique réponse à l'urgence de court terme, les multiples évolutions structurelles engagées par ce nouveau plan ont déjà produit leurs premiers effets qui se poursuivront cette année encore. Parmi les actions réalisées figurent en particulier les avancées de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan), notamment la réforme importante des procédures d'expulsion et de surendettement qui permet de garantir à la fois un meilleur maintien dans le logement des locataires ayant repris le paiement de leur loyer et un meilleur remboursement aux bailleurs de la dette locative légalement exigible. Deux millions d'euros ont également été investis dans le développement du système d'information EXPLOC qui a pour enjeu de raccourcir le délai de prise en charge des personnes menacées d'expulsion en améliorant l'échange d'informations et la prise de décisions collective des partenaires opérationnel de la prévention au sein des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX). Un important travail d'animation et de concertation nationales a par ailleurs été engagé depuis mai 2018 avec l'ensemble des préfectures et des conseils départementaux en charge de la prévention des expulsions afin de recentrer et optimiser le dispositif de prévention des expulsions en amont de l'audience judiciaire et faire diminuer significativement le nombre de jugements d'expulsion conformément aux objectifs de l'instruction du 22 mars 2017. Des groupes de travail techniques ont par ailleurs été lancés pour concrétiser les principales mesures du plan d'actions interministériel : renforcer les capacités d'accompagnement social et juridique des ménages menacés d'expulsions, améliorer les dispositifs d'apurement des dettes locatives et permettre des relogements précoces des personnes en particulier dans le parc privé. L'objectif de réduction du nombre d'expulsions poursuivi n'est donc pas uniquement celui de l'État mais bien celui d'un travail collectif avec l'ensemble des partenaires impliqués sur ce sujet. Enfin, sur la question d'un conditionnement d'une réquisition de la force publique à la réquisition d'un logement social sur le contingent préfectoral, en vertu de la séparation des pouvoirs et en application des droits fondamentaux définis par la constitution, notamment le droit de propriété, l'État ne peut s'opposer à l'exécution d'une décision de justice. Comme en dispose l'article 153-1 du code des procédures civiles d'exécution : « l'État est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires ». Il ressort par ailleurs de la jurisprudence issue de la décision n° 98-403 DC du 29 juillet 1998 du Conseil constitutionnel, que toute décision de justice ayant force exécutoire, et pouvant, partant, donner lieu à une exécution forcée, le législateur ne saurait subordonner l'exécution de ladite décision à la réalisation par l'État d'une diligence administrative sans porter atteinte à l'autorité de la chose jugée, méconnaître l'autorité de la force exécutoire des décision de justice et contrevenir au principe de séparation des pouvoirs énoncé à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Au surplus, le Conseil constitutionnel juge que le seul motif de ne pas avoir reçu de proposition d'hébergement alternative à l'expulsion de la part du représentant de l'État dans le département ne justifie pas d'une nécessité de sauvegarde de l'ordre public susceptible de porter atteinte à l'obligation d'exécution de la décision de justice par l'État. Celui-ci n'a donc pas l'autorité légale pour s'opposer à l'exécution d'une décision judiciaire d'expulsion. Il a en revanche la possibilité et le devoir de déployer tous les moyens nécessaires pour prévenir l'expulsion en amont de la décision de justice et dans les délais qui séparent cette dernière de l'expulsion effective. C'est l'objectif premier du plan d'actions interministériel de prévention des expulsions locatives lancé le 9 mars 2018 par le ministre de la cohésion des territoires et réaffirmé par le président de la République dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté.

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