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Marie-France Lorho
Question N° 19280 au Ministère de l'économie


Question soumise le 30 avril 2019

Mme Marie-France Lorho appelle l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la politique économique des États-Unis. La décision prise par Washington de se retirer de l'accord sur le nucléaire iranien et de prononcer des sanctions économiques contre les entreprises françaises en Iran est l'illustration du multilatéralisme américain et de l'omnipotence de l'extraterritorialité du droit américain. De même, les entreprises françaises en Russie pâtissent de la rivalité entre Moscou et Washington. Sous le mandat de Barack Obama, BNP Paribas s'est vu infliger en 2014 une amende de 8,9 milliards de dollars pour avoir violé l'embargo américain contre Cuba, le Soudan et l'Iran entre 2002 et 2009. Les politiques économiques de Renault, PSA, Total et Airbus qui étaient tournées vers le marché iranien ont prévu une révision de leurs engagements en prévision de la politique américaine. M. le ministre avait alors invité l'Europe à se doter d'outils susceptibles de résister à l'emprise de la législation américaine sur le commerce mondial. À l'époque la réflexion sur ce sujet était « embryonnaire », il ne semble pas qu'elle soit beaucoup plus avancée aujourd'hui. L'un des principaux arguments européistes consiste en la défense d'une Union européenne, seule à même de rivaliser avec une puissance économique telle que les États-Unis, ce que seraient incapables de faire les États membres seuls. Il apparaît aujourd'hui que même sur ce point l'Union européenne n'est pas à la hauteur. Il n'est pas acceptable que les entreprises françaises continuent d'être pénalisées par la position de gendarme économique que s'auto-attribuent les États-Unis. À ce titre, l'extraterritorialité du droit américain prend en otage les entreprises françaises qui dépendent de la politique diplomatique des États-Unis. Cela constitue une atteinte à la souveraineté économique du pays, met en danger la balance commerciale de la France et, partant, son économie. La France n'a pas à dépendre des humeurs de Washington et doit s'affranchir des abus de droit conduisant à la toute-puissance du droit américain, utilisé comme une redoutable arme économique. Elle lui demande quelles mesures le Gouvernement entend adopter afin que les entreprises n'aient plus à subir le diktat économique américain que ce soit en Iran, en Russie ou ailleurs.

Réponse émise le 13 août 2019

Le recours croissant, par les Etats-Unis, à des dispositions extraterritoriales en matière de sanctions financières internationales et de lutte contre la corruption, est injustifié, injustifiable et contraire au droit international. La direction prise par l'administration américaine de dénoncer unilatéralement l'accord de Vienne et réintroduire les sanctions extraterritoriales à l'encontre de l'Iran, en est l'une des illustrations les plus regrettables. La remise en question de la suspension d'application (waiver) du titre III de la loi Helms-Burton avec Cuba, de même que les nouvelles mesures qui pourraient être prises contre la Russie, sont une nouvelle manifestation du recours croissant à ces mesures extraterritoriales. Le Gouvernement s'est engagé à mobiliser nos partenaires européens pour renforcer la souveraineté économique de l'Union européenne. La Commission européenne, avec le soutien de la France et de ses partenaires européens, a d'ores et déjà étendu le champ d'application du règlement européen 2271/96 dit « règlement de blocage », qui permet désormais de protéger les entreprises européennes exerçant des activités licites en Iran contre l'extraterritorialité des sanctions américaines, signe de notre mobilisation collective sur le sujet. Enfin, depuis l'annonce du rétablissement des sanctions américaines à l'encontre de l'Iran, en mai 2018, la France – aux côtés d'autres Etats-membres affinitaires - travaille activement à la constitution d'un canal financier autonome pour ses opérateurs, afin de pallier les défaillances de marché relevées sur les canaux bancaires. C'est dans ce contexte qu'a été créée la société INSTEX le 31 janvier 2019. Des efforts sont poursuivis intensément pour parvenir à son opérationnalisation, travaux que le Gouvernement mène étroitement avec les Européens, mais aussi avec l'Iran. Au plan national, afin de faire face aux procédures donnant effet à des législations de portée extraterritoriale, la France dispose d'un outil de contrôle des informations transmises à des autorités étrangères : la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968, dite « de blocage ». Cette dernière sera renforcée pour encadrer encore davantage la transmission d'informations à des autorités étrangères, en particulier pour protéger les intérêts stratégiques de nos opérateurs économiques. L'auteur de la question souligne que toutes ces démarches prennent du temps et pose la question de la pertinence d'agir au niveau européen pour répondre aux enjeux de lutte contre l'extraterritorialité du droit américain. Ces travaux, qui demandent un engagement au plus haut niveau de nos partenaires, demandent du temps. Pour autant, le Gouvernement a la conviction que face à l'ampleur de la tâche qui est à mener, ce n'est qu'en conjuguant nos efforts aux plans national et européen que nous arriverons à protéger efficacement nos opérateurs qui agissent en pleine conformité avec les droits européen et international. L'Union Européenne doit pouvoir être libre de commercer légitimement avec les entités et avec les pays qu'elle souhaite, sans que des dispositions extraterritoriales ne viennent entraver ses opérateurs économiques. C'est une question de souveraineté européenne.

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