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François Ruffin
Question N° 19298 au Ministère auprès du ministre d'État


Question soumise le 7 mai 2019

M. François Ruffin interpelle M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, à propos de la construction du Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg : quelle trace laissera-t-il ? Du goudron, ou du courage ? « La semaine dernière, j'ai encore cueilli des mirabelles, ici, et le samedi nous avons vendu ces fruits sur le marché de Strasbourg ». C'est Philippe, un agriculteur, qui racontait cela à M. le député sur une colline de Kolbsheim, à l'automne 2018 en Alsace. Mais derrière lui, on ne voyait plus de mirabelliers, ni de cerisiers, ni de pruniers. Juste des arbres coupés, des souches arrachées. Ces bois accueillaient des oiseaux. Le pic cendré, une espèce menacée. Ou encore l'alouette des champs, en chute libre. Mais en se taisant, chut, nous n'entendions aucun chant. Seulement le bruit de la tronçonneuse, le grondement des pelleteuses. Le projet du GCO date de 1973. Il a été ressorti des cartons il y a vingt ans, en 1999. C'est un projet du très vieux monde : une autoroute payante de 24 kilomètres à travers le Kochersberg, à travers les terres les plus fertiles d'Alsace. Un tronçon à péage censé désengorger la circulation aux abords de Strasbourg. Mais dès 2008, une commission d'enquête publique émettait un avis défavorable au projet en concluant que « le désengorgement n'est ni l'enjeu ni l'objectif du GCO ». Au total, sept rapports ont souligné l'inutilité du GCO. Le Gouvernement s'est assis dessus plutôt que de s'opposer aux lobbies du BTP. À l'écologie, le Gouvernement a préféré Vinci. Le chantier revient à Vinci, la concession d'exploitation de 54 ans revient à Vinci, la rente revient à Vinci. Peut-être qu'hier, à l'époque du tout voiture, à l'époque où on ne se souciait pas de la bétonisation de nos campagnes, peut-être que ce projet s'expliquait. Mais en 2019, à l'heure de l'urgence climatique, à l'heure où il faut sortir des énergies fossiles, à l'heure où les terres cultivables deviennent des biens précieux, à l'heure des rapports toujours plus alarmants livrés par le GIEC, un tel projet est injustifiable. Le GCO, c'est 300 hectares goudronnés, c'est 120 espèces animales menacées, c'est 11 cours d'eau pollués. Le chantier est malheureusement déjà bien engagé. Face à cette catastrophe environnementale, les militants anti-GCO, avec le soutien de nombreux habitants et élus locaux, ont multiplié les actions non-violentes contre le projet : recours en justice, contre-expertises, manifestations, grève de la faim, parties de foot sur le futur tracé de l'autoroute, plantage d'arbres, décrochage du portrait du Président de la République, etc. En guise de réponse, le Gouvernement leur a envoyé la police : destruction des cabanes sur la ZAD, interpellations musclées, jets de gaz lacrymogènes. Même sa collègue Martine Wonner, députée de la majorité, en a fait les frais. Récemment, des archéologues ont découvert les vestiges d'un village du néolithique ancien sur le futur tracé du GCO. Il y a 5 000 ans, nos ancêtres ont laissé des fondations et des sépultures comme traces de leur passage sur Terre. Mais que laissera M. le ministre d'État derrière lui ? Du goudron, de la pollution ? Mais nul besoin de se projeter aussi loin dans l'avenir. Demain, lorsqu'entre Kolbsheim et Vendenheim, le houblon ne poussera plus, les oiseaux ne chanteront plus, les abeilles ne voleront plus, nos enfants vous accuseront, nous accuseront collectivement, de ne pas avoir agi, d'avoir laissé faire. Et ils auront raison. On ne pourra pas dire qu'on ne savait pas, qu'on n'avait pas le choix. Ou alors, marquerez-vous votre passage sur Terre, et au ministère, par du courage ? Malgré l'état d'avancement du GCO, il est encore temps pour vous d'interrompre le désastre. Il lui demande de prendre ses responsabilités, de stopper ce projet, de rendre réel le make our planet great again. Son prédécesseur Nicolas Hulot, une fois sa liberté de parole retrouvée, a reconnu que « le grand contournement ouest est une bêtise écologique ». Il lui demande s'il aura le courage d'en dire autant.

Réponse émise le 25 juin 2019

Le projet de grand contournement ouest de Strasbourg (autoroute A355) a fait l'objet d'une enquête publique au cours de l'année 2006. Dans son rapport du 12 janvier 2007, la commission d'enquête a émis un avis favorable à la déclaration d'utilité publique (DUP) des travaux de l'autoroute A355, qui est intervenue par décret du 23 janvier 2008. Cet avis favorable a notamment été prononcé au regard de l'étude d'impact soumise à enquête publique préalable à la DUP. Le décret n° 2016-72 du 29 janvier 2016 a approuvé le contrat de concession de l'autoroute de contournement ouest de Strasbourg (A355). La société Arcos SA a été désignée comme concessionnaire pour la construction de cette autoroute (à l'exception de l'échangeur nord). Cette convention de concession conclue entre l'État et Arcos a mis à la responsabilité du concessionnaire, d'une part, la mise en œuvre de la démarche « éviter, réduire, compenser » (ERC) et, d'autre part, de déposer les demandes d'autorisation nécessaires pour les travaux conformément aux réglementations environnementales applicables. L'État a confié la réalisation de l'échangeur nord à la société Sanef dans le cadre du premier plan de relance autoroutier notifié à la Commission européenne le 16 mai 2014. Les travaux préparatoires des deux projets constituant le contournement ouest de Strasbourg (COS) ont fait l'objet d'autorisations administratives fixant les mesures environnementales à mettre en œuvre pour leur réalisation. Les services de l'État et le conseil national de la protection de la nature (CNPN) ont fait preuve d'une vigilance particulière pour bénéficier d'une vision globale et non segmentée du projet et de l'analyse de ses impacts environnementaux. Les mesures environnementales fixées dans le contrat de concession ont été progressivement précisées par le concessionnaire. L'autorité de coordination regroupant l'ensemble des partenaires et permettant le suivi des engagements de l'État a été mise en place au cours de l'année 2017, lorsque les études détaillées du projet ont été finalisées par le concessionnaire. Il est reconnu qu'un tel projet d'infrastructure a des impacts environnementaux importants. Ces impacts sont à apprécier au regard de l'intérêt public majeur que présente ce projet au vu de l'amélioration de la circulation et d'amélioration de la qualité de l'air dans l'agglomération de Strasbourg. Ce projet permettra de faire disparaître le caractère autoroutier de l'A35 qui aujourd'hui traverse la ville et aménagera le report du trafic de transit en dehors de la ville. C'est en prenant en compte l'ensemble de ces considérations que l'État a veillé attentivement au respect par le concessionnaire de ses obligations. En 2017, le CNPN a émis un avis défavorable sur le dossier de compensation préparé par le maître d'ouvrage, et demandé des précisions relatives à la protection de la biodiversité lors du chantier, ainsi que sur la compensation des impacts de l'infrastructure sur des espèces protégées et les écosystèmes locaux. Le Gouvernement avait décidé en octobre 2017 de suspendre les travaux de déboisement afin que soient prises en compte les imperfections du dossier de compensation. L'État avait ensuite pu, en janvier 2018, proroger la déclaration d'utilité publique en janvier 2018. Le préfet du Bas-Rhin a par la suite pris le 30 août 2018 l'arrêté d'autorisation unique, intégrant l'ensemble des améliorations nécessaires, permettant de lancer les travaux pour la réalisation de ce projet. Depuis, la justice administrative, saisie à plusieurs reprises par les opposants au projet, n'a pas suspendu cet arrêté d'autorisation unique. Comme ils s'y étaient engagés, le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire et la ministre chargée des transports, ont reçu en octobre 2018 deux délégations, une d'opposants et une de soutiens à ce projet de contournement. Lors de ces entretiens, ils ont confirmé que le projet se poursuivrait, et que seule une décision de justice suspensive était de nature à faire évoluer la position du Gouvernement. L'État a veillé à ce que les mesures environnementales du projet soient renforcées afin de répondre aux enjeux identifiés. En particulier, concernant les mesures compensatoires, les impacts du projet sur les zones humides et les mesures de compensations correspondantes ont pu être réévalués grâce à la prise en compte des fonctionnalités de ces milieux, ce qui a permis un renforcement en superficie et en équivalence fonctionnelle des compensations. De même, l'estimation des impacts sur les espèces protégées a été revue à la lumière de l'avis du CNPN et de la commission d'enquête et a permis de dimensionner les mesures de compensations en conséquence. Cela a conduit à une hausse des mesures compensatoires, en particulier pour le Hamster commun (de 380 ha à 473,3 ha), le Crapaud vert (de 100,66 ha à 143,25 ha), ainsi que pour trois types de milieux (forestiers, semi-ouverts et mégaphorbiaies/roselières). L'effectivité des mesures compensatoires est sécurisée par l'arrêté ministériel. La vérification du respect par le concessionnaire des engagements pris est faite régulièrement par un comité de suivi, présidé par le préfet.

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