Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dominique Potier
Question N° 19358 au Ministère de l'économie


Question soumise le 7 mai 2019

M. Dominique Potier attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la généralisation du statut juridique de SAS. Leur nombre a en effet augmenté passant de 15 % de création de sociétés en SAS en 2011 à 48 % en 2015. Créée en 1999 et s'inspirant du droit allemand, la société par actions simplifiée (SAS) a pour vocation première à permettre aux entrepreneurs de créer une société par actions (SA) tout en alliant souplesse de fonctionnement et liberté d'organisation pour les associés. Cette forme était à l'origine particulièrement destinée aux chercheurs afin qu'ils se constituent en société pour l'exploitation industrielle de leur recherche. Cette souplesse s'exprime notamment par l'absence d'obligation à se doter d'un conseil d'administration ou de surveillance. Le seul organe de direction exigé est le président, qui peut être une personne physique ou morale. Si des organes de décisions collectives ou de contrôle peuvent toutefois être mis en place, ceux-ci sont dans la pratique inutilisés. Quand bien même ceux-ci le seraient, les membres de ces organes, à la différence des SA, ne peuvent être mis en cause au titre de manquements ou d'infractions, qui ne relèvent alors que de la responsabilité du seul président. Les règles de constitution étant alors allégées par rapport aux autres formes juridiques, ce statut est privilégié par les petites structures, les start-up et les filiales de grands groupes. Cette généralisation du statut de SAS, au détriment d'autres formes plus juridiquement encadrées, soulève des interrogations concernant la place de la démocratie dans l'entreprise, dans cette forme où la prise de décision appartient au président strictement. S'il comprend le besoin de souplesse en matière de gouvernance pour les TPE-PME, il s'interroge sur l'inflation de SAS pour les grandes entreprises et notamment les filiales françaises de groupes étrangers, où la désignation d'un président, qui ne soit pas entouré d'un conseil d'administration, peut amener à des décisions dictées dans une optique de rentabilité financière exclusivement où les préoccupations en matière de sauvegarde de l'emploi et d'investissement notamment ne soient pas prioritaires. Regrettant que, dans le cadre de la loi PACTE, le débat sur la codétermination dans les entreprises n'ait pas pu apporter de réponse véritablement novatrice et que celui des SAS ait été inexistant, il l'interroge sur les effets potentiels que peut avoir le basculement progressif du statut social de SA vers celui de SAS qu'adoptent des entreprises de plus en plus nombreuses.

Réponse émise le 13 août 2019

La société par actions simplifiée (SAS) a été instituée par la loi n° 94-1 du 3 janvier 1994. Il s'agissait à l'époque de doter le droit français d'une forme suffisamment souple pour concurrencer les formes sociales d'autres juridictions, notamment des Pays-Bas. Ainsi, la SAS a d'abord été réservée par le législateur aux personnes morales avant que cette forme juridique ne soit ouverte aux personnes physiques. Le code de commerce impose la représentation de la SAS par un président. Cependant, les pouvoirs de ce dernier sont limités par les attributions réservées par la loi aux associés, notamment pour les opérations sur le capital, l'approbation des comptes annuels, l'affectation des résultats, le contrôle des conventions réglementées (conventions conclues directement ou par personne interposée entre la SAS et son président ou ses autres dirigeants) ainsi que pour toutes les décisions qui requièrent le consentement unanime des associés. En outre, les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée. Ils peuvent donc limiter les pouvoirs du président, en prévoyant, notamment, la constitution d'organes collégiaux de direction ou de contrôle. Les règles fixant la responsabilité des membres du conseil d'administration et du directoire des sociétés anonymes (SA) sont applicables au président et aux autres dirigeants de la SAS prévus par les statuts. La qualité de dirigeant de SAS doit être reconnue à ceux qui ont le pouvoir de représenter la société, c'est-à-dire au président et, lorsque les statuts en ont prévu l'existence et leur ont donné ce pouvoir, aux directeurs généraux et directeurs généraux délégués tout comme aux membres des organes collégiaux qui ont des pouvoirs équivalents à ceux des administrateurs de SA. L'ensemble de ces organes sont responsables et peuvent donc être mis en cause au titre de manquements ou d'infractions. Lorsqu'un comité social et économique (CSE) est constitué en application du code du travail, les statuts de la SAS doivent désigner l'organe social (qui peut être le président ou un autre dirigeant) auprès duquel les délégués du CSE exerceront les droits prévus par le code du travail à l'égard du conseil d'administration : droit d'assister avec voix consultative aux séances de cet organe, droit d'information et droit d'exprimer les vœux sur lesquels l'organe compétent doit rendre un avis motivé. Les statuts doivent également fixer les modalités selon lesquelles le CSE exerce les autres prérogatives prévues par le code du travail, notamment en ce qui concerne le droit d'assister aux assemblées générales et le droit de demander l'inscription de projets de résolutions à l'ordre du jour des assemblées. Les textes actuels permettent donc de concilier la liberté contractuelle qui caractérise la SAS et l'exercice par les représentants des salariés de leurs droits. Enfin, il est rappelé que la SAS doit être gérée, comme toute société, conformément à son intérêt social. Depuis la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, l'article 1833 du code civil, énonce que « la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Ainsi, la SAS, comme toute société, ne peut valablement être gérée dans un objectif exclusif de rentabilité financière.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.