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Elsa Faucillon
Question N° 19370 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 7 mai 2019

Mme Elsa Faucillon interroge M. le ministre de l'intérieur sur l'application de la note d'actualité présentée le 1er décembre 2017 par le ministère de l'intérieur, via la direction centrale de la police aux frontières, sur les fraudes documentaires organisées en Guinée (Conakry) sur les actes d'état civil. Les informations permettant aux autorités d'émettre cette note affirmant que la fraude serait généralisée ne sont pas publiques et ne peuvent être vérifiées. Cette note d'actualité préconise de formuler un avis défavorable pour toute analyse d'acte de naissance guinéen. Comme les agents doivent se conformer à l'interprétation donnée par leurs supérieurs hiérarchiques, cette note d'actualité crée des obligations pour ses agents qui l'appliquent de manière systématique. Le caractère systématique de cette préconisation contrevient totalement à l'article 47 du code civil qui énonce que « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ». Cette présomption de fraude des citoyens guinéens devient alors irréfragable violant ainsi l'article 47 du code civil. À défaut d'urgence, la requête présentée par le GISTI pour l'annulation de cette note d'actualité a été rejetée par une ordonnance du Conseil d'État du 23 février 2018. De nombreux mineurs non accompagnés subissent toujours les effets de cette note d'actualité qui n'a pourtant aucune valeur législative. Elle lui demande d'annuler l'effet systématique de cette note d'actualité afin de se conformer à l'article 47 du code civil.

Réponse émise le 16 juillet 2019

Le document évoqué dans la question est une « note d'actualité », non une instruction de caractère impératif qui serait adressée aux services. Diffusée par la division de l'expertise en fraude documentaire et à l'identité de la direction centrale de la police aux frontières, cette note d'actualité du 1er décembre 2017 est destinée à un public, restreint, de spécialistes en fraude documentaire et de partenaires formés à la détection de la fraude (« référents fraude » des préfectures). Il ne s'agit pas d'une information publique et générale. Ce document figure sur le site intranet de la police aux frontières, dans une rubrique dédiée à l'aide au contrôle documentaire, accessible exclusivement aux agents du ministère de l'intérieur. Les notes d'actualité sont des outils d'aide à la décision dans le cadre des analyses documentaires effectuées par des spécialistes de l'analyse technique capables de détecter les contrefaçons et falsifications sur un titre d'identité et de voyage comme sur un acte d'état civil. Il convient à cet égard de rappeler qu'un acte d'état civil étranger est recevable s'il respecte les conditions énoncées à l'article 47 du code civil. Outre l'examen technique, l'analyse des actes d'état civil nécessite un contrôle de cohérence et du formalisme des différents actes produits par la personne qui s'en prévaut et ce au regard des lois du pays émetteur (extrait d'acte de naissance et jugement déclaratif de naissance par exemple). Cet aspect permet de mettre en évidence des incohérences dans la rédaction de l'acte ou une méconnaissance des lois applicables dans le pays concerné. La note du 1er décembre 2017 invite les rédacteurs, après avoir écarté l'aspect purement technique relevant une fraude manifeste (contrefaçon ou falsification), à ne pas se prononcer sur la recevabilité de l'acte au sens de l'article 47 du code civil, eu égard à la fraude généralisée dans la chaîne de délivrance des documents d'état civil rapportée en Guinée. L'article 47 précité dispose en effet que « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ». En l'espèce, ce sont bien des « éléments extérieurs » qui ont été portés à la connaissance des autorités françaises par la voie officielle et qui doivent être pris en compte dans l'analyse d'un acte d'état civil. Actuellement, en pratique, sauf s'ils s'avèrent être des documents apocryphes, les actes d'état civil guinéens ne font pas l'objet d'avis défavorables basés sur la note d'actualité du 1er décembre 2017 mais uniquement parce qu'est manquante la légalisation des autorités consulaires françaises, en application du décret du 10 août 2007 relatif aux attributions du ministre des affaires étrangères, des ambassadeurs et des chefs de poste consulaire en matière de légalisation d'actes. Il est utile d'observer que des informations récentes provenant de diverses sources confirment que ce qui est décrit dans la note contestée est toujours d'actualité en Guinée. Une mission exploratoire interministérielle française s'est rendue en Guinée en juin 2018 afin de mieux appréhender les problèmes migratoires (migration irrégulière, difficultés relatives à l'état civil, pratiques de fraude documentaire). A l'issue, un plan d'action visant à soutenir ce pays en la matière a été proposé. En février 2019, quatre ambassadeurs européens chargés des migrations (Allemagne, Belgique, Espagne et France) ont rencontré les autorités locales afin de présenter ce plan d'action et les inciter à accepter le principe d'un projet et de financements européens pour le mettre en œuvre. Par courrier du 18 mars, les autorités guinéennes ont donné leur accord sur la nécessité d'une « coopération renforcée » et manifesté leur intérêt pour les recommandations formulées. L'accord final des autorités guinéennes sur ce plan d'action a finalement été recueilli à l'occasion d'un déplacement du secrétaire d'Etat Laurent NUNEZ à Conakry le 19 juin 2019.

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