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José Evrard
Question N° 19587 au Ministère de l'europe


Question soumise le 14 mai 2019

M. José Evrard appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la forme de rejet qui affecte notre pays de la part d'un nombre grandissant d'États. Ce rejet est à mettre au compte des changements dans la conduite de notre diplomatie. A la reconnaissance des États souverains s'est substituée la reconnaissance des gouvernements. Il y a désormais les bons et les mauvais élèves de la planète. La conséquence immédiate de ce changement s'est trouvée formulée dans le « droit d'ingérence » que se sont octroyés sans vergogne les ministres en charge. La reconnaissance des gouvernements peut aussi se traduire par le soutien à l'opposition au Gouvernement en place et légitime. Le dernier épisode s'est tenu à Caracas. La diplomatie française a pris fait et cause pour un putschiste, en l'occurrence Juan Guaido qui appelle purement et simplement l'armée vénézuélienne à un pronunciamiento et les Etats-Unis à intervenir dans la vie intérieure du pays. Il lui demande s'il ne serait pas judicieux de revenir sur ce soutien au moment précisément où il est refusé aux manifestants Gilets Jaunes d'émettre une quelconque remise en cause de l'élection du Président de la République française.

Réponse émise le 9 juillet 2019

La crise au Venezuela se caractérise par une situation économique et humanitaire désastreuse. Selon des études menées par des universités vénézuéliennes, plus de 90% de la population vit dans la pauvreté, une situation résultant notamment d'une hyperinflation sans précédent dans la région et d'une contraction brutale du PIB de 60% sur les cinq dernières années. En outre, le délabrement du système sanitaire conduit à une résurgence des épidémies autrefois éradiquées (diphtérie, malaria, rougeole…) et les pénuries généralisées de médicaments ainsi que les coupures de courant mettent en danger des milliers de personnes atteintes de maladies chroniques. Cette situation humanitaire extrêmement dégradée a poussé des millions de Vénézuéliens sur les routes de l'exil. Le Haut-Commissariat de l'ONU aux réfugiés en recensait 3,7 millions en mars 2019, ils pourraient être 7 millions d'ici la fin 2020. Ces chiffres soulignent l'urgence de la situation au Venezuela. Il faut toutefois rappeler que les origines de ce désastre économique et humanitaire sont politiques. Le Venezuela s'est enfoncé dans la crise à mesure que Nicolas Maduro approfondissait sa dérive autoritaire. Les autorités vénézuéliennes se sont rendues coupables ces dernières années de multiples atteintes aux libertés fondamentales et à l'Etat de droit, qui ont été documentées par de nombreuses institutions et ONG, dont très récemment Amnesty International qui a documenté six cas d'exécutions extra-judiciaires et a appelé la Cour pénale internationale à enquêter sur de possibles crimes contre l'humanité. Le Haut-Commissariat des droits de l'Homme des Nations unies a publié à plusieurs reprises des rapports accablants sur la situation des droits de l'Homme au Venezuela et sur l'usage excessif de la force par les forces de sécurité. L'Assemblée nationale du Venezuela s'est vue dépossédée de ses pouvoirs dès la victoire de l'opposition. Les principaux leaders et partis d'opposition ont été empêchés de concourir aux élections. Les députés sont emprisonnés au mépris de leur immunité parlementaire, d'autres sont victimes de disparitions forcées. Pour toutes ces raisons, la France ne pouvait que condamner avec fermeté la dérive du régime vénézuélien et apporter son soutien résolu à l'Assemblée nationale en tant que seule et dernière institution élue démocratiquement. Celle-ci a choisi Juan Guaido comme président le 5 janvier 2019 et l'a proclamé président par intérim le 23 janvier. Ces décisions interviennent alors que Nicolas Maduro, dont le mandat s'est terminé le 10 janvier 2019, reste au pouvoir de manière illégitime en se référant aux résultats d'une élection présidentielle dont bon nombre de partis et de dirigeants de l'opposition ont été écartés et que l'UE a jugé non-représentative de la volonté du peuple vénézuélien. Le 4 mars 2019, la France, aux côtés de dix-neuf Etats membres de l'Union européenne, a reconnu Juan Guaido comme président par intérim afin qu'il organise des élections démocratiques au Venezuela. Cette décision fait suite à une demande formulée par six Etats membres de l'UE invitant Nicolas Maduro à convoquer des élections présidentielles démocratiques. Face au refus de Nicolas Maduro et compte tenu des dispositions prévues par la Constitution vénézuélienne, la France a considéré que Juan Guaido était le seul à même de convoquer des élections libres dans son pays. La France a appelé de manière constante à une résolution politique et pacifique de la crise et s'est engagée pour cela dans le Groupe de contact international sur le Venezuela. L'objectif est de permettre la livraison d'une aide humanitaire neutre pour soulager les souffrances du peuple vénézuélien et d'organiser des élections présidentielles qui compteront avec les garanties d'équité et de transparence. Elle a également rappelé avec constance son refus de tout recours à la violence, par l'ensemble des parties. Il ne s'agit bien sûr pas ici de se substituer au peuple vénézuélien mais de lui redonner la parole et de lui permettre de s'exprimer librement pour reprendre en main son destin.

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