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Jean-Pierre Cubertafon
Question N° 19739 au Ministère de l'europe


Question soumise le 21 mai 2019

M. Jean-Pierre Cubertafon interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le soutien de la France à la vision ambitieuse de protéger au moins 30 % des océans d'ici 2030 au niveau mondial. Ce soutien renforcerait la dynamique pour un traité de la haute mer qui réponde aux défis actuels d'enrayer l'effondrement du vivant et les dérèglements climatiques. La publication de l'état des lieux planétaire de la biodiversité, réalisé par l'IPBES, a alerté sur la vitesse de disparition inquiétante de centaines de milliers d'espèces sur terre et en mer. Face à ce constat, le Président de la République s'est engagé à porter la part des aires marines et terrestres protégées à 30 % du territoire d'ici 2022, dont un tiers « protégées en pleine naturalité ». Néanmoins, constatant que les eaux ne relevant pas des juridictions nationales représentent 73 % du volume de l'océan mondial, seule la création d'un vaste réseau d'aires marines protégées en haute mer permettra de protéger durablement les écosystèmes marins ainsi que les biens et services qu'ils nous fournissent. La communauté scientifique estime aujourd'hui qu'il faudrait protéger au moins 30 % de la diversité des écosystèmes marins d'ici 2030 afin de préserver durablement les habitats et les espèces marines. La France a d'ailleurs soutenu une résolution dans ce sens lors du Congrès mondial de la nature de 2016. Les États des Nations unies négocient actuellement un traité portant sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine dans les eaux ne relevant pas des juridictions nationales. C'est une occasion unique de doter le droit international d'un instrument juridique qui permette la création d'un vaste réseau d'aires marines fortement et intégralement protégées en haute mer. Dans ce contexte et à l'aune de l'engagement pris par le Président de la République de protéger 30 % eaux françaises d'ici 2022, il souhaite connaître sa position quant à un engagement de la France à soutenir l'objectif de protéger au moins 30 % des océans d'ici 2030. Le pays emboiterait ainsi le pas à la Belgique et au Royaume-Uni qui ont récemment fait des déclarations dans ce sens.

Réponse émise le 30 juillet 2019

Le 6 mai 2019, après la publication du rapport sur l'état de la biodiversité mondiale, le chef de l'État a annoncé l'extension des aires protégées sous juridiction française à 30 % du territoire d'ici 2022, dont un tiers en protection forte. Le 6 juin dernier, le ministère de la transition écologique et solidaire a présenté la stratégie nationale de création et de gestion des aires protégées, avec 27 projets d'extension du réseau des réserves naturelles nationales, et la tenue d'un forum national prévu le 25 octobre prochain. La révision de la stratégie française en matière d'aires marines protégées (AMP) est également en cours. Une version finale sera présentée lors du Congrès mondial de la nature de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en juin 2020 à Marseille. La France se place donc à l'avant-garde de la protection de la biodiversité et compte porter son ambition aux niveaux européen et international. La France a soutenu dès 2016 la résolution n° 50 de l'UICN "Accroître l'étendue des aires marines protégées pour assurer l'efficacité de la conservation de la biodiversité" qui rappelle entre autres que, d'après les données scientifiques, la protection d'au moins 30 % des océans serait nécessaire afin d'inverser les effets néfastes causés par la pollution. Depuis le 4 septembre 2018, des négociations sont en cours aux Nations unies visant précisément à répondre aux défis actuels en établissant un instrument juridiquement contraignant pour la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (négociation dite "BBNJ"). Ces négociations portent sur quatre volets principaux : les ressources génétiques marines y compris le partage des avantages découlant de leur exploitation, les évaluations d'impact sur l'environnement des activités conduites en haute mer, le renforcement des capacités et le transfert de technologie marine, et enfin les outils de gestion par zone dont les aires marines protégées (AMP) en haute mer. Le futur traité ne fixera pas de pourcentage d'AMP à atteindre car cette logique est poursuivie à travers un processus distinct, le Plan stratégique de la convention sur la diversité biologique (CBD), qui sera révisé en 2020. Il devrait néanmoins permettre de définir les modalités selon lesquelles le futur instrument pourra reconnaître les outils de gestion par zones, dont les AMP créées et/ou à venir par d'autres instances compétentes en haute mer, et s'il y a consensus, en créer de nouvelles. La France contribue déjà à la création d'AMP en haute mer à travers des organisations régionales comme OSPAR et la Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l'Antarctique (CCAMLR), en soumettant des propositions de création d'AMP dans ces deux instances. Les AMP peuvent en effet constituer l'outil le plus efficace à notre disposition pour préserver les ressources et les services rendus par l'océan, sous réserve qu'elles soient bien gérées et comportent des zones de protection forte, comme l'a récemment démontré la première évaluation de l'efficacité écologique des AMP en fonction de leur degré de protection, réalisée par des scientifiques portugais et français. Or à l'heure actuelle, on estime que seulement 4,8 % des océans sont couverts par des AMP réellement gérées, et que seulement 2,2 % font l'objet d'une protection forte. Pourtant, l'alternance entre aires très protégées et aires modérément protégées permet de sanctuariser des zones favorisant la reproduction des poissons, et donc d'augmenter leur nombre dans le reste des océans. La France s'engagera donc également pour des objectifs ambitieux au niveau mondial en matière d'AMP dans le cadre des négociations à la CBD pour les objectifs post-2020 pour la biodiversité, avec notamment des objectifs qualitatifs et non plus uniquement quantitatifs.

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