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Pierre Vatin
Question N° 20044 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 28 mai 2019

M. Pierre Vatin attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la privatisation des voitures radars. Au mois de mai 2018, un arrêté d'interdiction d'utilisation des voitures radars a été pris par le maire de Naujac-sur-Mer. L'arrêté a été immédiatement rejeté par la préfecture. C'est dans ce contexte que le « Canard enchaîné » a révélé une note interne du ministère de l'intérieur contestant la légalité des dispositifs de contrôle utilisant des voitures privées dotées d'un radar embarqué. La direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l'intérieur, dans une note interne considère que : « L'externalisation des contrôles de vitesse devrait être prévue par la loi, celle-ci devant expressément prévoir la possibilité, pour des opérateurs privés, de procéder à ces opérations ». Or aucun texte législatif ne prévoit cela. D'autre part en utilisant le matériel « mis à disposition par l'État », ces entreprises pourraient voir les contrats passés avec l'État être requalifiés « en prêt de main-d'œuvre illicite au sens de l'article L. 8241-1 du code du travail ». Enfin, la DLPAJ s'inquiète de l'impossibilité de vérifier la moralité des agents privés recrutés pour ces missions. Pour obtenir la communication d'un extrait de casier judiciaire, il aurait fallu que le contrat soit qualifié de « marché de sécurité ». C'est pourquoi il lui demande quelles mesures il entend prendre pour régulariser cette ambiguïté juridique.

Réponse émise le 26 novembre 2019

Si la mise en place de radars fixes a permis d'intensifier la lutte contre les comportements dangereux, son caractère fixe, et donc prévisible pour les usagers, peut constituer une limite. La voiture-radar banalisée permet en revanche de contrôler, de manière aléatoire, l'ensemble des routes ouvertes à la circulation publique et d'induire ainsi un changement sur le comportement global des conducteurs. C'est dans ce contexte que le comité interministériel de la sécurité routière (CISR) du 2 octobre 2015 a adopté 22 mesures fortes, dont notamment la mesure visant à : « Augmenter, dans les meilleurs délais, l'utilisation des radars embarqués dans des véhicules banalisés, en confiant leur mise en œuvre à des prestataires agréés, sous étroit contrôle de l'Etat ». Une expérimentation a donc été décidée en région Normandie visant à confier la conduite des voitures radars à des prestataires privés et, au titre de ses missions de conseil, la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) a travaillé en lien avec la délégation à la sécurité routière (DSR) à l'élaboration du cahier des charges du marché d'externalisation, afin de sécuriser cette démarche. C'est dans ce cadre qu'est intervenue la note de la DLPAJ, qui constitue une note d'étape mettant en exergue certains écueils à éviter et dont les recommandations ont ensuite été largement prises en compte par la DSR. Cette note de travail interne n'avait pas vocation à être rendue publique. Le Conseil d'État (8 juillet 2019, n° 419367, 424410), a d'ailleurs rejeté le recours formé par l'association « 40 millions d'automobilistes » contre la décision du Premier ministre de déléguer la conduite des voitures radars à des opérateurs privés et contre la décision du ministre de l'intérieur en fixant les conditions d'application en considérant d'une part, que le pouvoir réglementaire était compétent pour adopter cette décision d'externalisation en vertu de l'article 21 de la Constitution et d'autre part, que les modalités de sa mise en œuvre n'ont ni pour objet ni pour effet de déléguer à une des missions de police aux prestataires privés, dès lors que les missions qui leur sont confiées ne visent pas à leur permettre de rassembler les preuves d'infractions pénales ni d'en rechercher les auteurs et se bornent à leur déléguer l'exécution de tâches matérielles concourant aux missions de police judiciaire ; elles ne visent pas davantage à leur confier l'exercice d'une activité privée de sécurité au sens de l'article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure. Le Conseil d'État a également estimé que les contrats passés au titre de l'externalisation ne sauraient être regardés comme ayant pour objet exclusif un prêt de main d'œuvre contraire au code du travail, dès lors qu'ils ont pour unique objet de confier à des entreprises privées une prestation consistant à organiser la circulation de véhicules appartenant à l'administration dans le cadre d'un cahier des charges, sous la seule responsabilité de l'encadrement des sociétés prestataires, et non de mettre à la disposition de l'Etat des personnels qui seraient placés sous l'autorité hiérarchique directe des services de police et de gendarmerie. Ainsi, à la suite d'une collaboration efficace entre direction juridique et direction opérationnelle, le système mis en place est conforme aux exigences constitutionnelles et au principe de légalité.

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