Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Hubert Wulfranc
Question N° 20066 au Ministère de l’économie


Question soumise le 4 juin 2019

M. Hubert Wulfranc interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur le procès du système de harcèlement managérial institué au sein du groupe France Télécom/Orange de 2007 à 2010. Une période caractérisée par une montée des situations de dépression, synonymes d'arrêts maladie, de démissions, et pire encore, de tentatives de suicides parmi les salariés de l'entreprise (35 décès recensés entre 2008 et 2009). Or, pour la première fois, les dirigeants d'une société du CAC 40 sont déférés devant une juridiction pénale comme auteurs ou complices « d'une politique d'entreprise visant à déstabiliser les salariés et les agents et à créer un climat professionnel anxiogène » après 9 années d'une enquête judiciaire minutieuse ayant mis en lumière des pratiques relevant d'un management par la terreur. Un management répondant à une stratégie planifiée de suppression de 22 000 salariés, notamment par démission, dans un groupe comptant encore de nombreux fonctionnaires. Afin d'obtenir les suppressions d'emplois recherchées, des mobilités forcées incessantes ainsi que des situations de mises en concurrence ou d'isolement des personnels ont été systématisées. De même, des transferts d'agents sur des postes moins qualifiés ainsi que des mutations sans formation ont été organisées pour atteindre les objectifs de suppressions d'emplois et de mobilités, fixés par le plan « Next » adopté par la direction de France Telecom. Un plan dont les méthodes de gestion délétères ont été déployées sur l'ensemble de la chaîne managériale au mépris des risques psychosociaux et des nombreuses alertes syndicales et médicales confirmées ensuite par l'enquête nationale Technologia. Si les investisseurs institutionnels, majoritaires dans le capital de France Télécom, ont fait preuve de complicité en restant muets sur les agissements de la direction du groupe, l'État français actionnaire n'a pas davantage agi au sein des organes dirigeants de France Télécom pour mettre un terme à ce système de maltraitance institutionnalisée. Les actionnaires, grands absents sur le banc des accusés de ce procès historique, ont pourtant été les bénéficiaires finaux de cette politique de gestion des ressources humaines. Une politique de réduction des coûts salariaux d'ailleurs, toujours en vigueur, puisque 12 188 emplois supplémentaires ont été détruits depuis 2012 au sein du groupe Orange. Au-delà du procès de quelques individus, ce procès éclaire les choix de gestion purement financiers et de management par la terreur en œuvre dans de nombreuses multinationales guidées par la seule rémunération de leurs actionnaires. La responsabilité sociale des actionnaires du groupe France Télécom/Orange en particuliers, de ceux représentés au conseil d'administration, ne saurait être éludée dans cette affaire. Aussi, des organisations syndicales représentatives du personnel au sein du groupe Orange, demandent qu'une procédure d'indemnisation collective à la hauteur de la crise sociale dont le procès est instruit, soit mise en œuvre pour donner corps à cette réparation pour l'ensemble des victimes au-delà des parties civiles au procès. Ce dispositif prendrait la forme d'un fonds d'indemnisation abondé par l'entreprise, géré par un comité national dans le cadre d'un accord conventionnel signé avec les organisations représentatives du personnel. Il nécessiterait un travail de recensement des victimes sur la base des recherches, de saisines directes des salariés ou encore, de leurs familles. Cette procédure permettrait d'indemniser rapidement les familles et les victimes pour éviter la multiplication des procédures judiciaires à l'encontre du groupe Orange qui ne manquera pas de suivre la probable condamnation des cadres dirigeants de France Télécom inculpés au procès. Aussi, il demande à M. le ministre de l'économie et des finances, représentant de l'État actionnaire au sein du groupe Orange, quelles dispositions celui-ci entend prendre auprès de la direction de l'entreprise et de son conseil d'administration pour œuvrer à la création de ce fonds d'indemnisation.

Réponse émise le 26 janvier 2021

Le procès de l'entreprise France Télécom, devenue Orange en 2013, a abouti le 20 décembre 2019 à la condamnation de l'entreprise par le tribunal correctionnel de Paris à une amende de 75 000 €. Dès le 20 décembre au soir, le représentant de la société Orange, qui avait déjà lors du procès reconnu une responsabilité morale, a déclaré avoir pris acte de ce jugement. Indépendamment de cette décision, le président d'Orange avait déjà annoncé mi-juillet 2019 la création d'une commission d'indemnisation des préjudices civils et individuels qui ont pu être subis du fait de la crise sociale à France Telecom. L'entreprise était en effet soucieuse d'anticiper et de financer ces réparations sans tarder. Après échanges avec les organisations syndicales, l'entreprise les a informées fin septembre du dispositif retenu en matière d'indemnisation. Ce dispositif s'appuie sur deux instances : un comité de suivi et de réparation composé, outre son propre président, de trois membres nommés par le président d'Orange et une commission technique composée d'experts internes à l'entreprise, chargée de pré-instruire les demandes d'indemnisation. Le comité de suivi et de réparation, chargé de rapporter au président de l'entreprise, examine les demandes individuelles transmises par des personnes physiques et leurs ayants droit. Sont à ce titre concernées les personnes présentes dans l'entreprise entre 2007 et 2010 et s'estimant victimes de faits en lien avec la crise sociale, pouvant donc rassembler un ou plusieurs éléments constitutifs d'une présomption de harcèlement moral et ayant subi à ce titre un préjudice personnel. Il est chargé de trouver des solutions amiables et transactionnelles permettant d'éviter des démarches contentieuses longues, coûteuses et socialement douloureuses pour les intéressés. Concernant les demandes qui ont été déclarées recevables par le comité de suivi et de réparation, les solutions trouvées et retenues font l'objet de transactions conformes aux dispositions du code civil. Ces deux instances ont débuté leurs travaux le 1er octobre 2019, les demandes d'indemnisation étant recevables jusqu'au 30 septembre 2020 inclus. Par ailleurs, la société Orange a su se transformer et déployer un ensemble de dispositions qui visent à prévenir la souffrance au travail et les risques psychosociaux. Près d'une quinzaine d'accords sociaux ont notamment été signés ces dernières années et plus de mille agents travaillent, en liaison avec les personnels, sur la prévention de ces risques. Le groupe poursuit sa politique de renforcement du lien social dans l'entreprise au travers notamment d'un dialogue constructif et continu avec les organisations syndicales, et dans une optique d'amélioration de ses dispositifs de prévention. A cet égard, les organisations syndicales sont invitées à participer régulièrement à un comité de suivi afin de faire des points d'avancement sur les travaux du comité de suivi et de réparation. Le Ministre suit avec attention le déploiement de ce dispositif.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.