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Brigitte Kuster
Question N° 20233 au Ministère de la culture


Question soumise le 11 juin 2019

Mme Brigitte Kuster rappelle à M. le ministre de la culture que le Canard enchaîné a dévoilé, dans son édition du 29 mai 2019, le contenu d'une lettre que le procureur général Gilles Johanet lui a adressée le 14 mai 2019, ainsi qu'à son homologue des affaires étrangères, à propos d'un accord commercial entre le musée du Louvre et le Louvre Abu Dahi qui serait manifestement entaché d'irrégularités et léserait financièrement l'institution parisienne. Au nombre des irrégularités recensées : la ratification onze ans après sa rédaction du contrat de licence liant le Louvre au gouvernement des Émirats arabes unis, et les modifications unilatérales portées aux conditions d'exploitation de la marque et de l'image du Louvre, toujours au détriment de ce dernier. Par ailleurs, le procureur s'étonne que la direction de l'établissement public n'ait pas jugé utile de porter ces faits à la connaissance de la justice, et notamment le partenariat publicitaire conclu entre le Louvre Abu Dhabi et la compagnie aérienne Etihad, sans que le musée du Louvre en ait été informé. Aussi, il lui demande s'il peut la renseigner très précisément sur la réalité de ces faits et les suites qu'il entend donner à cette affaire.

Réponse émise le 15 septembre 2020

Le Louvre Abu Dhabi est une réussite exceptionnelle. Fruit d'une coopération remarquable entre la France et les Émirats Arabes Unis, il illustre parfaitement le très haut niveau de l'expertise française en matière de musées, de patrimoine et de culture en général. Cette expertise permet à la France de rayonner dans le monde entier. Loin de se limiter à une seule dimension financière, le Louvre Abu Dhabi est avant tout un projet culturel hors du commun, qui manifeste aujourd'hui la pertinence du musée universel ouvert à toutes les cultures et à toutes les esthétiques du monde, tel que la France a largement contribué à le définir depuis plus de deux siècles, notamment par le musée du Louvre. Le musée du Louvre a signé, le 8 novembre 2018, un contrat d'exécution du contrat de licence de marque avec les Émirats Arabes Unis, qui vient préciser les conditions d'utilisation de la marque « Louvre Abu Dhabi ». Le long délai observé entre la signature du contrat de licence de marque et le contrat d'exécution s'explique d'abord par le fait que l'ouverture du musée, envisagée initialement en 2012, ne s'est réalisée qu'en 2017, et ensuite, par l'étalement sur plusieurs années des discussions relatives au logo. Le premier projet de contrat a ainsi été adressé aux autorités émiriennes en janvier 2015. Les interlocuteurs émiriens en charge de la négociation sur les conditions de commercialisation des produits dérivés ont été désignés seulement lorsque l'ouverture du musée était proche, permettant alors d'engager et de finaliser la négociation. Les conditions d'exploitation de la marque et de l'image du Louvre négociées par le Louvre et prévues dans le contrat d'exécution se révèlent tout à fait honorables. Ainsi, le taux de redevance sur l'utilisation commerciale de la marque « Louvre Abu Dhabi » de 8 %, retenu lors de la négociation du contrat d'exécution, ne peut être considéré comme insuffisant au regard des comparaisons réalisées avec les redevances perçues sur d'autres activités concédées par le Louvre. Ainsi, à titre d'exemple, le taux de redevance qui s'applique dans le contrat de licence de marque conclu entre le musée du Louvre et la Réunion des musées nationaux – Grand Palais s'établit à 3 % du chiffre d'affaires. En outre, le contrat prévoit bien une validation préalable par le Louvre du recours par le Louvre Abu Dhabi à des sous-licences, permettant à celui-là d'en contrôler l'objet et les conditions. Sur le partenariat avec la compagnie Etihad et les opérations de communication et de publicité, le musée du Louvre n'avait en effet pas eu connaissance du partenariat commercial conclu par les autorités émiriennes en octobre 2017 avec la compagnie aérienne nationale Etihad. Dès que le musée du Louvre a constaté l'usage du nom du Louvre Abu Dhabi dans une campagne de communication, il a demandé par courrier des explications au Louvre Abu Dhabi. Il ne s'agit cependant pas d'une licence de marque mais d'une campagne de publicité financée par le Louvre Abu Dhabi à travers l'achat d'espaces publicitaires auprès d'Etihad. La possibilité d'une campagne de marquage d'avions aux couleurs du Louvre Abu Dhabi au titre d'un achat d'espaces publicitaires avait en outre été discutée en 2016-2017 avec les équipes du Louvre Abu Dhabi. Ce type d'opérations est fréquent : par exemple, le Louvre Lens l'avait fait pour son ouverture et le Louvre l'a fait également en 2019 pour le 500e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci sur les TGV se rendant en Italie. Outre qu'une renégociation des conditions de rémunération des sous-licences est déjà programmée avant novembre 2021, nonobstant le bien-fondé d'une telle démarche qui reste à démontrer, les conséquences d'une judiciarisation, notamment en termes médiatiques et sur la qualité de la relation avec les Émiriens, seraient loin d'être insignifiantes dans le cas d'un projet qui demeure un cas unique de valorisation de marque muséale et de vente d'ingénierie culturelle. Au total, s'il convient d'être vigilant sur la correcte application de l'accord de licence de marque, il importe de considérer que l'enjeu, qui porte essentiellement sur les produits dérivés (et non sur la politique de promotion) reste limité.

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