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Hervé Saulignac
Question N° 20276 au Ministère de la cohésion des territoires


Question soumise le 11 juin 2019

M. Hervé Saulignac attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les imperfections du régime des entreprises publiques locales tant sur le plan du droit communautaire que du droit national. Un récent rapport de la Cour des comptes de mai 2019 sur le régime des sociétés d'économie préconise à ce sujet, dans ses recommandations (point 9), d'utiliser les possibilités offertes par les statuts de certaines de ces entreprises publiques locales, à savoir les sociétés publiques locales (SPL) ou les sociétés d'économie mixte à opération unique (SEMOP) dans la mesure où ces dernières formes ont été créées, selon la Cour, pour tenir compte du droit européen en conservant la souplesse d'utilisation qui était celle des sociétés d'économie mixte à l'origine. M. le député s'interroge toutefois sur les raisons de « l'oubli » de la possibilité de création de sociétés d'économie mixte in house pouvant bénéficier pleinement du régime de la quasi-régie tel que prévu à l'article 3211-1 du code de la commande publique. Les difficultés propres au régime des sociétés publiques locales, mises en lumière par l'arrêt du Conseil d'État du 14 novembre 2018 (n° 403628), et la nécessité qui a suivi d'en appeler au législateur (loi n° 2019-463 du 19 mai 2019) amènent à s'interroger sur le regain d'intérêt pour une telle forme de société d'économie mixte in house, identifiée par une partie de la doctrine mais également par l'étude d'impact relative à l'ordonnance relative aux contrats de concession (date d'établissement : 22 juillet 2015). À la différence de la société publique locale qui ne peut compter que des collectivités ou groupements actionnaires et qui ne peut développer, du fait de la rédaction de l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales, d'activités accessoires pour le compte de tiers, la constitution d'une société d'économie mixte in house est susceptible de répondre pleinement aux conditions posées par l'article précité du code de la commande publique. D'une part, cette création peut autoriser d'autres pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices à participer au capital (exemple : établissements publics locaux). D'autre part, la personne morale contrôlée ne comporte une participation de capitaux privés que dans la mesure où ceux-ci sont sans capacité de contrôle ou de blocage requise par la loi et ne permettent pas d'exercer une influence décisive sur la société d'économie mixte in house. Enfin, la personne morale contrôlée peut réaliser jusqu'à 20 % de son activité soit pour d'autres personnes morales non actionnaires. L'article L. 1523-1 du CGCT autorise ainsi les sociétés d'économie mixte locales à intervenir pour des personnes qui ne participent pas à leur capital. Ainsi, l'étude d'impact précitée reconnaît que l'allègement des critères de la quasi-régie pourrait « bien qu'encadré » bénéficier aux sociétés d'économie mixte même si, au sein de celles-ci, se trouvent présents des capitaux privés et à tout le moins une personne privée. Si cette présence ne permet pas de préjuger d'un contrôle analogue de la ou des collectivités actionnaires, l'étude d'impact ajoute que le bénéfice de la quasi-régie devrait donc faire l'objet d'une application aux sociétés d'économie mixte au cas par cas et sous le contrôle du juge (cf. page 12 étude d'impact). M. le député s'interroge donc sur le fait de savoir s'il faut voir dans le rapport de la Cour des comptes un simple oubli ou bien une quelconque opposition à la reconnaissance de la société d'économie mixte in house ? M. le député attend une réponse du ministère de l'intérieur sur cette question car un tel statut de société d'économie mixte in house pourrait être une opportunité offerte à certaines sociétés publiques locales pour sortir des difficultés engendrées par l'arrêt du Conseil d'État, la loi du 19 mai 2019 étant loin de résoudre toutes les questions posées par le statut de société publique locale, adopté en mai 2010 pour bénéficier des apports de la jurisprudence Teckal, laquelle n'a pas fait l'objet d'une transposition fidèle à l'occasion de l'adoption de ladite loi. Il aimerait ainsi savoir si le Gouvernement entend déposer un projet de loi visant à sécuriser définitivement le recours à ce type d'entreprises publiques locales et éviter ainsi les interrogations permanentes sur la forme sociétaire de ces dernières qui finissent par nuire à leur image.

Réponse émise le 28 janvier 2020

Les directives 2014/24/UE concernant les marchés publics et 2014/23/UE concernant les contrats de concession du 26 février 2014, dont le code de la commande publique assure la transposition en droit interne, permettent d'exclure les contrats conclus dans le cadre d'une relation de quasi-régie du code de la commande publique. Les articles 2511-1 et suivants du code de la commande publique pour les marchés publics et 3211-1 et suivants pour les contrats de concessions posent trois conditions cumulatives à la reconnaissance d'une telle relation. En premier lieu, le contrôle exercé par le pouvoir adjudicateur sur son cocontractant doit être analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services. L'existence d'un contrôle analogue implique que le pouvoir adjudicateur ait une influence déterminante sur toutes les décisions essentielles et les objectifs de l'entité. Elle ne doit donc disposer d'aucune autonomie dans son fonctionnement et dans son activité et ne doit pas pouvoir déterminer, notamment, les prestations qu'elle doit exécuter, leur contenu et leur tarif. En second lieu, la personne morale contrôlée doit consacrer plus de 80 % de son activité au pouvoir adjudicateur. Le rapport organique qui unit le pouvoir adjudicateur à son cocontractant doit se doubler d'une quasi-exclusivité de la fourniture des prestations au profit de ce dernier. Si l'entité consacre une partie de son activité à des tiers, ces prestations doivent conserver un caractère marginal. Enfin, la personne morale contrôlée ne comporte en principe pas de participation directe de capitaux privés. Le code précité n'admet de dérogation à cette règle qu'à trois conditions cumulatives : tout d'abord, les capitaux privés ne doivent conférer aucune capacité de contrôle ou de blocage des décisions de l'entité ; ensuite, l'actionnaire privé ne peut exercer une influence sur l'entité contrôlée ; enfin, l'intervention de capitaux privés est requise par une législation nationale. Or, l'interprétation de ce dernier critère doit se faire à la lumière du considérant n° 46 de la directive 2014/24/UE et du considérant 32 de la directive 2014/23/UE qui réservent cette hypothèse aux organismes publics à adhésion obligatoire comportant la participation d'opérateurs économiques privés spécifiques. La seule circonstance qu'une participation privée serait rendue nécessaire par les articles L. 1521-1 et L. 1522-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) n'est pas suffisante dès lors que le recours à une société d'économie mixte locale (SEML) n'est pas une obligation. En effet, en application de l'article L. 1111-1 du CGCT, les collectivités locales et leurs groupements sont libres d'exercer leurs compétences comme elles l'entendent. Par ailleurs, ce considérant indique que l'exception de quasi-régie n'est établie qu'en cas de participation d'une personne privée spécifique au capital de l'entité, c'est-à-dire expressément identifiée par la loi, ce qui n'est pas le cas des SEML puisque n'importe quel opérateur peut en devenir actionnaire. Les SEML ne répondent donc pas à la qualification d'organismes à adhésion obligatoire d'opérateurs économiques privés spécifiques. La décision de ne pas les inclure ne relève pas d'un oubli, mais de la mise en œuvre de la législation européenne.

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