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Marielle de Sarnez
Question N° 20805 au Ministère de la justice


Question soumise le 25 juin 2019

Mme Marielle de Sarnez attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la lutte contre la traite des êtres humains. Sur le plan pénal, cette lutte s'appuie sur plusieurs textes internationaux comme la Convention de Palerme et la Convention de Varsovie et, sur le plan intérieur, sur la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France ainsi que sur les articles 225-4-1 et 2 du code pénal issus de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Dans un premier temps, la reconnaissance et la qualification de traite des êtres humains ont été peu sollicitées par les juridictions françaises au bénéfice d'autres qualifications comme le proxénétisme ou le travail dissimulé. Ce constat a conduit le ministère de la justice a publié plusieurs circulaires dont celle du 22 janvier 2015, dernière en date. Ce texte rappelle la nécessité d'utiliser de manière accrue les qualifications de traite des êtres humains. Il souligne également que cette qualification est particulièrement adaptée pour l'appréhension des réseaux criminels transnationaux et qu'elle est d'autant plus importante qu'elle facilite la mise en œuvre des outils de l'entraide pénale internationale. Le dernier rapport sur la traite des êtres humains de l'office des Nations unies contre la drogue et le crime, publié en janvier 2019, dresse un bilan particulièrement alarmant de la situation dans le monde, le nombre de victimes étant en augmentation dans 142 pays. Elle lui demande par conséquent de lui communiquer le bilan, depuis la loi de 2003, des jugements faisant référence à la traite des êtres humains et de lui indiquer si des mesures complémentaires sont envisagées afin de renforcer la lutte contre ce fléau.

Réponse émise le 24 septembre 2019

La lutte contre la traite des êtres humains a été inscrite parmi les priorités de politique pénale du ministère de la Justice. Il s'agit d'une des violations les plus graves des droits de la personne humaine. Le législateur français a construit un arsenal juridique complet par l'effet de lois successives dont la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 qui a transposé la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil de l'Europe du 5 avril 2011 sur la traite des êtres humains. Le corpus juridique permet ainsi de prendre en compte le phénomène de la traite dans toutes ses manifestations, prévoit des peines particulièrement sévères, autorise le recours à des techniques d'enquête dérogatoires, élargit le champ des confiscations des biens à l'ensemble du patrimoine du condamné et accorde des droits étendus aux victimes afin d'assurer leur protection au cours de la procédure judiciaire. La circulaire du 22 janvier 2015 de politique pénale en matière de lutte contre la traite des êtres humains a permis de rappeler ce cadre juridique à l'ensemble des juridictions ainsi que l'intérêt procédural et opérationnel de recourir à la qualification de traite des êtres humains. La direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) a poursuivi son action de formation et de sensibilisation des magistrats au phénomène de la traite en organisant plusieurs séminaires sur la matière. Ainsi, les 2 et 3 mars 2017, un séminaire de sensibilisation sur la traite des êtres humains a réuni une quarantaine de magistrats du parquet et du siège, essentiellement issus des juridictions interrégionales spécialisées qui ont à connaître des dossiers les plus complexes. Le 7 mars 2019, la DACG s'est impliquée dans l'organisation d'un séminaire franco-britannique de lutte contre la traite aux fins d'exploitation par le travail qui a réuni magistrats (dont 15 magistrats français), services enquêteurs et administrations des deux pays afin d'évoquer les problématiques communes, les techniques d'enquêtes adéquates, les dispositifs de prise en charge des victimes et les bonnes pratiques en matière de coopération judiciaire. Enfin, les 21 et 22 mars 2019, s'est tenu à Paris un séminaire franco-roumain de lutte contre la traite des êtres humains réunissant les magistrats français et roumains ainsi que les services enquêteurs spécialisés afin de favoriser des échanges et de renforcer l'entraide entre nos deux pays sur cette criminalité. L'Ecole Nationale de la Magistrature participe pleinement à cet effort de formation et propose plusieurs sessions dédiées à la traite des êtres humains dans le cadre de la formation continue des magistrats. Une mise en situation interprofessionnelle d'une durée de 5 jours a été organisée en juillet 2019 à Rosny-sous-Bois et a réuni une soixantaine de professionnels d'horizons différents dont des magistrats, des policiers et des gendarmes avec pour vocation d'améliorer la coopération multi-institutionnelle, de former les professionnels de façon transversale et de dégager de bonnes pratiques en s'inspirant d'un exercice de simulation. La Direction des affaires criminelles et des grâces assure l'information des magistrats des nouveaux phénomènes criminels et des nouvelles dispositions législatives en la matière. Suite à la circulaire précitée du 22 janvier 2015, elle a publié une circulaire de politique pénale sur la situation du Calaisis, la lutte contre l'immigration irrégulière organisée et la délinquance connexe en date du 24 novembre 2015. Cette circulaire rappelle l'intérêt du recours à la qualification de traite lorsque l'immigration irrégulière a pour objectif de se poursuivre par des faits d'exploitation. Une circulaire du 18 avril 2016 de présentation de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, créant le dispositif de protection des victimes de traite, a été diffusée afin de faire connaître ce dispositif aux magistrats. Une fiche technique consacrée aux dispositifs de protection des victimes de traite a été mise en ligne et diffusée à l'ensemble des parquets. Enfin, la DACG a contribué à l'élaboration par la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains d'une fiche réflexe sur la traite des mineurs à destination des services enquêteurs et des magistrats visant à sensibiliser les différents acteurs à l'identification et à la prise en charge des victimes de traite. Ces actions de formation et d'information apparaissent avoir porté leurs fruits. Ainsi, en 2017, 63 personnes ont été condamnées du chef de traite, contre 16 en 2011. Les juridictions de jugement se montrent particulièrement fermes à leur égard, privilégiant le prononcé d'une peine de privative de liberté ferme dans 92% des condamnations, pour un quantum moyen de 3,3 ans. A titre de comparaison, le taux d'emprisonnement ferme délictuel national est de 47% en matière de trafic de produits stupéfiants et le quantum moyen prononcé est de 13,6 mois. Le ministère de la justice entend néanmoins poursuivre son action et a étroitement collaboré avec la MIPROF dans le cadre de l'élaboration du second plan d'action national de lutte contre la traite des êtres humains. A ce titre, il soutient les actions relatives au renforcement de la formation des professionnels, à l'intensification du démantèlement des réseaux via la saisie et la confiscation des avoirs criminels et le développement de la coopération pénale internationale, et à la prise en compte des victimes mineures. En la matière, la direction des affaires criminelles et des grâces et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse travaillent actuellement au déploiement d'un dispositif visant à assurer la mise sous protection des victimes mineures de la traite via leur éloignement géographique. Un groupe de travail réunissant huit juridictions pilotes a été créé à cet effet. Enfin, et dans le cadre du second plan d'action national, la direction des affaires criminelles et des grâces est associée à l'élaboration d'un guide interministériel sur la traite des êtres humains.

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