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Marie-France Lorho
Question N° 20806 au Ministère de la justice


Question soumise le 25 juin 2019

Mme Marie-France Lorho attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réforme de la justice des mineurs qu'elle souhaite engager. Aspirant à passer le seuil d'irresponsabilité pénale à l'âge de 13 ans, instaurant une présomption d'irresponsabilité laissée à l'appréciation des juges, le dispositif que va mettre en place le ministère risque d'encourager la récidive dans les cas de délinquance des mineurs. Cette réforme risque de généraliser le recours à la sanction éducative pour les mineurs de 13 à 18 ans reconnus coupable de délinquance, au lieu d'une peine légitime. Le règlement des situations au cas par cas plébiscité par Mme la ministre constitue une dénaturation de l'arsenal législatif : le législateur dispose sur des cas généraux et non particuliers. Mme la garde des sceaux souligne que l'absence de poursuites pénales contre ces mineurs « ne signifie pas pour autant la négation de son acte ni des dégâts qu'il a causés », cette absence de poursuite constituera bien pour les victimes de ces actes, qu'elles soient indemnisées ou non, la fin de la reconnaissance par la société de la culpabilité du prévenu dans les dégâts qu'il a engendrés. En 2007, c'était un mineur sur cinq qui était condamné pour la première fois qui récidivait dans les cinq ans suivants, avant sa majorité. Au 1er juin 2018, selon la Ligue des droits de l'Homme, était atteint un seuil record de 893 mineurs incarcérés en France, ce chiffre inquiétant témoigne de la nécessité de mener une politique ferme à l'encontre de jeunes gens coutumiers de la délinquance. Elle lui demande si elle compte poursuivre la disposition dangereuse qu'elle a annoncée à l'heure où l'ensauvagement de la société contraint le Gouvernement à mettre en œuvre des quartiers de reconquête républicaine.

Réponse émise le 15 octobre 2019

La question porte sur le projet de réforme de l'ordonnance de 1945 et plus particulièrement la présomption de non discernement pour les mineurs de moins de treize ans. La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a autorisé le Gouvernement à réformer l'ordonnance du 2 février 1945 par voie d'ordonnance dans les conditions de l'article 38 de la Constitution. Selon les termes de l'habilitation le Gouvernement est autorisé à regrouper et organiser dans un code les dispositions relatives à la justice pénale des mineurs et cela dans le respect des principes constitutionnels et conventions internationales. Ce projet de code est donc encadré par le cadre établi par l'habilitation, les engagements internationaux (dont la Convention internationale des droits de l'enfant) et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République pour la justice des mineurs à savoir : la primauté de l'action éducative, l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge et le principe de spécialisation des juridictions et de l'emploi de procédures appropriées. Le droit pénal de fond n'a ainsi pas été modifié. C'est dans un souci de clarification du droit que le choix d'instaurer une présomption de non discernement au bénéfice des mineurs de moins de 13 ans a été fait, mais également afin de respecter nos engagements internationaux. Nombre de nos voisins européens appliquent également cette présomption simple (Italie, Belgique, Allemagne) quand d'autres ont adopté un système d'irresponsabilité absolue reposant sur une présomption irréfragable (Suisse, Angleterre, Pays de Galle, Pays-Bas). Il s'agit d'un rappel des principes de primauté de l'éducatif, de l'exclusion des peines à l'égard des mineurs de moins de 13 ans et d'atténuation de la responsabilité en fonction de l'âge du mineur. La présomption de non discernement ne modifie en rien le droit actuel en ce qui concerne l'enquête policière qui pourra toujours être réalisée dans les mêmes conditions. A l'issue de l'enquête, le procureur apprécie l'opportunité de poursuivre ou non le mineur en fonction des éléments dont il dispose. S'il estime que des éléments tirés de la procédure sont de nature à établir le discernement du mineur, notamment un examen médico-psychologique ordonné en urgence par le parquet lors de l'enquête, et/ou tout élément tiré de la procédure tels que les éléments sur la personnalité, la situation familiale ou les auditions réalisées, il pourra soit ouvrir une information judiciaire, soit poursuivre le mineur devant le juge des enfants. Si des poursuites sont engagées, le juge d'instruction ou le juge des enfants pourra ordonner une expertise contradictoire afin d'établir si le mineur est discernant ou non. En fonction des éléments versés au dossier de la procédure, le juge pourra soit le déclarer responsable, le cas échéant coupable et prononcer une mesure éducative, soit le relaxer.  Pour les mineurs non doués de discernement, le ministère public dispose d'autres voies d'action pour prévenir la récidive : il pourra, si la situation des mineurs concernés le justifie, solliciter une évaluation de la situation éducative du mineur par les services de protection de l'enfance du conseil départemental ou saisir le juge des enfants en matière civile d'une demande d'assistance éducative. Quant à la prise en compte des intérêts des victimes, le projet de code de la justice pénale des mineurs améliore leur situation puisque ces dernières pourront être entendues plus rapidement, dès l'audience d'examen de la culpabilité qui intervient dans un délai de dix jours à trois mois après l'engagement des poursuites, il pourra être statué sur la constitution de partie civile. Aujourd'hui le délai moyen de jugement, de 14,6 mois devant le juge des enfants et 17,8 mois devant le tribunal pour enfants, s'impose à la victime qui doit attendre le terme de la procédure pénale à l'encontre du mineur. Même indemnisée, la victime sera avisée de l'audience de prononcé de la sanction ; elle pourra, si elle le souhaite, y assister et être entendue. L'action civile demeurera ouverte à l'encontre des civilement responsables, quel que soit l'âge du mineur auteur. Enfin, le recours à la justice restaurative, qui permet un rapprochement entre victimes et auteurs dans l'objectif d'une responsabilisation de ces derniers et de relations sociales apaisées, devient un principe général de la justice pénale des mineurs.

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