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Matthieu Orphelin
Question N° 21411 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 16 juillet 2019

M. Matthieu Orphelin attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'encadrement des traitements pesticides en période de floraison en vue de la protection des abeilles mellifères et sauvages. Aujourd'hui, l'arrêté dit « Abeilles » du 28 novembre 2003 interdit les pulvérisations d'insecticides et d'acaricides sur les plantes en fleur, sauf pour les produits bénéficiant d'une dérogation. Ces derniers peuvent être pulvérisés en floraison mais « en dehors de la présence des abeilles ». Le 5 février 2019, sur saisine des ministres de l'agriculture et de la transition écologique, l'Anses a publié un avis constituant une base solide pour faire évoluer cette réglementation. Il ressort de cet avis que l'actuel arrêté Abeilles n'est pas en cohérence avec son objectif consistant à protéger les hyménoptères de tous les pesticides pendant les périodes où les plantes sont attractives. L'Anses recommande donc de l'actualiser pour intégrer les connaissances scientifiques sur les produits systémiques, les fongicides, les herbicides et l'évaluation des risques. Par ailleurs, selon une analyse menée par l'Union nationale de l'apiculture française, aujourd'hui, près de la moitié des usages insecticides et acaricides bénéficient de la dérogation à l'interdiction de traitement en floraison. Il convient donc de revoir les critères d'attribution de cette dérogation afin d'éviter la dérive actuelle dans laquelle la dérogation est presque devenue la règle. Il serait opportun de mener avant toute délivrance de dérogation une analyse comparative de l'efficacité et des risques des alternatives chimiques et agronomiques au traitement en floraison. Compte tenu des données alarmantes sur le déclin des populations de pollinisateurs et d'insectes volants, il lui demande quelles mesures ambitieuses et réellement protectrices des abeilles seront prises dans le cadre du processus de révision en cours de l'arrêté Abeilles.

Réponse émise le 16 juin 2020

Des discussions sont en cours au niveau européen concernant l'évolution des méthodes d'évaluation des risques pour les abeilles. La France a été le seul État membre à s'opposer à l'adoption de dispositions incomplètes, que le Parlement européen a ensuite rejetées. La France a en conséquence réitéré sa demande à la Commission européenne d'adopter des dispositions permettant une prise en compte plus complète des risques pour les abeilles dans l'évaluation. La Commission a mandaté l'autorité européenne de sécurité des aliments pour une mise à jour de son document-guide sur l'évaluation des risques pour les abeilles. Les résultats sont attendus en mars 2021, ce qui renvoie toute évolution réglementaire européenne à 2021 au plus tôt. Sans attendre les évolutions attendues au niveau européen, la France a interdit l'utilisation des produits de la famille des néonicotinoïdes à partir du 1er septembre 2018 (loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages). Cette interdiction a été étendue le 30 décembre 2019 par décret à deux substances présentant des modes d'action identiques à ceux de la famille des néonicotinoïdes : le sulfoxaflor et le flupyradifurone. Conformément à ce que prévoit la loi, sur la base d'un avis de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), des dérogations ont été accordées par un arrêté des ministères chargés de l'environnement, de la santé et de l'agriculture pour un nombre limité d'usages, représentant moins de 0,4 % des quantités de néonicotinoïdes utilisées en France jusqu'en 2017. Reste ainsi autorisée, jusqu'au 1er juillet 2020, l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à base d'acétamipride bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché en vigueur pour lutter contre le balanin de la noisette, les mouches du figuier ou les pucerons du navet. Les produits doivent être utilisés selon les modalités prévues par leur autorisation de mise sur le marché, mais l'utilisation en période de floraison de la culture traitée est interdite. La France est équipée d'un dispositif réglementaire transversal de protection des abeilles. Il vient en complément des conditions d'emploi spécifiques à chaque produit, qui sont précisées dans l'autorisation de mise sur le marché délivrée à l'issue de l'évaluation des risques du produit, incluant l'évaluation des risques pour les pollinisateurs. Ce dispositif repose notamment sur l'arrêté du 28 novembre 2003 relatif aux conditions d'utilisation des insecticides et acaricides à usage agricole en vue de protéger les abeilles et autres insectes pollinisateurs. Le plan d'actions gouvernemental sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides, présenté le 25 avril 2018, prévoit un renforcement de ce dispositif. L'Anses a publié à ce sujet deux avis en février et octobre 2019. Des travaux ont été engagés avec les parties prenantes pour la révision de l'arrêté du 28 novembre 2003. Ils ont été suspendus du fait des discussions qui ont eu lieu au niveau européen en 2019 et en raison de la crise covid-19 ; ils devraient pouvoir reprendre au cours de l'année 2020. En ce qui concerne « l'agent orange DDT », il s'agit a priori d'une confusion. L'agent orange est le nom donné à un herbicide défoliant, employé par l'armée des États-Unis lors de la guerre du Viêt Nam. Plus précisément, l'agent orange était un mélange à parts égales d'acide 2,4-dichlorophénoxyacétique (2,4-D) et d'acide 2,4,5-trichlorophénoxyacétique (2,4,5-T). La toxicité était due au 2,4,5-T qui a été interdit depuis longtemps. Par contre, le 2,4 D est un herbicide qui reste approuvé dans l'Union européenne et autorisé en France. En ce qui concerne le DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane), il s'agit d'un insecticide organochloré, dont l'usage en agriculture est interdit dans plusieurs pays dont la France depuis une cinquantaine d'années en raison notamment de son caractère de polluant organique persistant. Il est interdit par la Convention de Stockholm même si son utilisation à des fins sanitaires, pour lutter contre les insectes vecteurs de maladies humaines, reste tolérée dans certains pays en développement. Le retour de son utilisation dans l'Union européenne en tant que produit phytopharmaceutique est totalement inenvisageable en raison des dégâts environnementaux qu'il provoque.

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