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Élisabeth Toutut-Picard
Question N° 22471 au Ministère de l’éducation nationale


Question soumise le 20 août 2019

Mme Élisabeth Toutut-Picard attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur sa récente déclaration dans laquelle il indique que les écoles immersives, dans lesquelles tous les cours ont lieu en langue régionale, pouvaient entraîner un risque « d'ignorer la langue française ». La position du ministre a quelque peu ému de nombreux collectifs occitans qui l'ont contactée afin de lui transmettre leurs inquiétudes. Aussi, elle souhaiterait donc connaître la position officielle du ministre sur ce sujet et les éléments de réponse susceptibles de rassurer ses interlocuteurs.

Réponse émise le 12 janvier 2021

L'enseignement des langues vivantes étrangères et régionales se fait dans le strict respect des principes définis par la Constitution, qui dispose que « la langue de la République est le français » (article 2) et que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France » (article 75-1). Le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports (MENJS) est attaché à la préservation et à la transmission des diverses formes du patrimoine linguistique et culturel des régions françaises, et la situation de l'enseignement des langues régionales fait l'objet de la plus grande attention dans les académies et territoires concernés. L'enseignement des langues vivantes régionales est encadré par un ensemble de dispositions, évoqué ci-dessous. L'article L. 312-10 du code de l'éducation précise notamment que « les langues et cultures régionales appartenant au patrimoine de la France, leur enseignement est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage ». Par ailleurs, « cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité », sous deux formes : - soit un enseignement de la langue et de la culture régionales ; - soit un enseignement bilingue, dans la limite de la moitié du volume horaire global d'enseignement. Les modalités de cet enseignement facultatif sont « définies par voie de convention entre l'État et les collectivités territoriales ». Pour le premier cas, il s'agit d'un enseignement de langue et non d'un enseignement en langue, qui supposerait que d'autres disciplines soient enseignées en langue régionale. Dans le second cas, la langue régionale peut être langue d'enseignement dans plusieurs domaines d'activité et d'apprentissage. Par la circulaire n° 2001-166 du 5 septembre 2001, texte de référence qui a constitué un jalon important pour la place faite par l'école aux langues et cultures régionales, et la circulaire associée n° 2001-167 du 5 septembre 2001 sur l'enseignement bilingue à parité horaire modifiée par la circulaire n° 2003-090 du 5 juin 2003, l'éducation nationale a poursuivi ses efforts pour valoriser l'apprentissage des langues vivantes régionales et la connaissance des cultures qu'elles portent, contribuant ainsi à transmettre un patrimoine national qu'il convient de connaître, de préserver et de faire vivre. La circulaire n° 2017-072 du 12 avril 2017 a notamment précisé le cadre du développement progressif de l'enseignement des langues et cultures régionales. Elle dispose que « les bilans et évaluations réalisés dans les différentes régions concernées ont confirmé l'intérêt éducatif d'un bilinguisme français-langue régionale ; c'est pourquoi les ouvertures de classes bilingues à l'école ont été développées et les sections existantes en collège et lycée ont été consolidées et étendues ». Elle rappelle qu'à l'école, les classes bilingues français-langue régionale proposent, dès la petite section lorsque c'est possible, un cursus spécifique intensif, dans lequel la langue régionale est à la fois langue enseignée et langue d'enseignement dans plusieurs domaines d'activité et d'apprentissage, dans le respect du principe de parité horaire hebdomadaire. Sur l'ensemble des classes du collège, dans le prolongement de l'école primaire et pour en assurer la continuité, des sections bilingues de langues régionales proposent un enseignement renforcé de la langue régionale d'une durée hebdomadaire d'au moins trois heures et un enseignement partiellement en langue régionale dans une ou plusieurs autres disciplines ; ce dispositif tend vers un enseignement à parité horaire, dans le respect des dispositions de l'arrêté du 12 mai 2003. Enfin, au lycée, les enseignements bilingues suivis dans les sections « langues régionales » de collège se poursuivent selon des modalités similaires. L'objectif visé est de permettre aux élèves d'atteindre un niveau d'« utilisateur expérimenté » à l'issue de leur scolarité secondaire, selon la terminologie du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL). L'enseignement bilingue apparaît comme une modalité qui valorise les langues régionales et est respectueuse du cadre constitutionnel. L'article 2 de l'arrêté du 12 mai 2003 relatif à l'enseignement bilingue en langues régionales à parité horaire dans les écoles et les sections langues régionales des collèges et des lycées dispose que : « l'enseignement bilingue à parité horaire est dispensé pour moitié en langue régionale et pour moitié en français. Cependant, aucune discipline ou aucun domaine disciplinaire, autre que la langue régionale, ne peut être enseigné exclusivement en langue régionale. […]  les parties des programmes ou des enseignements dispensés en français ou en langues régionales seront déterminées dans le cadre du projet d'école ou du projet d'établissement conformément au principe de la parité horaire ». Cet enseignement respecte donc le cadre constitutionnel rappelé ci-dessus. Par ailleurs, l'enseignement bilingue dispensé dans les écoles et les sections langues régionales des collèges et des lycées s'adresse en priorité aux élèves ayant déjà suivi un cursus bilingue à partir du cycle 2 ou du cycle 3. Toutefois, ces écoles ou sections pourront, après avis de l'équipe pédagogique concernée, accueillir également des élèves non issus de ce cursus s'ils sont en mesure de suivre avec profit l'enseignement en langue régionale et les enseignements en langue régionale qui y sont dispensés. Par ailleurs, l'éducation nationale contribue à la sauvegarde et au développement des langues vivantes régionales, notamment par la possibilité donnée aux établissements d'enseignement scolaire privés privilégiant l'enseignement d'une langue régionale de passer un contrat d'association ou un contrat simple avec l'État. Ainsi, il existe dans le pays un réseau d'écoles associatives et immersives : Seaska pour le basque, Bressola pour le catalan, Diwan pour le breton, Calandreta pour l'occitan, ainsi que les classes ABCM Zweisprachigkeit en Alsace (depuis 2017). Le Conseil d'État s'est prononcé sur la question de l'équilibre entre l'enseignement en français et l'enseignement en langue régionale dans les sections bilingues, notamment par les décisions « Conseil national des groupes académiques de l'enseignement public, UNSA et autres » et « Syndicat national des enseignements du second degré » du 28 octobre 2002. Il y est statué que l'enseignement bilingue est circonscrit à la parité horaire, dans le respect du cadre juridique (article 2 de la Constitution ; articles L. 111-1 et L. 121-3 du code de l'éducation ; arrêté du 12 mai 2003). Par conséquent, l'équilibre entre langue française et langue régionale ne saurait aller au-delà de la parité. Ce cadre s'applique aux écoles, collèges et lycées publics ainsi qu'aux classes sous contrat des établissements d'enseignement privés, qui, à ce titre, sont associés au service public d'éducation. Ainsi, aucune discipline autre que la langue régionale ne peut être exclusivement enseignée en langue régionale et le français demeure la langue de vie exclusive de l'école ou de l'établissement. L'expérimentation de l'enseignement d'une langue régionale par immersion totale dans une école ou un établissement public ou dans les classes sous contrat d'une école privée, sur le fondement des dispositions de l'article L. 401-1 du code de l'éducation, contreviendrait aux dispositions législatives et constitutionnelles exposées : elle ne saurait donc être que l'exception, issue d'une demande fondée et soumise à un cadre, à un protocole, à une régulation et à une durée déterminés. Enfin, la situation de l'enseignement de l'occitan fait l'objet de la plus grande attention dans les académies et territoires concernés, au même titre que les autres langues vivantes régionales. Pour information, sur un total de 100 000 élèves étudiant des langues vivantes régionales à la rentrée 2019, l'occitan apparaît comme la langue la plus étudiée (25 836 élèves), suivie de près par le corse (23 721 élèves).

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