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Loïc Prud'homme
Question N° 22676 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 10 septembre 2019

M. Loïc Prud'homme interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les conditions de l'accès à la ressource en eau suite à la période de sécheresse traversée par le pays. Au 30 août 2019, 89 départements connaissaient des mesures de restriction d'eau et plusieurs zones sont actuellement alimentées par camions citernes. Le bureau des recherches géologiques et minières signale que depuis juillet 2019 les nappes sont descendues à un niveau « modérément bas » et les mesures du « dispositif Onde » de l'Agence française de la biodiversité signalent plusieurs cours d'eau en état d'assec, quatre sont comptabilisés sur le seul département de la Gironde en août 2019. Cette pénurie dans l'accès à l'eau est bien sûr la conséquence des périodes de sécheresses successives traversées par le pays cette année mais aussi d'un conflit autour de l'usage de l'eau. Sur le bassin d'Adour-Garonne, 70 % des prélèvements estivaux sont en effet effectués pour l'irrigation des terres agricoles. L'agriculture intensive préempte ainsi l'usage de l'eau au détriment des autres usages. Cette situation est rendue possible par la multiplication des retenues d'eau qui ont des conséquences dramatiques sur l'étiage des cours d'eau et sur l'ensemble de l'écosystème des bassins. Une étude publiée en 2018 dans le Journal of Geophysical Research montre en effet que ces aménagements humains pourront certes réduire la sécheresse agricole de 10 % mais conduiront à une augmentation de l'intensité des sécheresses sur l'ensemble des bassins à hauteur de 50 %. Cette situation de crise sera amenée à se répéter et à s'amplifier du fait des conséquences du changement climatique dans les années à venir si l'agriculture irriguée ne se réoriente pas vers un modèle moins gourmand en eau. Il lui demande ainsi quelles mesures de court et moyen termes il entend prendre pour garantir à toutes et à tous un égal accès à la ressource en eau et l'accompagnement de l'agriculture française vers des pratiques de sobriété en eau.

Réponse émise le 26 novembre 2019

L'agriculture est l'un des secteurs particulièrement exposés aux modifications hydrologiques. Il est donc important de réduire la vulnérabilité de l'agriculture à un risque accru de manque d'eau dans le contexte du changement climatique. En témoignent les conséquences de la sécheresse de 2019, qui après celle de 2018, a touché de nombreux départements. Les orientations du Gouvernement en matière de gestion durable de l'eau, exprimées à l'occasion de la communication du 9 août 2017, s'inscrivent à cet égard autour de deux objectifs : encourager la sobriété des usages et réguler en amont la ressource ; faire émerger, dans l'ensemble des territoires, des solutions adaptées aux besoins et aux contextes locaux. Ces orientations ont été confortées à la suite des assises de l'eau avec la mise en place d'un nouveau pacte de 23 mesures pour faire face au changement climatique. Dans ce cadre, le Gouvernement encourage le recours à la démarche de projet de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), qui privilégie une gestion concertée, partagée et équilibrée de la ressource en eau sur un territoire donné. L'objectif fixé est de faire aboutir au moins 50 PTGE d'ici 2022 et 100 d'ici 2027. Une instruction a récemment été délivrée aux préfets pour dynamiser les PTGE et remobiliser les acteurs. Cette instruction rappelle l'importance d'appréhender tout l'éventail des solutions possibles : la recherche de sobriété et d'optimisation de l'utilisation de l'eau, les solutions de stockage ou de transfert et la transition agroécologique qui est porteuse de solutions pour une meilleure résilience de l'agriculture face aux effets du changement climatique. Le cadre de financement des projets par les agences de l'eau a été rénové pour donner plus de flexibilité à la gouvernance locale. S'agissant des ouvrages de stockage, les agences de l'eau pourront aussi financer les parties d'ouvrages allant au-delà de la substitution dès lors qu'il s'agit d'ouvrages multi-usages, dans les conditions encadrées par le projet de territoire et dans le respect des enveloppes financières prévues par le 11e programme des agences de l'eau. Pour les ouvrages à vocation strictement agricole, seule la substitution pourra être financée par les agences de l'eau. Le volume des prélèvements en période de basses eaux, à partir duquel le volume de substitution est déterminé, devra être défini dans le diagnostic de la ressource du PTGE approuvé par le préfet. Son calcul devra prendre en compte une analyse rétrospective s'appuyant sur les 5 à 10 dernières années ainsi qu'une démarche prospective visant à intégrer les conséquences du changement climatique sur la disponibilité de la ressource en eau. En revanche, d'autres partenaires financiers tels que les financeurs privés, les collectivités territoriales, les autorités de gestion de fonds européens, (fonds européen agricole pour le développement rural et fonds européen de développement régional dans le cadre des programmes de développement rural régionaux ou d'autres programmes soutenus par ces fonds) peuvent intervenir au-delà la substitution, y compris pour les ouvrages à vocation strictement agricole, et sont donc à rechercher. Concernant la transition agroécologique, cette dernière fait depuis 2012 partie intégrante des politiques portées par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation avec l'objectif de promouvoir et pérenniser les systèmes de production agroécologiques. Plusieurs dispositifs de la politique agricole commune (PAC) sont mobilisés en ce sens. Les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) « systèmes » et MAEC localisées qui permettent d'accompagner l'évolution vers des systèmes de production plus durables, plus résilients peuvent favoriser le développement de pratiques économes en eau. Une mesure spécifique permet d'apporter une aide aux irrigants qui s'engagent pour 5 ans à introduire dans leurs rotations une légumineuse en substitution du maïs. Les investissements dans des matériels économes en eau peuvent être aidés sous certaines conditions décrites à l'article 46 du règlement de développement rural (RDR) et cette mesure a été ouverte par les régions concernées par des déficits en eau présents ou futurs. De même le RDR prévoit la possibilité de subventionner les investissements dans des projets de stockage et de transfert d'eau. Il s'agit également de favoriser la mise en place de démarches collectives impliquant plus efficacement l'ensemble des acteurs des filières, des territoires et du développement agricole, démarches qui semblent incontournables pour l'adaptation des cultures et des assolements. Il faut noter le succès des groupements d'intérêt économique et environnemental mis en place dans cet objectif. Environ 500 groupements réunissant 9 500 agriculteurs sont actifs en 2019. L'outil de diagnostic agroécologique, d'accès libre et gratuit, prend largement en compte la problématique de la gestion quantitative de l'eau en prévoyant deux indicateurs spécifiques et une thématique consacrée à l'économie de la ressource en eau, avec de nombreuses pratiques contribuant à l'agroécologie, à des degrés divers. La certification « Haute Valeur Environnementale », qui correspond au niveau le plus élevé du dispositif de certification environnementale des exploitations agricoles, intègre également la gestion de l'eau, au même niveau que la biodiversité, la stratégie phytosanitaire et la gestion de la fertilisation. Le développement de cette certification, qui permet de valoriser les efforts réalisés par les exploitants auprès des consommateurs, est porté dans le plan biodiversité du Gouvernement ainsi qu'au sein de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Conscient de la nécessité de développer de nouvelles mesures et d'appuyer les agriculteurs devant la complexité de la gestion de l'enjeu que représente la gestion de l'eau en agriculture, le ministère chargé de l'agriculture soutient la recherche dans le domaine de l'économie d'eau en agriculture (assolement, matériels et autres pratiques). Enfin, dans le cadre des négociations en cours pour préparer la programmation 2021-2027 de la PAC, la France soutient une PAC ambitieuse d'un point de vue environnemental, y compris en ce qui concerne la protection et la mobilisation des ressources en eau, et souhaite pouvoir soutenir les investissements dans le domaine de l'eau en agriculture notamment pour accompagner la transition agroécologique.

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