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Fabien Di Filippo
Question N° 22925 au Secrétariat d'état aux retraites


Question soumise le 17 septembre 2019

M. Fabien Di Filippo attire l'attention de Mme la ministre du travail sur la vive inquiétude et la colère des professions libérales face à la réforme des retraites annoncée par le Gouvernement. Ces professions (avocats, experts-comptables, architectes, agents d'assurances, médecins ou auxiliaires médicaux libéraux, etc.) redoutent à la fois des hausses de cotisations et une subtilisation de leurs réserves financières. En effet, les professionnels libéraux cotisent auprès de caisses de retraite autonomes. Ces caisses professionnelles ont constitué 27 milliards d'euros de réserves financées exclusivement par des générations de professionnels libéraux. Pour le président de l'Union nationale des professions libérales (UNAPL), « ces réserves doivent rester la propriété de nos professions ». De plus, l'uniformisation des taux de cotisation entraînera pour ces professions une augmentation importante de ces taux. Avec un taux de cotisations fixé à 28 % jusqu'à un plafond annuel de la sécurité sociale (PASS, environ 40 000 euros), puis de 12,94 % au-dessus, comme il est envisagé, l'UNAPL identifie un risque de « déséquilibre majeur ». Ainsi, selon ses calculs, plusieurs professions libérales subiront un « quasi-doublement des cotisations, insupportable économiquement » (avocats, infirmières, etc.) et d'autres s'exposeront à une réduction significative de la pension moyenne évaluée jusqu'à « un tiers de la retraite » pour les médecins libéraux. Pour les auxiliaires médicaux conventionnés, cette explosion des cotisations aura un impact d'autant plus fort qu'elle ne sera quasiment pas amortie par leur Avantage social vieillesse, qui a déjà été rendu négligeable avec la réforme survenue en 2008. Ce sont donc de nombreux infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes, pédicures-podologues, audioprothésistes, diététiciens, orthoptistes, ergothérapeutes, psychomotriciens, manipulateurs d'électroradiologie médicale ou encore opticiens-lunetiers qui seront touchés. De plus, leurs honoraires n'étant pas libres, ils n'auront d'autre moyen pour absorber cette hausse sidérante que de travailler plus (alors qu'une grande partie d'entre eux travaillent déjà plus de 50 heures par semaine) ou de se déconventionner, voire de fermer leurs cabinets. Aujourd'hui, par exemple, un kinésithérapeute libéral avec un revenu net BNC de 40 000 euros verse l'équivalent de 15 % de son revenu à la CARPIMKO, le régime de retraite et de prévoyance obligatoire qui le concerne, soit 6 108 euros de cotisation. Avec le passage à 28 %, incluant même les charges sociales dans l'assiette, le montant des cotisations s'élèverait à 11 248 euros, balayant de nombreux cabinets libéraux. Les auxiliaires médicaux et l'ensemble des professions libérales voient donc arriver cette réforme des retraites avec effroi et ressentiment, comme d'ailleurs l'ensemble des travailleurs indépendants. Les professionnels libéraux ont toujours eu un taux de cotisation plus bas, assorti d'une protection plus faible qu'ils acceptent. En contrepartie, ils se sont toujours arrangés pour compléter leur retraite par eux-mêmes via des solutions d'épargne et de prévoyance. S'ils sont versés dans le nouveau régime unique, un taux de cotisation plus bas avec des prestations ajustées en proportion sera la seule solution qui leur permettra de survivre économiquement. Il lui demande donc quelles mesures elle compte prendre afin que la réforme des retraites n'engendre pas une situation injuste pour de nombreux professionnels libéraux, les plongeant dans une situation économique intenable, voire les poussant à fermer leurs cabinets.

Réponse émise le 10 mars 2020

L'engagement du Premier ministre lors de son discours au Conseil économique, social et environnemental a été très clair : les réserves resteront la propriété des caisses des professionnels concernés et les caisses des professions libérales garderont l'entière maitrise de leur utilisation. En conséquence, le projet de loi ne prévoit pas de transfert vers la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU) des réserves des caisses de retraites servant à la gestion technique des régimes d'assurance vieillesse. Seul le transfert vers l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) d'un fonds de roulement équivalent à 3 mois de prestations au maximum est prévu, à partir du moment où le système universel assurera l'équilibre des caisses (au 1° du B du II de l'article 58). Aucune disposition du projet de loi ne contraint les caisses à une utilisation de leurs réserves autre que celle prévue par les régimes. Pour la plupart des indépendants (~75%), grâce notamment au changement d'assiette sociale, la mise en œuvre du système universel n'aura quasiment aucun impact sur leurs charges tout en ayant des effets positifs en prestation.  Pour 20% des indépendants, l'intégration dans le système universel se traduira par une augmentation, le plus souvent légère, des charges lissées sur 15 ans, couplé à des augmentations de prestations du fait notamment du changement d'assiette et de l'indexation. Enfin, pour 5% des indépendants, cela devrait se traduire par une baisse des cotisations mais avec une baisse des prestations proportionnellement moins importante. Le projet de loi prévoit que ces changements seront très progressifs (15 ans) et que des dispositifs d'accompagnement de la transition pourront être mis en œuvre : utilisation d'une partie des réserves pour adoucir la transition, dispositif de solidarité pour les avocats, possibilité d'une prise en charge d'une partie des cotisations par un tiers. Pour les auxiliaires médicaux, l'intégration dans le système universel, ne se traduira par aucune hausse supplémentaire des charges (par rapport à ce qui est déjà envisagé par la Carpimko) pour des revenus annuels de 20 000, 30 000 ou 40 000€. De plus, les effets en pension seront très positifs pour les auxiliaires médicaux (+42% pour un revenu de 30 000€ et +45% pour un revenu de 40 00€). Concernant les avocats, l'impact du système universel ne se traduira que par une hausse d'au maximum 5,4 points à partir de 2029. Afin d'éviter ces hausses de cotisation pour les avocats les plus vulnérables, le Gouvernement a proposé plusieurs dispositifs possibles : le maintien d'un mécanisme de solidarité interne à la profession (amendement n° 42467 déposé par le Gouvernement) ou l'utilisation d'une partie des réserves de CNBF. Ce dispositif de solidarité pourra prendre en charge toute la hausse de cotisation pour les avocats dont le revenu est inférieur à 80 000€.  Ainsi, aucune profession libérale ne subira d'augmentation de charges de nature à mettre en péril les modèles économiques de ces professions.

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