Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Véronique Louwagie
Question N° 23279 au Ministère de l'économie


Question soumise le 1er octobre 2019

Mme Véronique Louwagie attire l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances concernant le projet de Facebook de lancer sa propre devise, la Libra, dès 2020. La Libra permettrait aux utilisateurs du réseau social de s'envoyer des fonds sans frais et de payer certains commerçants. Elle permettrait à des milliards d'individus de se procurer des biens et services sans carte de crédit, dont beaucoup n'ont pas les moyens d'avoir un compte bancaire. Cependant, la mise en place de cette nouvelle monnaie pose un certain nombre d'interrogations. Elle interroge sur le fait qu'une entreprise privée, un individu, qui poursuit des intérêts privés, puisse avoir la capacité de battre monnaie (prérogative publique), s'agissant d'un instrument de souveraineté. Une entreprise pourrait ainsi concurrencer des États souverains, ce qui pourrait nuire à la politique monétaire de la zone euro et déstabiliser les pays de l'OCDE. Aussi, elle souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement sur ce sujet.

Réponse émise le 4 février 2020

La France a affirmé avec le Président de la République sa détermination à faire la course en tête sur les technologies financières. Elle est à la pointe de l'innovation et compte bien le rester. C'est pourquoi elle a défini un cadre novateur pour la Blockchain avec la loi Pacte. Ainsi, le cadre créé par la loi Pacte relatif aux « actifs numériques » prévoit pour les prestataires de services de conservation d'actifs numériques et d'achat/vente d'actifs numériques contre de la monnaie légale un enregistrement obligatoire auprès de l'AMF. La loi Pacte prévoit également que ces entreprises devront respecter les obligations classiques de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT). L'ensemble des textes d'application ont été publiés, rendant le dispositif dès à présent opérationnel. Des acteurs innovants manifestent déjà leur intérêt pour ces nouvelles dispositions. Cependant, ce cadre n'a pas été conçu pour des projets comme Libra, porté par Facebook et plusieurs multinationales partenaires, qui soulèvent des enjeux et des risques majeurs et inédits. En effet, des questions spécifiques d'un tel global stablecoin se posent par rapport aux autres cryptoactifs en raison de son possible déploiement à grande échelle (près de 2,5 milliards d'utilisateurs des plateformes de Facebook, Messenger et Whatsapp), qui pourrait effectivement mettre en péril la prérogative fondamentale qu'est la souveraineté monétaire des États. Il faut absolument qu'un équilibre soit trouvé entre les nouvelles technologies et le respect de la souveraineté monétaire et fiscale des États. Nulle entreprise ne saurait nuire à l'intérêt souverain de la nation, sous quelque prétexte que ce soit. Dès lors, la France, en qualité de présidente, a initié une mobilisation avec ses partenaires du G7 en demandant à M. Benoît Coeuré, membre du directoire de la Banque centrale européenne, de piloter un groupe de travail chargé d'étudier les enjeux et risques des global stablecoins, dont Libra ferait partie. Ce travail est aujourd'hui approfondi au sein du Conseil de stabilité financière et du Groupe d'action financière qui rapportera dans les prochains mois au G20 des propositions d'encadrement dédiées à des actifs numériques de grande ampleur et de coordination internationale. En tout état de cause, le projet Libra tel qu'il apparait à ce stade, n'est pas acceptable, car au-delà des problèmes de sécurité et de stabilité financière qu'il soulève, Libra demande en réalité aux États de partager leur souveraineté monétaire avec une entreprise privée. Néanmoins, le projet Libra a le mérite de pointer certaines difficultés en matière de transactions financières, notamment de paiements transfrontaliers, auxquelles nous tâchons activement de remédier. À cet égard, l'amélioration des paiements intra-européens, via l'investissement dans des infrastructures de paiement instantané, et l'amélioration des paiements internationaux, via une coopération internationale accrue, sont des vecteurs d'avancées importantes. L'émergence et le développement de solutions innovantes sont susceptibles d'améliorer le système international des paiements et ainsi favoriser l'inclusion financière des zones isolées – deux des principales vocations de Libra –, voire de totalement remodeler le paysage des paiements.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.