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Brigitte Kuster
Question N° 23309 au Ministère auprès de la ministre de la transition écologique


Question soumise le 1er octobre 2019

Mme Brigitte Kuster rappelle à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire qu'une étude récente de l'ONG Transport et Environnement révèle que les camions qui roulent au gaz naturel liquéfié ou au biocarburant polluent davantage que les camions équipés de moteur diesel de dernière génération. Les premiers émettant jusqu'à 5 fois plus d'oxydes d'azote que les seconds... Des résultats qui, s'ils sont confirmés, battent en brèche la stratégie européenne et française de promotion (qui se traduit, notamment, par des subventions à la création de terminaux ou des réductions fiscales pour l'achat de nouveaux véhicules) de ces carburants jusqu'alors réputés propres. Aussi, elle souhaite lui demander de confirmer ou d'invalider les résultats de cette enquête menée par le compte d'un organisme privé. Et dans l'hypothèse où ils se révéleraient justes, de lui indiquer les mesures qu'elle compte prendre pour mettre un terme à cette politique d'incitation totalement contre-productive.

Réponse émise le 9 mars 2021

La communication mettant en cause les atouts environnementaux du gaz carburant, et plus spécifiquement des camions GNL, fonde son argumentaire sur un ensemble d'études réalisées par TNO (Netherlands Organisation for Applied Scientific Research) entre 2013 et 2019 en présentant les résultats comme incontestables alors que le TNO, lui-même, avance prudemment ses résultats, en émettant des réserves. L'analyse des productions du TNO appelle deux remarques fondamentales : - la validité statistique est contestable : là où les études contradictoires reposent sur plusieurs centaines de milliers de kilomètres parcourus, les études du TNO portent sur un échantillon limité que ce soit pour le nombre de kilomètres parcourus (quelques milliers) comme pour le nombre de véhicules testés (2 véhicules). Cette statistique est trop faible pour en tirer une conclusion à portée générale sur la comparaison avec le diesel ; - les conditions de réalisation des essais sont très hétérogènes : les parcours de tests entre des véhicules diesel et des véhicules GNL diffèrent. Par ailleurs, les conditions dans lesquelles ont été réalisées les mesures TNO ne sont pas suffisamment spécifiées et, lorsqu'elles le sont, révèlent une grande hétérogénéité. Or le taux d'émissions de NOx varie considérablement (dans un rapport de un à dix) en fonction de l'instabilité de la vitesse, et par conséquent en fonction de l'intensité du trafic ou des aménagements de la voirie (e.g. rond-point, feu de signalisation, ralentisseur, etc.). Il faut donc un kilométrage très important pour obtenir des mesures fiables. Par ailleurs, les poids lourds au gaz cités sont conçus et optimisés pour des trajets de longue distance sur autoroute, alors que T&E pointe du doigt les résultats de ces véhicules en ville. Les études de TNO montrent d'ailleurs que les camions GNL sont bien meilleurs que les véhicules Diesel sur ces trajets autoroutiers pour lesquels ils sont optimisés. D'autres études comparatives gaz/diesel, autres que celle du TNO, ont été réalisées. Elles aboutissent à une comparaison beaucoup moins défavorable au gaz naturel pour véhicules, (GNV), notamment concernant les émissions de NOx. Le projet EQUILIBRE, pilotée par le pôle de compétitivité CARA, fait référence en matière de camions. Il analyse les performances de 15 tracteurs poids lourds de 19 à 44T sur près d'un million de kilomètres. L'expérimentation démontre que, pour les 44 tonnes, le diesel et le GNV ont une consommation d'énergie en "unité de facturation"(kilogrammes ou litres) très similaire. En l'état actuel des performances des motorisations au gaz, l'avantage au niveau des émissions de CO2, du gaz naturel carburant est modéré, en considérant le bilan du"réservoir à la roue". Le bilan CO2, majoritairement à l'avantage du GNV, s'établi entre +7 et -20 %. En revanche, le bilan sur les émissions d'oxydes d'azote (NOx) est très positif : les tracteurs 44 tonnes GNV émettent de 40 à 64 % moins de NOx que les tracteurs 44 tonnes diesel selon les types de routes sélectionnés. Dans tous les cas d'usage, le GNV fait la preuve de son potentiel de réduction effective de ces émissions, et ce, en utilisant un système de dépollution relativement simple. Il faut également rappeler que la combustion du gaz naturel émet beaucoup moins de particules fines que le Diesel. Les véhicules GNL atteignent les performances EURO 6 sans devoir recourir à des filtres à particules complexes comme c'est le cas sur le Diesel. Enfin, s'agissant des financements européens, si l'Union européenne a financé des projets de recherches sur les camions au gaz (T&E évoque 17 millions d'euros au total sur une période de 13 ans), les montants sont à comparer aux soutiens accordés aux autres énergies alternatives. À titre d'exemple, sur la seule année 2020, la commission Européenne prévoit 132 millions d'euros pour soutenir le développement et la production de batteries pour véhicules électriques.

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