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François Ruffin
Question N° 23458 au Ministère de la transition écologique


Question soumise le 8 octobre 2019

M. François Ruffin interroge Mme la ministre de la transition écologique et solidaire : une loi protège les arbres en ville, quand son ministère la fera-t-il appliquer ? Pour protéger vingt-cinq platanes, à Condom, dans le Gers, Thomas Brail s'est installé durant quatre semaines dans les arbres devant son ministère : « Mon métier, comme grimpeur-arboriste, c'est de soigner les arbres, de les tailler. Mais aujourd'hui, ils tombent comme des mouches. C'est notre survie, et pourtant on le considère comme « du mobilier urbain ». Avant, j'ai combattu à Mazamet, puis à Moissac dans le Tarn-et-Garonne. Et là, à Condom, ces platanes, ils ont mis des années à pousser et en trente secondes on les met par terre ». Ce Thomas Brail, on le regarde comme un héritier de Théodore Rousseau. Au milieu du XIXème siècle, ce peintre romantique, amoureux de la nature, quitte Paris, s'installe en lisière de la forêt de Fontainebleau. Mais voilà qu'un ingénieur des eaux et forêts veut la moderniser, couper des chênes multiséculaires, planter des allées... Rousseau et ses camarades de l'école de Barbizon vont s'y opposer, et ils obtiennent un décret impérial, en 1861, qui protège la forêt de Fontainebleau, parce qu'elle est « pittoresque ». Digne d'être peinte. Depuis, le « droit des arbres » a progressé. L'article L. 350-3 du code de l'environnement dispose : « Le fait d'abattre, de porter atteinte à l'arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l'aspect d'un ou de plusieurs arbres d'une allée ou d'un alignement d'arbres est interdit, sauf lorsqu'il est démontré que l'état sanitaire ou mécanique des arbres présente un danger pour la sécurité des personnes et des biens ou un danger sanitaire pour les autres arbres ou bien lorsque l'esthétique de la composition ne peut plus être assurée et que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par d'autres mesures...». Voilà pour la théorie. Dans la pratique, les arbres de Condom, de Mazamet, de Moissac, ou du boulevard Baraban à Amiens, ces arbres ne présentent aucun « danger », leur « état sanitaire ou mécanique » n'est pas en cause, et pourtant, à tous les coins du pays, des arbres sont rasés. Et parfois des arbres centenaires. Au profit des canalisations, des infrastructures, de l'urbanisme... Comme le titre un article de Reporterre, « Face à la canicule, en ville, les arbres sont la meilleure parade ». Alors que le réchauffement des centres-villes est d'ores et déjà de + 3 degrés, « la plantation d'arbres est la méthode la plus efficace pour rafraîchir les rues - le bénéfice peut atteindre 6 °C ». Sans compter que plusieurs études scientifiques l'ont démontré : la présence de la nature en ville apporte une influence positive sur la santé physique et mentale de ses habitants. Au vu de l'urgence écologique, il faut modifier le rapport aux écosystèmes. Il lui demande si elle peut faire respecter le sens premier de l'article L. 350-3 du code de l'environnement : celui où la protection est la règle, et l'abattage l'exception. Il lui demande également si elle peut commencer par un cas concret : les arbres de Condom, qui deviendraient le symbole d'une réelle volonté de préserver la biodiversité urbaine.

Réponse émise le 27 octobre 2020

Un abattage de 16 platanes d'alignement dans le cadre d'un projet de réaménagement urbain à Condom (Gers) a été fortement médiatisé et a soulevé la question de la protection des arbres en ville. La protection des arbres en ville peut être assurée par le Code de l'urbanisme, en particulier dans les espaces boisés classés. Le Code de l'environnement peut également trouver à s'appliquer lorsque ces arbres constituent des habitats d'espèces protégées ou lorsqu'ils participent de la qualité d'un site classé au titre du paysage. La loi biodiversité d'août 2016 a par ailleurs introduit par l'article L. 350-3 de ce code le principe d'interdiction de l'abattage des arbres d'allées et d'alignement bordant les voies de communication, sauf lorsqu'il est démontré que l'état sanitaire ou mécanique des arbres présente un danger pour la sécurité des personnes et des biens ou un danger sanitaire pour les autres arbres ou bien lorsque l'esthétique de la composition ne peut plus être assurée et que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par d'autres mesures. Cet article autorise également l'autorité compétente à y déroger dans le cadre de projets d'aménagements avec compensation. Pour revenir sur les faits dans le cas de Condom, seuls les arbres malades ou dont l'avenir était compromis ont été abattus, après expertise de l'ONF (Office national des forêts), et de nouveaux arbres ont été plantés en remplacement ainsi qu'en complément. Dans ce cas, le préfet s'est assuré de la légalité du permis d'aménager délivré par le maire, et, après expertise par des naturalistes, a demandé à ce que l'abattage s'effectue à une période garantissant l'absence d'impact pour les espèces de chauve-souris protégées susceptibles d'être hébergées par certains de ces arbres, ce qui fut le cas. La place des arbres en ville est très importante. L'article L. 350-3 du Code de l'environnement est encore assez récent, il sera utile de procéder à un retour d'expérience sur son application notamment dans le cadre du plan biodiversité, adopté par le Gouvernement en juillet 2018, qui prévoit de développer la nature en ville et d'offrir à chaque citoyen un accès à la nature. L'objectif est que dans toutes nos villes et métropoles, on atteigne une moyenne comprise entre 1 arbre pour 4 habitants et 1 arbre pour 10 habitants, et d'inciter toutes les grandes collectivités à se doter d'un plan nature en ville. Enfin des échanges ont été mis en place avec l'association de Monsieur Bail pour travailler à des postes d'amélioration sur certains domaines.

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