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Jean-Luc Lagleize
Question N° 23561 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 8 octobre 2019

M. Jean-Luc Lagleize alerte M. le ministre de l'intérieur sur la situation des demandeurs d'asile des communautés lesbienne, gay, bisexuelle, trans, queer, intersexe et assimilées (LGBTQI+). Le droit d'asile découle du préambule de la Constitution qui affirme que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ». Il a été consacré par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 1993 : « Considérant que le respect du droit d'asile, principe de valeur constitutionnelle, implique d'une manière générale que l'étranger qui se réclame de ce droit soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande ». Le droit d'asile découle également des engagements internationaux de la France, en particulier de la convention de Genève sur les réfugiés du 28 juillet 1951 et du droit de l'Union européenne, plus particulièrement du règlement (UE) du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale, dit règlement « Dublin », de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011, dite directive « qualification », et des deux directives du 26 juin 2013, portant respectivement sur les procédures et les normes d'accueil. Le devoir de protection des personnes menacées dans leur pays marque la législation nationale qui repose sur quatre principes : une protection élargie, un examen impartial de la demande d'asile, un droit au maintien sur le territoire ainsi qu'à des conditions d'accueil dignes pendant toute la durée de l'examen. La législation française s'attache aussi à assurer des procédures d'asile efficaces se déroulant dans des délais satisfaisants et visant à éviter le détournement de l'asile à des fins étrangères à un besoin de protection. Par ailleurs, en 2002, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a reconnu les persécutions du fait de l'orientation sexuelle en tant que motif d'octroi du statut de réfugié, selon le critère de l'appartenance à un certain groupe social. Dans ce contexte, M. le député s'inquiète du difficile parcours administratif des demandeurs d'asile des communautés lesbienne, gay, bisexuelle, trans, queer, intersexe et assimilées (LGBTQI+) et aspire à mettre en œuvre des mesures pour leur offrir un traitement plus juste et plus digne. Les personnes des communautés lesbienne, gay, bisexuelle, trans, queer, intersexe et assimilées (LGBTQI+) représentaient quatre à cinq mille des 85 000 demandes enregistrées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en 2016. Pourtant, si la prise en considération des spécificités relatives à l'orientation sexuelle et à l'identité de genre s'est améliorée, notamment grâce aux actions et au soutien de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), les demandeurs d'asile des communautés lesbienne, gay, bisexuelle, trans, queer, intersexe et assimilées (LGBTQI+) capitalisent des problématiques auxquelles se confronte toute personne réfugiée, mais se heurtent, au surplus, à différents obstacles spécifiques. Parmi ces obstacles figure par exemple la difficulté d'appréciation de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre des demandeurs d'asile, qui repose sur la crédibilité de l'histoire et du vécu des demandeurs d'asile. Les demandeurs d'asile doivent en effet emporter « l'intime conviction » de l'officier de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), dans un récit écrit puis, au cours d'un entretien « de ses persécutions vécues ou craintes ». Or, l'orientation sexuelle et l'identité de genre d'une personne ne peut être pressentie et peut parfois être niée. Pour forger leur conviction, certains juges interrogent la crédibilité du demandeur d'asile quant à son orientation sexuelle et à son identité de genre en se bornant à poser des questions qui peuvent être intrusives ou déplacées. Aussi, malgré des recommandations du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), formulant qu'il n'est pas nécessaire que les demandeurs d'asile disposent de documents sur leurs activités dans le pays d'origine afin d'être en mesure de fournir des preuves de leur statut LGBTQI+, la difficulté de fournir des preuves relatives à l'orientation sexuelle et à l'identité de genre demeure un frein à la crédibilité des demandeurs d'asile. Ainsi, il l'interroge sur les intentions du Gouvernement pour faciliter le parcours administratif des demandeurs d'asile des communautés lesbienne, gay, bisexuelle, trans, queer, intersexe et assimilées (LGBTQI+).

Réponse émise le 9 juin 2020

La prise en compte de la vulnérabilité et des besoins spécifiques des demandeurs d'asile LGBTI est une préoccupation de l'ensemble des acteurs de l'asile en France. En effet, la demande d'asile à raison de l'orientation sexuelle et/ou de l'identité de genre paraît en hausse constante depuis plusieurs années. Ces tendances sont constatées par l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), qui peut seul, sous le contrôle de la cour nationale du droit d'asile, avoir, en droit, à connaître des motifs des demandes d'asile. Par ailleurs, les vulnérabilités liées à l'orientation sexuelle et/ou à l'identité de genre sont plus prégnantes parmi le public accompagné par les structures associatives sur le terrain. Le Gouvernement a engagé plusieurs actions visant à mieux prendre en charge les demandeurs d'asile LGBTI. La loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile puis la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie ont renforcé la prise en compte des questions LGBTI dans la procédure d'asile, en précisant que les aspects liés au sexe, à l'orientation sexuelle et à l'identité de genre devaient être pris en considération aux fins de la reconnaissance de l'appartenance à un certain groupe social, au sens de la convention de Genève. Ce faisant, le législateur a entériné l'approche doctrinale promue par l'OFPRA et confirmée par la jurisprudence de la cour nationale du droit d'asile et du Conseil d'Etat, ayant conduit, depuis plus d'une décennie, à permettre la protection étendue de droit à des personnes persécutées à raison de leur orientation sexuelle et/ou de leur identité de genre. En outre, il convient de rappeler que tout étranger dont la situation personnelle ne s'inscrit pas dans un motif de protection internationale demeure, en application de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme, protégé d'un éloignement vers son pays d'origine dès lors que ce retour l'expose à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. Depuis 2013, l'OFPRA a constitué des groupes de référents thématiques dédiés aux besoins spécifiques de protection des demandeurs d'asile identifiés comme vulnérables, dont l'un est consacré à l'orientation sexuelle et l'identité de genre. Leurs actions sont, depuis 2016, coordonnées par une mission consacrée à la prise en compte des vulnérabilités. Les référents du groupe « Orientation sexuelle et identité de genre » apportent un appui direct à l'instruction des demandes d'asile, notamment à travers des ateliers sur la conduite de l'entretien avec les personnes LGBTI et sur l'appréciation de leur demande d'asile, en rendant des avis consultatifs sur des dossiers individuels et en mettant à disposition des lignes directrices pour l'instruction de ces demandes. Un dialogue avec le milieu associatif spécialisé sur les questions LGBTI a également été engagé depuis plusieurs années. Le ministère de l'intérieur a, en lien avec l'OFPRA, l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et le secteur associatif, également initié depuis 2018 des travaux visant à définir un plan d'action pour mieux prendre en compte les besoins spécifiques des demandeurs d'asile et des réfugiés vulnérables, dont les demandeurs d'asile et les réfugiés issus de la communauté LGBTI.  Plusieurs actions transversales inscrites à ce plan d'action permettront d'améliorer le repérage et l'adaptation de la prise en charge des demandeurs d'asile et des réfugiés vulnérables à raison de leur orientation sexuelle et/ou de leur identité de genre : renforcement de la formation de l'ensemble des personnels de la chaîne de l'asile au repérage précoce des vulnérabilités : formation croisée des agents de l'OFPRA, de l'OFII et des travailleurs sociaux de l'hébergement ; meilleure information des demandeurs d'asile lors de l'entretien OFII de repérage des vulnérabilités sur les dispositifs de prise en charge existants ; intensification des signalements de vulnérabilités entre l'OFPRA et l'OFII ; extension de la possibilité de transfert d'hébergement pour vulnérabilités à l'ensemble des segments du dispositif national d'accueil ; la désignation d'un réseau des référents vulnérabilité au sein des directions territoriales de l'OFII et la mise en place d'un comité de pilotage national sur les questions de vulnérabilité. Le plan d'action comprend en outre une priorité spécifique visant à mieux prendre en compte les besoins particuliers des demandeurs d'asile et des réfugiés issus de la communauté LGBTI en matière d'accueil, via une offre de mise à l'abri adaptée. Au vu des préconisations des associations spécialisées, cet hébergement doit pouvoir s'effectuer dans un cadre mixte avec une proximité géographique des lieux d'hébergement avec les structures spécialisées dans l'accompagnement de ce public. La mise en place de ce plan a été engagée à titre expérimental fin 2019. En effet, trente places d'hébergement dédiées, gérées par l'association Le Refuge, ont été créées en octobre 2019 dans le département du Maine-et-Loire. Ce dispositif associe une offre d'hébergement sécurisée et un accompagnement global renforcé visant à permettre à ce public d'accéder à une formation et/ou un emploi et un logement autonome.

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