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Stéphane Peu
Question N° 24227 au Ministère des armées


Question soumise le 5 novembre 2019

M. Stéphane Peu interroge M. le Premier ministre sur l'affaire dite « Ben Barka » et la nécessité cinquante-quatre ans après les faits de lever le secret défense sur les dossiers qui permettraient de faire émerger la vérité sur les conditions de l'enlèvement et de la disparition de Mehdi Ben Barka. Dirigeant politique de l'opposition marocaine, symbole du mouvement international de la solidarité des peuples du tiers-monde, Mehdi Ben Barka est interpellé le 25 octobre 1965 devant la brasserie Lipp située au 151 boulevard Saint-Germain à Paris par deux policiers français. Depuis octobre 1975, une instruction judiciaire « enlèvement, séquestration et assassinat » est en cours au palais de justice de Paris. Près d'une dizaine de juges d'instruction ont essayé d'apporter des réponses à l'enlèvement et à l'assassinat de Mehdi Ben Barka, et sur les responsabilités françaises et marocaines. Malgré quelques avancées, ils continuent de se heurter à différents blocages dus à la raison d'État(s). Malgré la convention judiciaire entre le Maroc et la France, les commissions rogatoires internationales (CRI) du juge français restent sans réponse depuis plus de 15 ans. En France, le secret défense est largement utilisé dans cette affaire. Au fil du temps, des déclassifications partielles sont intervenues mais elles n'ont apporté aucun élément probant. La levée du secret défense ne peut pas relever de la seule administration. Il revient au politique de prendre toute sa part quand la manifestation de la vérité l'impose. Le Président de la République a ainsi eu des gestes et des paroles fortes sur d'autres affaires. Au Burkina Faso, par exemple, le 28 novembre 2017, à propos de l'assassinat de Thomas Sankara : « J'ai pris la décision que tous les documents produits par des administrations françaises pendant le régime de Sankara et après son assassinat, couvertes par le secret de défense nationale soient déclassifiés et consultés en réponse aux demandes de la justice burkinabè » ou à Paris, le 13 septembre 2018, à propos de l'assassinat de Maurice Audin : « ( ) il était temps que la Nation accomplisse un travail de vérité sur ce sujet ». Il a ainsi décidé l'ouverture des archives couvertes par le secret défense. Il a pris la même décision à propos du crash de la caravelle Ajaccio-Nice de 1968. Aujourd'hui, 54 ans après, « l'affaire Ben Barka » doit faire l'objet de mêmes gestes. Il lui demande donc la levée du secret défense sur tous les dossiers concernés et leur libre accès par la justice afin de contribuer à établir les faits concernant l'enlèvement et la disparition de Mehdi Ben Barka. Cela permettrait de sortir cette affaire de l'impasse dans laquelle elle s'enlise, et à la famille de faire enfin son deuil.

Réponse émise le 17 décembre 2019

S'agissant des demandes de déclassification de certains documents ayant trait à l'enlèvement et à l'assassinat de Mehdi Ben Barka formulées par le tribunal de grande instance de Paris, le ministère des armées a toujours pleinement coopéré avec l'autorité judiciaire, tout particulièrement dans ce dossier. Le ministère n'a notamment pas attendu l'entrée en vigueur de la loi du 8 juillet 1998, instituant la procédure actuelle de déclassification, pour déclassifier d'initiative des documents protégés au titre du secret de la défense nationale, puisque plusieurs d'entre-eux ont été communiqués au juge dès 1985. Depuis la mise en place de la commission consultative du secret de la défense nationale, les différents juges d'instruction qui se sont succédés dans ce dossier ont saisi, à onze reprises, le ministère des armées, de requêtes en déclassification. Lorsqu'en exécution de ces demandes, les recherches entreprises ont permis l'identification de documents protégés et présentant un lien avec l'information, la commission en a systématiquement été saisie, conformément aux prescriptions du code de la défense. A chaque fois que cette commission a eu à se prononcer, soit à sept reprises, le ministère des armées a systématiquement suivi les avis rendus. Ainsi, plusieurs centaines de documents ont pu être transmis aux magistrats requérants, et figurent désormais au dossier. Ces documents étant désormais couverts par le secret de l'instruction, le ministère des armées n'entend pas s'exprimer davantage sur leur contenu, pas plus que sur leur valeur probante, qui relève de la seule appréciation de l'autorité judiciaire. Il ne saurait, pour la même raison, évoquer publiquement les requêtes dont il est saisi, ni la teneur des réponses apportées aux magistrats, dans un dossier en cours d'instruction.

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