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Ian Boucard
Question N° 24489 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 19 novembre 2019

M. Ian Boucard attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation concernant l'augmentation croissante du nombre de suicides dans le monde agricole français. En effet, selon la Mutualité sociale agricole (MSA), 605 agriculteurs, chefs d'exploitation et salariés confondus, ont mis fin à leurs jours en 2016. C'est un chiffre dramatique, d'autant plus qu'il est en constante progression. C'est un constat qui fait de cette profession, la plus touchée par le suicide. Sont en cause notamment, les difficultés financières que la plupart des paysans connaissent. À ce titre, le nombre de demandes de prime d'activité de la part d'agriculteurs a augmenté significativement avec plus de 200 000 sollicitations contre 60 000 attendues initialement. C'est une croissance que l'on peut expliquer par la faiblesse des revenus des agriculteurs puisque 30 % d'entre eux touchent environ 350 euros par mois et 20 % ne sont même pas en capacité de se verser un salaire. Mais l'on peut également ajouter à ceci, la dureté du métier, à la fois physique avec de nombreux efforts consentis par tous les temps et à la fois psychologique avec un fort sentiment de lassitude. La solitude qui règne aujourd'hui dans ce métier et plus largement dans les campagnes représente elle aussi un facteur important à prendre en compte. De plus, les agriculteurs sont de plus en plus touchés par l'agribashing qui influe véritablement sur leur moral. La stigmatisation de cette profession est de plus en plus fréquente, notamment de la part de certaines associations qui luttent en faveur de l'environnement et du bien-être animal et qui attaquent leurs méthodes de production et d'élevage. Par ailleurs, et même s'il existe déjà des tentatives d'aides qui sont proposées, à travers la mise en place du service Agri'écoute permettant de répondre aux alertes de détresse et de proposer un accompagnement, cela reste largement insuffisant et méconnu et on doit aller plus loin. Enfin, les agriculteurs font partie de la culture du pays, c'est en partie grâce à leur labeur que la France est reconnue mondialement pour la qualité de ses produits que le monde entier envie. Il faut donc en être fier et ne pas brader l'agriculture française en préservant les agriculteurs et en leur permettant de vivre mieux. C'est pourquoi il lui demande ce qu'il compte faire pour enrayer cette augmentation croissante des suicides d'agriculteurs en France.

Réponse émise le 25 février 2020

L'identification et l'accompagnement des exploitants et des salariés en difficulté constituent un sujet de préoccupation essentiel pour le ministère chargé de l'agriculture. Ces enjeux s'inscrivent dans la politique de santé au travail qui mobilise également tous les services de l'État, les partenaires sociaux, la sécurité sociale, les organismes et acteurs de la prévention et notamment la mutualité sociale agricole. Dès 2011, la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) a été chargée d'un programme national d'actions afin de recueillir des données chiffrées sur la réalité du suicide chez les exploitants et les salariés agricoles et afin de répondre aux alertes de détresse et procurer aux personnes concernées un accompagnement, une orientation, voire un suivi. Ce programme d'actions a été mené grâce à un large partenariat avec l'agence santé publique France, les associations d'écoutants pour la mise en place d'un service Agri'écoute fonctionnant sept jours sur sept, et avec les agences régionales de santé qui s'investissent dans les cellules pluridisciplinaires de prévention afin de repérer, d'accompagner et d'orienter les agriculteurs en difficulté. Il a été intégré dans le plan gouvernemental de lutte contre le suicide et la feuille de route santé mentale et psychiatrie. Sur le plan social, le dispositif d'aide au répit pour les exploitants agricoles en situation de burnout ou d'épuisement professionnel, a été créé dans le cadre du pacte gouvernemental de solidarité du 4 octobre 2016. Une enveloppe exceptionnelle de quatre millions d'euros a été allouée, dès 2017, à la CCMSA pour financer, en complément des crédits d'action sanitaire et sociale traditionnels, le coût du remplacement des exploitants agricoles victimes d'épuisement professionnel. L'évaluation de ces aides, menée en 2018, a permis de les consolider et de les renforcer. Elles resteront inscrites dans le programme d'actions du fonds d'action sanitaire et sociale des caisses de MSA en 2019 et 2020. Par ailleurs, le troisième plan santé au travail (PST 3) 2016-2020 a eu pour ambition de renouveler profondément la politique visant à la préservation de la santé physique et mentale des travailleurs. Ce plan donne la priorité à la prévention en se tournant résolument vers une approche positive du travail, facteur de santé. Il a notamment permis de mettre à disposition des employeurs un certain nombre d'outils d'aide à la démarche d'évaluation des risques psychosociaux et des suicides dans les entreprises et en lien avec les institutions représentatives du personnel. De plus, en partenariat avec l'observatoire national du suicide, il s'est également attaché à renforcer les connaissances en sciences humaines et sociales sur les conséquences sur la santé mentale des transformations des conditions et d'organisation du travail, des nouveaux modes de management, des nouvelles formes d'emploi, des emplois précaires et du chômage, ainsi que sur les dispositifs pour prévenir, rétablir ou réparer les atteintes à la santé mentale des actifs. Dans le cadre de cet appel à projets de recherche lancé en mai 2019, un projet de recherche spécifique au secteur agricole sur les mutations du rapport au travail dans le processus de modernisation agricole, porté par l'université de Picardie, a été retenu pour l'année 2020. Sur le plan économique, une instruction technique, adressée aux préfets de département fin décembre 2017, instaure un partenariat plus étroit entre les chambres d'agriculture et les services économiques des services déconcentrés du ministère de l'agriculture qui, grâce à des signaux d'alerte d'un réseau de sentinelles, favorise la prise en charge le plus en amont possible des situations difficiles et propose un audit économique aux chefs d'entreprises. Un dispositif de soutien spécifique aux exploitations agricoles en difficulté du secteur de la production primaire, de type familial, ou n'employant pas plus de dix salariés a également été mis en place par le décret n° 2019-556 du 4 juin 2019. Il permet aux exploitations agricoles de bénéficier d'une prestation d'expertise susceptible de les orienter vers les dispositifs d'aide au redressement ou d'aide à la reconversion professionnelle, mais également vers d'autres dispositifs d'accompagnement pertinents. Cette aide à la relance de l'exploitation agricole (AREA) vise à faciliter le retour à la viabilité des exploitations agricoles rencontrant des difficultés financières structurelles. De plus, de nouvelles modalités de calcul de la prime d'activité ont permis d'améliorer la prise en compte de la situation réelle des non-salariés agricoles. En premier lieu, ils peuvent bénéficier de la prime d'activité et, plus précisément, ceux dont le bénéfice agricole annuel n'excède pas le seuil de 1 700 fois le salaire minimum de croissance. En second lieu, les non-salariés agricoles disposent de la faculté de calculer leur droit à la prime d'activité sur la base d'une assiette trimestrielle, à condition que les recettes des douze derniers mois n'excèdent pas 82 800 euros. Dans la recherche de solutions, Solidarité Paysans accompagne les agriculteurs face aux différents créanciers et organismes publics ou privés. Ce réseau, regroupant 35 associations locales, s'est donné pour mission d'accompagner et défendre les agriculteurs et leur famille en difficulté financière afin de lutter contre les exclusions dont ils peuvent être victimes et conforter leur autonomie. Au niveau national, Solidarité paysans apporte les informations et moyens de développement nécessaires pour lutter contre l'exclusion, harmoniser les pratiques d'accompagnement, valoriser et relayer l'action du réseau auprès des instances nationales pour la défense collective des agriculteurs en difficulté. Un dossier complet d'information est consacré au mal-être des paysans. La brochure « Les difficultés en agriculture, parlons-en ! » est déclinée en version web. Elle permet de diffuser une appréhension très fine des situations et de déculpabiliser les agriculteurs confrontés à ces problèmes au cours de leur vie professionnelle. Les branches professionnelles se sont également emparées de cet enjeu. Ainsi, le réseau Agri-Sentinelles, piloté par Allice et Coop de France et animé par l'institut de l'élevage a reçu le soutien financier du ministère chargé de l'agriculture via le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR) pour mettre en place un réseau coopératif d'alerte et de prévention du suicide en agriculture. Le site internet a été lancé le 16 septembre 2019 : http://www.reseau-agri-sentinelles.fr. Il est conçu comme une boîte à outils à destination des sentinelles. Il contient un catalogue de formations pour monter en compétence sur l'écoute et le repérage des agriculteurs (REPERER), un répertoire des professionnels de l'accompagnement en département ainsi que le descriptif des dispositifs existants (ALERTER), des réponses aux questions des techniciens au contact des agriculteurs en difficulté (AGIR). L'ensemble des mesures prises par les pouvoirs publics et ses partenaires en matière de prévention du suicide en agriculture reste néanmoins suceptible d'être amélioré. Ainsi des travaux d'amélioration du suivi statistique, de renforcement de la lisibilité des mesures et dispositifs proposés ainsi que l'amélioration des cellules d'identification et d'accompagnement vont être entrepris en 2020. La mobilisation de l'ensemble des acteurs au sein des territoires favorise le succès de ces mesures et le ministère de l'agriculture et de l'alimentation est pleinement mobilisé sur ce sujet.

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