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Michel Castellani
Question N° 2452 au Ministère de l'action


Question soumise le 31 octobre 2017

M. Michel Castellani alerte M. le ministre de l'économie et des finances sur les conséquences croissantes du développement du marché noir de cigarettes. La politique de lutte contre le tabagisme s'est orientée, depuis plusieurs années, vers une hausse importante du prix du paquet de cigarette. Il y a là un pouvoir dissuasif certain. Face à cette politique "agressive", le marché de contrebande s'est développé fortement. Ainsi, selon une étude récente la France serait le premier pays de trafic de cigarettes avec près de 30 % de cigarettes issues du marché noir. Il s'agirait d'une perte de près de 2 milliards d'euros par an pour l'État. De plus, il est avéré que les cigarettes "low cost" possèdent un taux élevé de métaux lourds et une présence de nicotine supérieure à la normale, ce qui les rend manifestement plus néfastes. Par ailleurs, le terrorisme international se finançant entre autre des produits de contrebande, il n'est pas faux de penser que ce trafic de cigarettes contribue au financement d'organisations terroristes. Enfin, l'augmentation de la contrebande met en péril des milliers d'emplois de buralistes, entrepreneurs servant souvent de lien social dans les zones de faibles densités. Devant ces considérations, il importe pour l'État d'engager une véritable lutte contre la contrebande. Alors qu'une tarification agressive est nécessaire mais ne serait être la seule politique publique engagée, il souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement en matière de lutte contre la contrebande, notamment aux abords de la Méditerranée.

Réponse émise le 27 février 2018

La notion de « marché parallèle » doit être comprise comme l'ensemble des ventes réalisées « hors-réseau des débitants de tabac ». Ce marché hors-réseau est constitué à la fois des achats légaux (achats transfrontaliers pour consommation personnelle) et des achats illégaux (contrebande, contrefaçon, vente sur internet…). Ce marché parallèle représenterait 30 % des ventes, chiffre proche de celui publié par le cabinet KPMG. En effet, le cabinet KPMG, mandaté et rémunéré par la société Philipp Morris International depuis 2006 et par Japan Tobacco International, British American Tobacco et Imperial Tobacco Limited depuis 2013, réalise annuellement une étude relative à la consommation, la contrebande et la contrefaçon de cigarettes en Europe. Chaque année, la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) prend acte de l'étude de KPMG, sans la commenter, car la DGDDI ne reconnaît ni la méthode ni l'indépendance. Pour mémoire, les fabricants de cigarettes, commanditaires du rapport, lient les dynamiques de prix et donc les politiques d'augmentations tarifaires à l'importance globale de la contrebande. La hausse de la fiscalité sur les produits du tabac est dictée par un objectif de santé publique devant permettre une réduction de la consommation du tabac notamment chez les jeunes. La divergence des fiscalités et les différences de prix persistantes en Europe portent atteinte à l'efficacité des politiques de lutte contre la prévalence tabagique et constituent effectivement un cadre propice au développement des achats transfrontaliers. C'est pourquoi le Gouvernement va saisir la Commission européenne (CE) sur la nécessité d'une plus grande harmonisation vers le haut de la fiscalité des tabacs manufacturés au niveau européen, notamment des pays limitrophes.  Par ailleurs, dans le contexte de montée en puissance du plan national de réduction du tabagisme et notamment des hausses de fiscalité sur le tabac prévues entre 2018 et 2020, la France plaide, afin de réduire les risques d'achats hors réseau des buralistes, pour une révision de la directive no 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 en vue de mettre en place de véritables seuils limitatifs dans le cadre de la circulation intracommunautaire de tabac détenu par les particuliers, en lieu et place des « niveaux indicatifs » actuels. La ministre des solidarités et de la santé ainsi que le ministre de l'action et des comptes publics effectueront des déplacements dans les États membres limitrophes afin de convaincre nos partenaires européens de la nécessité de lutter contre le trafic transfrontalier. Pour compléter ce dispositif, l'administration des douanes a programmé un plan de renforcement de la lutte contre le commerce illicite du tabac. Ce plan vise à intensifier les contrôles mis en œuvre par les services douaniers sur l'ensemble des vecteurs de contrebande de tabacs. Dans ce cadre, des contrôles renforcés seront menés dans les zones frontalières, les ports, les aéroports mais également dans les zones urbaines, sur des lieux de vente de cigarettes préalablement identifiés. Des actions de contrôles conjoints douane-police et douane-gendarmerie seront ainsi proposées localement aux préfets de région. Egalement, des actions en comités opérationnels départementaux anti-fraude seront menées sur ce sujet et cibleront des commerces de revente illicite de cigarettes. Parallèlement sera effectuée une recherche de l'identification des avoirs criminels. Il sera demandé aux services douaniers de proposer systématiquement aux préfets les fermetures administratives de ces lieux de vente. De plus, le fret express et les colis postaux seront particulièrement contrôlés afin d'accroître l'interception des colis et le démantèlement des filières d'approvisionnement par internet. Pour cela, la DGDDI s'appuie sur son service spécialisé dans ce domaine nommé Cyberdouane. Cette unité dédiée à la lutte contre les fraudes commises sur internet a vu ses moyens considérablement renforcés. Ainsi, les cyberdouaniers peuvent désormais effectuer des investigations sous couverture, c'est-à-dire des infiltrations des organisations de fraude agissant sur internet, grâce aux nouveaux pouvoirs prévus par l'article 67 bis 1 du code des douanes. Enfin, l'État reste particulièrement attentif à la situation des buralistes. En plus d'offrir la garantie que le tabac est distribué selon les règles en vigueur, ces lieux sont d'autant plus importants qu'ils constituent parfois le dernier commerce ou lieu de convivialité de certaines zones rurales. Les contrats d'avenir signés depuis 2003 avec la confédération nationale des buralistes ont pleinement joué leur rôle de soutien à l'activité des débitants de tabac. Le dernier contrat d'avenir sur la période 2012-2016 a permis une augmentation annuelle de la rémunération nette liée à la vente de tabac. Cette rémunération a été portée de 6,5 % à 6,9 % du chiffre d'affaires sur la durée du contrat pour les produits du tabac autres que les cigares et cigarillos, pour lesquels le taux net de la rémunération est de 7 %. Le protocole d'accord pour la modernisation du réseau des buralistes a déjà porté cette remise nette à 7,5 % en 2017 et elle atteindra 8 % en 2021. Pour conclure, les diverses aides à l'activité ou à la reconversion ont été reconduites, en privilégiant notamment les débitants les plus en difficultés, principalement dans les zones rurales et frontalières.

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