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Dimitri Houbron
Question N° 24576 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 19 novembre 2019

M. Dimitri Houbron interroge M. le ministre de l'intérieur sur la réglementation relative aux conditions d'accès à certains métiers dans le domaine des forces de l'ordre pour des personnes diabétiques. Il rappelle que les personnes atteintes de diabète sont exposées à des incidences sur leur vie professionnelle au regard des contraintes du traitement et des risques d'hypoglycémie pour le patient. Il rappelle, à cet effet, que l'accès à certaines professions (métiers de l'armée, de la sécurité, de l'aviation civile et commerciale, de la marine marchande...) et écoles notamment militaires (Polytechnique, Saint-Cyr, École de l'air, École navale...) est refusé à ces personnes diabétiques. Il constate, cependant, que ces mesures exceptionnelles n'ont jamais connu d'évolution, plus de trente ans après leur édiction. Il s'étonne de la persistance de cette rigidité des conditions d'accès compte tenu des progrès médicaux qui permettent à des personnes atteintes de diabète « de type 1 » d'avoir des conditions de vie moins atteignables qu'auparavant et de mieux contrôler leur métabolisme. Il rappelle que des pays, notamment européens et comme c'est le cas de l'Espagne depuis le 30 novembre 2018, ont mis fin à ces mesures de discriminations a priori visant des personnes atteintes de maladies chroniques dans l'accès à certains métiers de la fonction publique. Il souligne que la réglementation est appliquée dans des ministères et ses administrations par la prise de décrets et d'arrêtés qui précisent ou limitent la portée du règlement précité. Il cite, à titre d'exemple, la réglementation relative aux armées comme l'arrêté du 28 septembre 2018 modifiant l'arrêté du 27 juin 2017 portant cahier des charges applicable à la formation initiale aux activités privées de sécurité ; à la police comme l'arrêté du 2 décembre 2016 fixant la liste des emplois fonctionnels de commandant de police ; et à la gendarmerie comme l'arrêté du 9 janvier 2003 relatif aux conditions médicales et physiques d'aptitude exigées des candidats à l'admission dans le corps des officiers de gendarmerie. Il en déduit que cet arsenal réglementaire est de nature à aggraver les difficultés d'insertion professionnelle rencontrées par les diabétiques « de type 1 ». Il préconise, à l'appui de ce constat, une révision des conditions d'accès sur aptitudes physiques, et la prévision d'un mécanisme de revue périodique au regard des avancées scientifiques et médicales sur l'ensemble de ces textes administratifs. Il propose, par exemple, que certains métiers soient accessibles ou faire l'objet d'une plus grande ouverture sous conditions, soit du fait de l'évolution des traitements, soit avec l'autorisation au cas par cas, ou soit avec la fin des interdictions. Ainsi, il le remercie de lui faire part de ses avis et de ses orientations sur une évolution de la réglementation, relative aux armées, à la police et à la gendarmerie, afin de permettre un meilleur accès au marché du travail pour les personnes atteintes de diabète « de type 1 », dans un objectif de justice et d'égalité républicaine.

Réponse émise le 9 février 2021

S'agissant de la police nationale, comme l'ensemble des maladies chroniques, le diabète insulino-dépendant de l'adulte jeune pose la question de l'aptitude médicale à servir dans la police. Compte tenu des contraintes du traitement, ainsi que des complications qui peuvent survenir (hypoglycémie, avec risque de perte de connaissance, hyperglycémie), le problème réside notamment dans les conséquences neuro-glycopéniques des variations de la glycémie, c'est-à-dire de l'altération du fonctionnement du cerveau sous l'effet de la privation de glucose (troubles de la concentration, de l'élocution, troubles visuels, voire perte de connaissance). Les troubles qui en résultent peuvent survenir avant même le cortège de symptômes bien connus du malade et qui habituellement signent à ses yeux la crise hypoglycémique. La survenue d'une hypoglycémie peut donc perturber les capacités de vigilance et de réaction avant même que la personne concernée n'en perçoive la réalité physique. Or, le policier est soumis à deux exigences médicales majeures : être médicalement apte au service actif de jour et de nuit ; être médicalement apte au port et à l'usage des armes. Les contraintes physiologiques et mentales de l'exercice de son métier tiennent essentiellement : - à la disponibilité exigée, avec la possibilité de variations impromptues de son emploi du temps et de son temps de travail ; - à des conditions de travail qui peuvent être difficiles en situation opérationnelle : surveillance de longue durée dans des conditions parfois difficiles, maintien de l'ordre en formation constituée, etc. ; - au stress en situation professionnelle : stress physique générant des besoins énergétiques imprévisibles, situations d'usage de la force physique ou des armes, stress psychique, anxiété, peur ; - au port d'équipements de protection pouvant limiter l'usage des dispositifs de surveillance glycémique ou d'injection si le patient n'est pas doté d'une pompe implantable couplée à une mesure automatisée de la glycémie. La conjonction de ces contraintes physiques, psychologiques ou matérielles peut avoir des effets délétères. La réaction de stress, et son effet bien connu sur la sécrétion de cortisol, est susceptible de provoquer une variation inattendue de la glycémie et donc un besoin de correction rapide. Les signes physiques du stress (palpitation, nausées, crampes, etc.) peuvent en particulier être interprétés à tort comme les prémices d'une hypoglycémie et perturber le traitement. Or, en situation opérationnelle, le policier diabétique insulino-dépendant devrait gérer simultanément deux activités distinctes : - sa participation à l'action de police, sa propre sécurité et celle des autres fonctionnaires présents ; - ses besoins glycémiques, un apport sucré ou d'insuline : le confort apporté par les dispositifs les plus récents (pompe implantable et mesure de la glycémie non invasive) n'écarte pas le risque de dysfonctionnement. Il est donc loisible que l'exercice des activités inhérentes au métier de policier est de nature, d'une part, à solliciter fortement l'organisme du sujet en suscitant des besoins glycémiques dont la satisfaction peut se heurter à des impératifs opérationnels, d'autre part, à favoriser la survenue d'une hypoglycémie qui, dans sa phase infra-clinique, peut perturber les capacités de vigilance et de réaction du policier face à une situation dangereuse pour lui-même et son entourage. Le principe général qui prévaut actuellement dans la police nationale, comme dans les forces armées, est donc de consacrer l'inaptitude médicale initiale de tout candidat porteur d'une affection évolutive chronique nécessitant un traitement et une surveillance médicale permanente. Ce principe se traduit par l'instauration d'un profil médical seuil exigeant lors de la visite médicale initiale : la cotation 2 requise pour le sigle G répond à ce besoin. Cette position relève de l'application de l'article 3 de l'arrêté du 2 août 2010 relatif aux conditions d'aptitude physiques particulières pour l'accès aux emplois de certains corps de fonctionnaires qui reprend dans son annexe II le profil médical requis selon le référentiel SIGYCOP prévu dans l'arrêté du 20 décembre 2012 relatif à la détermination et au contrôle de l'aptitude médicale du personnel militaire. Pour la lettre G relative à l'état général, les affections diabétiques ont un coefficient situé entre 5 et 6 à l'admission, alors que, pour être déclaré apte, ce coefficient doit être égal à 2. Le diabète insulino-dépendant de l'adulte jeune, qui permet aujourd'hui une vie personnelle et professionnelle quasi-normale, sous réserve d'un traitement exigeant et d'une surveillance médicale régulière, constitue ainsi une cause d'inaptitude définitive à l'entrée dans la police nationale. Cette position est appliquée également pour le recrutement des personnels militaires, de la gendarmerie nationale, des pompiers, douaniers, conducteurs de trains, etc. Il convient en outre de noter que la directive européenne 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail comporte un considérant 18 qui rappelle les dérogations possibles au regard des contraintes professionnelles de certains métiers et cite à ce égard expressément les services de police. Admettre dans la police un personnel atteint d'une maladie chronique comme le diabète impliquerait en outre d'accepter, dès l'entrée dans la carrière, la mise en place d'une surveillance régulière par le médecin de prévention et l'instauration d'éventuelles mesures d'aménagement du poste ou du rythme de travail. Ceci impliquerait aussi d'adapter, dès l'entrée dans la carrière, l'emploi de cet agent à la réduction de ses capacités, en contradiction avec l'exigence d'aptitude au service actif de jour et de nuit. Toutes mesures habituellement motivées pour des affections se déclarant en cours de carrière. Si l'accès aux missions de police n'est pas possible pour les candidats diabétiques, en revanche leur maintien dans le corps est accompagné lorsque l'affection est détectée après l'entrée dans la police. Lorsque la médecine statutaire en a connaissance, l'agent est alors déclaré en inaptitude partielle et bénéficie d'un aménagement de poste. Dans la police nationale, la dimension individuelle de l'aptitude médicale ne peut être détachée de sa dimension collective qui répond au besoin : - de constituer une population de professionnels en capacité d'assumer dans la durée d'une carrière longue l'ensemble des activités attendues du policier ; - de disposer d'un vivier de personnels capables d'occuper, en cours de carrière, les emplois exigeants au plan médical dont elle a besoin : service de la protection, unités d'intervention, de montagne, motocyclistes, démineurs, plongeurs, etc.  Dans l'immédiat, la préservation de l'état de santé de l'agent, l'obligation pour l'employeur de ne pas le soumettre à des conditions incompatibles avec son état de santé, comme le souci de préserver la capacité opérationnelle de la police nationale impliquent d'écarter les sujets diabétiques insulinodépendants lors de la visite d'aptitude médicale initiale à l'entrée dans la police. Pour autant, il convient de souligner que tous les métiers de la police ne sont pas incompatibles avec le diabète insulino-dépendant : il en va ainsi des postes en police technique et scientifique et des postes administratifs. S'agissant de la gendarmerie nationale, l'une des missions du service de santé des armées est de garantir, par l'expertise médicale d'aptitude, que l'état de santé des militaires leur permettra de remplir leur mission en tout temps, en tout lieu et en toutes circonstances, y compris en environnement extrême. De même, l'aptitude médicale doit permettre d'éviter de placer les intéressés en situation d'aggravation d'une pathologie antérieure à l'engagement. Il est difficile, voire impossible, de prévoir la durée d'une opération militaire et de planifier avec certitude les conditions dans lesquelles celle-ci se déroulera, en particulier en ce qui concerne les conditions d'hygiène alimentaire (irrégularité des repas) et d'accès aux soins. Les risques encourus par un malade diabétique de type 1 en cas d'interruption de traitement, ou les risques d'hypoglycémie (qui ne peuvent tous être prévenus par un contrôle, même attentif, de la maladie), sont de nature à engager le pronostic vital de l'individu. Les nouveaux matériels, qui apportent au quotidien une plus-value dans la surveillance et le traitement du diabète, ne sauraient pour l'heure être suffisamment fiables ou durables dans des environnements très humides, particulièrement poussiéreux ou sans source d'énergie, qui caractérisent les théâtres d'opérations actuels. L'impact de cette maladie sur la vie professionnelle est significatif. Plus spécifiquement concernant le métier des armes, le risque encouru par le malade pèse alors à l'identique sur le collectif et sur la réalisation de la mission. C'est ainsi que les exigences de l'opérationnel intiment les armées à prendre en compte, en sus du talent et du mérite, l'état de santé des individus désireux de s'y engager, quel que soit le corps envisagé. Au demeurant, les textes régissant les conditions de détermination de l'aptitude médicale à servir pour les diabétiques de type 1 sont élaborés par des médecins militaires, dont des spécialistes hospitaliers en endocrinologie et diabétologie. Ils se fondent sur leur expérience et leur parfaite connaissance des pathologies et des spécificités liées à l'état de militaire. Loin d'être discriminatoires, ces textes sont régulièrement modifiés pour s'adapter aux connaissances médicales et scientifiques et à l'évolution du métier de militaire.

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