Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Marie-Pierre Rixain
Question N° 2464 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 31 octobre 2017

Mme Marie-Pierre Rixain attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'impact du trafic de stupéfiants sur le lien social des quartiers concernés. De nombreux quartiers en France sont touchés par des actes délictueux consistant à acheter ou vendre des substances illicites. Les services de la police nationale, à travers les commissariats de sécurité publique et les services spécialisés de la police judiciaire, ainsi que les services de la gendarmerie nationale, sont mobilisés pour lutter contre l'usage et le trafic de stupéfiants. Cette action est indispensable, en termes de justice, de sûreté et de santé publiques et elle doit être renforcée afin de démanteler les réseaux et l'économie souterraine ainsi générée. Mais au-delà des strictes infractions à la loi, les trafics déstabilisent profondément le lien social dans l'ensemble des quartiers et la vie quotidienne des habitants. À ce titre, l'exemple du quartier de la Rocade-Bel Air à Longjumeau est autant révélateur qu'édifiant. C'est tout un écosystème du contrôle et de l'intimidation qui rythme la vie quotidienne des habitants : contrôle des halls par des individus cagoulés, fouilles corporelles subies par les personnes étrangères à la résidence, dégradations des biens des habitants qui tentent de se mobiliser contre le trafic, etc. Ces zones où la loi du plus fort s'impose aux citoyens ne peuvent être tolérées. L'enjeu est aussi simple que les solutions complexes à mettre en œuvre : il s'agit de replacer la République, ses valeurs et ses engagements, au cœur de ces quartiers afin de rétablir durablement un climat de confiance là où règnent aujourd'hui la méfiance et la peur entre les citoyens. Aussi, elle l'interroge sur les objectifs et les moyens qui seront donnés aux forces de l'ordre pour rétablir la sûreté et la tranquillité publiques dans les quartiers qui subissent les trafics de stupéfiants et ses conséquences urbaines, sociales et sécuritaires.

Réponse émise le 5 juin 2018

Dans un contexte marqué par l'essor de la production de drogue dans les pays qui alimentent le marché français, la police et la gendarmerie nationales luttent activement contre les trafics de stupéfiants qui affectent de nombreux territoires, notamment les quartiers sensibles. La physionomie des trafics et l'action des forces de l'ordre dans ces secteurs font l'objet d'une analyse et d'un suivi réguliers, tant à l'échelon local qu'au niveau central. Dans le quartier de la Rocade-Bel-Air à Longjumeau, comme dans les autres quartiers et communes touchés par cette forme d'économie souterraine, l'enracinement des trafics et l'appropriation de certains lieux par les dealers constituent en effet des problèmes majeurs. La lutte contre le trafic de stupéfiants et ses conséquences en matière de sécurité et d'ordre publics est une priorité gouvernementale, qui implique une approche globale et coordonnée. Afin de lutter contre les trafics locaux et le sentiment d'insécurité qu'ils engendrent, les policiers et les gendarmes concentrent leurs efforts dans les secteurs exposés. Le bilan de leur activité dans ce domaine se maintient en 2017 à un niveau élevé, qu'il s'agisse des avoirs criminels saisis ou des faits de trafic réprimés. En 2017, le bilan cumulé de l'activité des services de police et de gendarmerie est ainsi en progression de plus de 13 % pour la répression des trafics de stupéfiants (10 624 faits constatés, contre 9 398 en 2016). Révélatrices de la qualité des investigations de fond tournées vers le démantèlement des réseaux, les saisies d'avoirs criminels dans le cadre d'affaires liées au trafic de drogue s'élèvent à 62,6 M€ en 2017, contre 62,3 M€ en 2017. Dans les quartiers les plus affectés par le trafic de stupéfiants, majoritairement situés dans la zone de compétence de la police nationale, la stratégie mise en œuvre repose sur le renforcement de la présence sur la voie publique et l'amélioration de la coordination des investigations judiciaires. En ce qui concerne l'action sur la voie publique, plusieurs axes sont exploités, à travers la présence accrue des policiers en tenue et la mise en place d'opérations d'envergure, avec parfois l'appui des douanes ou des polices municipales, visant à déstabiliser les dealers (visites de caves et de parties communes, contrôles d'identité, contrôles routiers, etc.). Les renforts de forces mobiles constituent aussi un élément essentiel pour assurer une forte présence sur le terrain. Le recueil et la remontée du renseignement opérationnel des services de voie publique au profit des services d'enquête contribuent également à la lutte contre les trafics. Sur le plan judiciaire, les brigades de sûreté urbaine et les sûretés départementales des services de la sécurité publique orientent en priorité leur action sur les affaires locales de revente de stupéfiants, tandis que les services de police judiciaire ciblent les trafics internationaux ou interrégionaux, ainsi que les actes criminels liés aux trafics, notamment les règlements de compte. Les groupes d'intervention régionaux (GIR) concourent au démantèlement des trafics et à la saisie d'avoirs criminels en apportant leur expertise dans le domaine de la lutte contre l'économie souterraine. Les stratégies locales de lutte contre le trafic de stupéfiants s'inscrivent en outre dans le cadre de diverses structures partenariales : groupes locaux de traitement de la délinquance (GLTD), cellules de coordination opérationnelle des zones de sécurité prioritaire (ZSP), comités opérationnels départementaux anti-fraude (CODAF), etc. La coordination avec les bailleurs sociaux visant à expulser les dealers, après condamnation par la justice, pour troubles de jouissance, et l'appui aux projets de renouvellement urbain par le biais des référents « sûreté » de la police et de la gendarmerie constituent des exemples de leviers mis en œuvre dans le cadre d'une approche globale. Ces actions se heurtent toutefois à certaines difficultés. La configuration des quartiers exposés aux trafics complique les opérations de surveillance et le recueil de preuves à l'encontre des trafiquants. De nombreuses mesures sont en outre mises en œuvre par ces derniers pour déjouer les opérations de surveillance, notamment le recrutement d'individus inconnus des services locaux, car issus d'autres agglomérations, voire d'autres régions, et leur rotation quotidienne entre différents points de vente. Face à ce constat, la poursuite et le renforcement du travail de fond entrepris contre les trafiquants passe par différents axes opérationnels, qui relèvent des services de police et de gendarmerie comme d'acteurs extérieurs au ministère de l'intérieur. Afin d'améliorer le traitement judiciaire des enquêtes visant les trafics locaux, la police nationale a renforcé la coordination des services de police judiciaire et de sécurité publique, par la mise en place de structures de pilotage renforcées destinées à favoriser les échanges d'informations ainsi que l'identification et la répartition des objectifs prioritaires entre services. Le dispositif développé à Marseille en 2015 produit des résultats et pourrait être prochainement étendu à d'autres agglomérations. Le renforcement des moyens matériels d'investigation, financés en partie par le biais des crédits du fonds de concours « drogue » provenant de la confiscation des avoirs criminels, contribue aussi à améliorer l'efficacité des opérations judiciaires. Le développement constant de l'approche patrimoniale consistant à saisir et à confisquer les avoirs criminels des trafiquants constitue un autre levier d'action important, de nature à déstabiliser plus durablement les réseaux ciblés que les saisies de produits stupéfiants. La poursuite des efforts de formation entrepris depuis plusieurs années au profit des enquêteurs et des magistrats vise à développer le recours aux moyens juridiques qui existent en la matière. Le démantèlement des structures de blanchiment d'argent, notamment des réseaux de collecteurs chargés de récupérer des espèces et de les acheminer vers l'étranger, s'inscrit dans la même logique. La présence sur le terrain demeure un mode d'action incontournable, sans lequel il s'avère difficile d'exercer sur les différents acteurs du trafic une pression constante et d'empêcher certains dealers de prendre immédiatement le relais des trafiquants interpellés. Si le niveau d'engagement particulièrement soutenu des services territoriaux comme des unités de forces mobiles ne leur permettent matériellement pas de tenir en permanence tous les lieux de trafic, la mise en place de la police de sécurité du quotidien, lancée début février 2018, va se traduire par un renforcement de la présence des forces de l'ordre dans les quartiers les plus exposés aux trafics et à la délinquance. Il en sera ainsi, en particulier, dans les « quartiers de reconquête républicaine » (QRR) où seront concentrés en priorité des renforts humains et matériels. Le département de l'Essonne, par exemple, bénéficiera dès la première vague prévue en septembre 2018 d'un quartier de reconquête républicaine, à Corbeil-Essonnes. La lutte contre les trafics et l'offre en matière de produits stupéfiants ne peut toutefois se concevoir sans la mise en œuvre concomitante d'une stratégie de lutte contre la demande et les usages, ces deux dimensions du marché des drogues étant indissociables. Le traitement de la demande par les forces de police et de gendarmerie offre de ce point de vue des marges de progression et repose sur trois actions complémentaires. L'amélioration du traitement judiciaire de l'usage de stupéfiants, par l'introduction d'une procédure forfaitaire plus simple à mettre en œuvre et l'application d'une sanction plus dissuasive, devrait contribuer à prévenir la consommation de stupéfiants sur la voie publique. Cette mesure permettra un recentrage des services sur le traitement des trafics et facilitera la mise en place d'opérations visant à dissuader les consommateurs de s'approvisionner dans les lieux de vente habituels. La multiplication des opérations de dépistage de conduite de véhicule après usage de produits stupéfiants, rendue possible grâce à l'introduction récente d'une nouvelle méthode de confirmation par prélèvement salivaire, a également pour objectif de renforcer la lutte contre la consommation de substances illicites. Enfin, les actions de prévention conduites dans les milieux scolaire et professionnel par les policiers formateurs anti-drogue (PFAD) et les formateurs-relais anti-drogue (FRAD) de la gendarmerie visent à prévenir certaines pratiques de consommation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.