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Anthony Cellier
Question N° 24971 au Ministère de l'économie


Question soumise le 3 décembre 2019

M. Anthony Cellier attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la situation fiscale des « Américains accidentels », personnes possédant la double nationalité française et américaine, sans avoir pour autant d'attaches particulières aux États-Unis. Il peut s'agir d'individus ayant acquis la nationalité américaine à la naissance par le droit du sol, compte tenu de leur venue au monde sur le territoire des États-Unis, ou bien encore ayant bénéficié dès la naissance de cette autre nationalité transmise par l'un des deux (ou les deux) parents. Ces « Américains accidentels », n'ayant pourtant aucun liens familiaux ou économiques avec les États-Unis, sont confrontés à l'extraterritorialité de la législation fiscale américaine depuis la promulgation de la loi dite « FATCA » (Foreign account tax compliance act), entrée en vigueur le 1er janvier 2014, suite à un accord bilatéral entre les deux pays. Cette réglementation vise à identifier et déclarer les contribuables américains auprès de l'administration fiscale américaine en vue d'améliorer le respect des obligations fiscales à l'échelle internationale. Les conséquences fiscales sont importantes puisque les banques du monde entier sont dans l'obligation de transmettre à l'administration fiscale américaine - l'Internal revenue service (IRS)  - des informations fiscales sur les contribuables américains. Ainsi, les institutions financières françaises sont soumises, sous peine de sanctions importantes, à une obligation déclarative concernant leurs clients présentant des « indices d'américanité ». Si ces indices sont relevés, outre la difficulté à faire reconnaître, par exemple, la part déductible de la CSG ou du RDS auprès de l'administration fiscale américaine, ce qui provoque des redressements fiscaux importants, les clients de ces banques peuvent se retrouver face à des fermetures de comptes unilatérales ou dans l'impossibilité de souscrire des produits d'épargne. Cette législation a aussi de fortes répercutions en ce qui concerne le respect de la confidentialité des données personnelles, en particulier en matière bancaire. Les personnes ne souhaitant pas subir cette double imposition peuvent faire le choix d'abandonner leur nationalité américaine, mais la procédure s'avère longue, coûteuse et impose une mise en conformité fiscale sur les cinq dernières années. Dans un rapport d'information parlementaire émis par MM. Marc Le Fur et Laurent Saint-Martin en mai 2019, des préconisations avaient été faites pour apporter une réponse à l'inquiétude légitime des citoyens français, « Américains accidentels », impactés par cette règlementation. Aussi, il attire son attention sur ce sujet qui concerne plus de 20 000 compatriotes. Il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur la question et les actions qu'il entend mettre en œuvre sur la question de l'extraterritorialité du droit américain et sur l'enjeu des « Américains accidentels ».

Réponse émise le 18 février 2020

Les « Américains accidentels », c'est-à-dire nos concitoyens également ressortissants américains du fait de leur lieu de naissance, sont de ce fait assujettis à des obligations au regard de la législation fiscale américaine, en dépit de l'absence de lien particulier effectif avec ce pays. Ces difficultés ont été accentuées par l'application du Foreign Account Tax Compliance Act, ou « loi Fatca ». Elles ne sont toutefois pas exclusivement imputables à cette législation, puisqu'elles sont plus fondamentalement la résultante du principe de la Citizenship Based Taxation, lequel est un élément structurant et ancien du système fiscal américain. Le Gouvernement a identifié cette problématique de longue date et a mené de nombreuses démarches actives auprès des autorités américaines. La France a d'ailleurs certainement été l'Etat européen le plus mobilisé pour faire avancer ce dossier. Une délégation interministérielle composée des services du ministère de l'économie et des finances (direction de la législation fiscale), du ministère de l'Europe et des affaires étrangères ainsi que du ministère des solidarités et de la santé (direction de la sécurité sociale) s'est ainsi rendue à Washington en mai 2018 pour rencontrer les représentants des autorités américaines. Les demandes exprimées à cette occasion, relayées à de nombreuses reprises depuis lors, ont d'ores et déjà abouti à certains résultats notables. En effet, d'une part, les autorités américaines se sont rangées cet été à la position juridique défendue par le Gouvernement, selon laquelle la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) constituent des impôts, couverts à ce titre par la convention fiscale de 1994 qui lie nos deux Etats. Cette inflexion permet ainsi de résoudre des situations préjudiciables de double imposition. D'autre part, l'Internal Revenue Service (IRS) a présenté le 6 septembre 2019 une nouvelle procédure d'amnistie fiscale. Celle-ci constitue une avancée significative qui, compte tenu des seuils de référence élevés (en termes de niveau de revenus et de patrimoine), permettra de résoudre la situation fiscale de nombreux binationaux ayant décidé de renoncer à leur nationalité américaine. Les problématiques rencontrées par les clients de nationalité américaine dans leurs relations avec les établissements bancaires, consécutives aux difficultés de délivrance, par les autorités américaines, d'un numéro de sécurité sociale qui fait également fonction de numéro d'identification fiscale (Tax Identification Number – TIN), constituent quant à elles toujours un motif de préoccupation légitime. Il existe en effet un enjeu de court-terme, lié à l'expiration de la date de dérogation accordée jusqu'au 1er janvier 2020 pour l'obligation de collecte de ce TIN par les banques. Les représentants parlementaires ont été amenés à insister auprès des responsables du Trésor américain sur l'urgente nécessité de résoudre ces difficultés, qui ne sont nullement imputables aux pouvoirs publics français, mais qui sont au contraire inhérentes à la complexité du système administratif des Etats-Unis. Le Gouvernement a également échangé avec l'administration américaine, pour lui faire part de la nécessité de parvenir à une résolution rapide de ces difficultés. Les autorités françaises ont relayé ce message, à plusieurs reprises, auprès de leurs homologues du Trésor et de l'IRS et ont mobilisé les autres administrations concernées chez nos partenaires européens pour en renforcer la portée. Ces initiatives viennent d'aboutir à la publication par l'IRS, le 15 octobre 2019, de compléments aux instructions existantes qui précisent les obligations des institutions financières en matière de collecte et de transmission du TIN. Or ces instructions amendées reconnaissent désormais expressément que, après cette échéance du 31 décembre 2019, l'absence de TIN transmis par les banques n'emporte nullement pour conséquence immédiate la caractérisation d'un manquement significatif de la part de celles-ci. En effet, les services de l'IRS prendront en considération les circonstances particulières ayant conduit à cette carence, ainsi que les procédures internes mises en place et les diligences accomplies par les institutions financières pour collecter cette information. De telles précisions sont de nature à sécuriser les établissements bancaires et leurs clients vis-à-vis du risque de sanctions financières, puisqu'ils seront ainsi en mesure d'attester de leur bonne foi et des difficultés rencontrées.

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