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Mathilde Panot
Question N° 25041 au Ministère de la transition écologique (retirée)


Question soumise le 10 décembre 2019

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Mme Mathilde Panot interroge Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur la raison pour laquelle son ministère s'est pourvu en cassation au Conseil d'État contre une ordonnance du tribunal administratif du 6 mai 2019 qui suspendait les travaux d'un projet d'éco-quartier à Besançon. Cette ordonnance donnait la priorité à l'intérêt écologique et à des espèces protégées de ce qu'on nomme les « jardins des Vaîtes ». Un grand projet immobilier inutile menace directement trente-quatre hectares de terres arables et d'espaces naturels, de zones humides et de jardins habités par toute une faune dont plusieurs espèces protégées. Mme la députée se voit obligée de rappeler à Mme la ministre le contenu de cette ordonnance : « Le I de l'article L. 411-1 du code de l'environnement comporte une série d'interdictions visant à assurer la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats. (...) Un projet d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, par sa nature et compte tenu notamment du projet urbain dans lequel il s'inscrit, à une raison impérative d'intérêt public majeur. (...) Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment de l'évolution démographique que la commune de Besançon a connu ces quinze dernières années, des perspectives économiques et démographiques pour les années à venir, de l'offre de logements déjà disponibles, du nombre de logements vacants et des constructions de logements en cours de réalisation ou programmées, que les besoins en logements de la commune de Besançon, à court ou à moyen terme, soient tels que l'aménagement du quartier des Vaîtes réponde actuellement à une raison impérative d'intérêt public majeur ». Ce quartier des Vaîtes est un des derniers quartiers historiques de maraîchers, horticulteurs et de jardiniers et jardinières, qui produit encore aujourd'hui en cœur de ville fruits, fleurs et légumes. Mme la députée engage vivement Mme la ministre à aller visiter ce lieu singulier. Là où souvent les termes de mixité sociale et intergénérationnelle sont des incantations vides de sens, aux Vaîtes la vie sociale qui s'est liée entre habitants et jardinièrs en est une incarnation. Les habitants des quartiers populaires alentours ont trouvé un lopin de terre pour y respirer, cultiver la terre, faire jouer leurs enfants, allumer le barbecue du dimanche en été. Quand on s'y promène, on y voit des jardins de toutes tailles et de toutes formes, reflet de la personnalité et de l'origine du jardinier, avec là la lignée de choux portugais, ici les tomates italiennes, ailleurs encore les rangs de menthe marocaine. Les cabanons qui parsèment les jardins sont divers, ici romantique en bois teint et peint, là biscornu et construit avec de la récupération. On pourrait aussi évoquer la magie qu'il y a à passer en quelques pas sans barrière aucune d'un jardin à une friche, d'un espace boisé à une mare. Ce quartier est la promenade du dimanche pour de nombreux habitants de Besançon. Ce quartier est un poumon d'air pur et de nature préservée. Mais tout ça ne compte pas pour des aménageurs qui se comportent avec leur ville comme des bétonneurs ignorant la réalité du lieu et de ses habitant.es. Depuis 2005, les habitants et usagers se battent contre ce projet d'écoquartier. Dernièrement une association s'est créée « Les Jardins des Vaîtes », qui a pour but de préserver ces espaces naturels, et les espèces protégées qui y vivent : alyte accoucheur, triton palmé et alpestre, serin cini, chardonneret élégant, pipistrelle... Des autorités indépendantes ont par deux fois donné raison à l'opposition des riverains. Avant le tribunal administratif, le CNPN avait rendu un avis défavorable le 14 février 2018, dont voici un extrait : « Les mesures compensatoires ne sont pas suffisantes, elles ne sont pas proportionnées aux destructions d'espèces protégées et des habitats ; en regard de 23 hectares détruits et 15 hectares au moins d'espaces naturels, il est proposé à peine 2 hectares de compensation. Par ailleurs, les engagements sont plus des intentions que des mesures planifiées dans le temps avec un budget clairement alloué. La séquence ERC [éviter-réduire-compenser] n'est donc pas respectée ». En effet, la ville de Besançon est régulièrement épinglée pour ses projets immobiliers massifs, qui ne correspondent pas aux besoins des habitants. On peut citer notamment un reportage de France Télévisions « La France en Face - le scandale du logement » de février 2014, ou encore un article de l'UFC-Que choisir d'avril 2015, qui pointaient les constructions neuves ne trouvant pas de locataires. La vacance de logements est en augmentation constante à Besançon depuis des années (taux de logements vacants en 2007 : 6,1 %, en 2012 : 8,4 %, en 2016 : 10,1 %, chiffres Insee). La ville a perdu la capitale de région avec la fusion Bourgogne-Franche-Comté, et a une population stagnante. Elle n'est plus éligible au dispositif Pinel depuis le 15 mars 2019. Mais pourtant les grands projets immobiliers se succèdent dans une vision obsolète de ce qu'est le développement : « Quand le bâtiment va, tout va » dit M. Fousseret, maire de Besançon. Et les terres arables disparaissent dans cet étalement urbain de Besançon, mais aussi des communes alentours. Les habitants rencontrés moquent la guéguerre que se livrent Dijon et Besançon pour l'attractivité, pour le titre pompeux de « métropole ». L'association « Jardins des Vaîtes » et FNE 25-90 sont attristés et en colère par ce recours du ministère qui devrait bien au contraire être à leurs côtés. Comment Mme la ministre, qui prétend lutter contre l'artificialisation des terres, promouvoir l'agriculture urbaine et les circuits courts, peut-elle justifier une telle action? Comme le dit Gilles Clément, jardinier et écrivain, dont la pensée écologique est internationalement reconnue : « Il est aujourd'hui très important de mettre en place des territoires expérimentaux d'un mode de vie non destructeur pour les générations à venir. Certains territoires, tels les Vaîtes à Besançon, possèdent déjà les avantages d'une mise en place des éléments permettant de développer un dialogue entre les humains et le reste du « vivant » dans un cadre économique de la non-dépense. Il doit pouvoir servir d'enseignement et, bien que rien ne soit complètement transposable, d'exemple pour d'autres sites urbains et péri-urbains ». Il rajoutait dans un encouragement adressé à l'association des Jardins des Vaîtes en avril 2019 « Tout ce que nous pouvons faire pour vivre avec la diversité sans la détruire tout en maintenant notre propre équilibre de vie orienté par une économie de la non-dépense constitue un modèle pour le futur. Il faut résister à la pulsion consommatrice de ceux qui nous engagent vers la destruction de nos ressources vitales. Vous savez le faire, je vous encourage à faire face à ceux qui nous dirigent et qui ne sont que des retardateurs. Vous avez un temps d'avance ». Elle lui demande de mettre fin à ce recours et de protéger ces 34 hectares de terre.

Retirée le 21 juin 2022 (fin de mandat)

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