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Michel Zumkeller
Question N° 25173 au Ministère de l’agriculture


Question soumise le 17 décembre 2019

M. Michel Zumkeller interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la détresse que vivent les exploitants et salariés agricoles. La Mutualité sociale agricole a réalisé une étude et le résultat est effrayant. En effet, elle évoque 605 suicides chez les agriculteurs, exploitants et salariés. Dans le détail, il s'agirait de 372 chefs d'exploitation (292 hommes et 80 femmes) et de 233 salariés agricoles (204 hommes et 29 femmes). Cette situation est la preuve de la profonde détresse des agriculteurs. Il souhaite connaître les actions que le Gouvernement compte mettre en place pour permettre aux agriculteurs de vivre décemment de leur travail, de revaloriser l'image de l'agriculture française et de permettre l'aménagement du territoire. Les agriculteurs méritent tout notre soutien.

Réponse émise le 4 août 2020

L'identification et l'accompagnement des exploitants et des salariés en difficulté constituent un sujet de préoccupation essentiel pour le ministère chargé de l'agriculture. Ces enjeux s'inscrivent dans la politique de santé au travail qui mobilise également tous les services de l'État, les partenaires sociaux, la sécurité sociale, les organismes et acteurs de la prévention et notamment la mutualité sociale agricole (MSA). Dès 2011, la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) a été chargée d'un programme national d'actions afin de recueillir des données chiffrées sur la réalité du suicide chez les exploitants et les salariés agricoles et afin de répondre aux alertes de détresse et procurer aux personnes concernées un accompagnement, une orientation, voire un suivi. Ce programme d'actions a été mené grâce à un large partenariat avec l'agence santé publique France, les associations d'écoutants pour la mise en place d'un service Agri'écoute fonctionnant sept jours sur sept, et avec les agences régionales de santé qui s'investissent dans les cellules pluridisciplinaires de prévention afin de repérer, d'accompagner et d'orienter les agriculteurs en difficulté. Il a été intégré dans le plan gouvernemental de lutte contre le suicide et la feuille de route santé mentale et psychiatrie. Sur le plan social, le dispositif d'aide au répit pour les exploitants agricoles en situation de burn out ou d'épuisement professionnel, a été créé dans le cadre du pacte gouvernemental de solidarité du 4 octobre 2016. Une enveloppe exceptionnelle de quatre millions d'euros a été allouée, dès 2017, à la CCMSA pour financer, en complément des crédits d'action sanitaire et sociale traditionnels, le coût du remplacement des exploitants agricoles victimes d'épuisement professionnel. L'évaluation de ces aides, menée en 2018, a permis de les consolider et de les renforcer. Elles resteront inscrites dans le programme d'actions du fonds d'action sanitaire et sociale des caisses de MSA en 2019 et 2020. Par ailleurs, le troisième plan santé au travail (PST 3) 2016-2020 a eu pour ambition de renouveler profondément la politique visant à la préservation de la santé physique et mentale des travailleurs. Ce plan donne la priorité à la prévention en se tournant résolument vers une approche positive du travail, facteur de santé. Il a notamment permis de mettre à disposition des employeurs un certain nombre d'outils d'aide à la démarche d'évaluation des risques psychosociaux et des suicides dans les entreprises et en lien avec les institutions représentatives du personnel. De plus, en partenariat avec l'observatoire national du suicide, il s'est également attaché à renforcer les connaissances en sciences humaines et sociales sur les conséquences sur la santé mentale des transformations des conditions et d'organisation du travail, des nouveaux modes de management, des nouvelles formes d'emploi, des emplois précaires et du chômage, ainsi que sur les dispositifs pour prévenir, rétablir ou réparer les atteintes à la santé mentale des actifs. Dans le cadre de cet appel à projets de recherche lancé en mai 2019, un projet de recherche spécifique au secteur agricole sur les mutations du rapport au travail dans le processus de modernisation agricole, porté par l'université de Picardie, a été retenu pour l'année 2020. Sur le plan économique, une instruction technique, adressée aux préfets de département fin décembre 2017, instaure un partenariat plus étroit entre les chambres d'agriculture et les services économiques des services déconcentrés du ministère chargé de l'agriculture qui, grâce à des signaux d'alerte d'un réseau de sentinelles, favorise la prise en charge le plus en amont possible des situations difficiles et propose un audit économique aux chefs d'entreprises. Un dispositif de soutien spécifique aux exploitations agricoles en difficulté du secteur de la production primaire, de type familial, ou n'employant pas plus de dix salariés a également été mis en place par le décret n° 2019-556 du 4 juin 2019. Il permet aux exploitations agricoles de bénéficier d'une prestation d'expertise susceptible de les orienter vers les dispositifs d'aide au redressement ou d'aide à la reconversion professionnelle, mais également vers d'autres dispositifs d'accompagnement pertinents. Cette aide à la relance de l'exploitation agricole (AREA) vise à faciliter le retour à la viabilité des exploitations agricoles rencontrant des difficultés financières structurelles. De plus, de nouvelles modalités de calcul de la prime d'activité ont permis d'améliorer la prise en compte de la situation réelle des non-salariés agricoles. En premier lieu, ils peuvent bénéficier de la prime d'activité et, plus précisément, ceux dont le bénéfice agricole annuel n'excède pas le seuil de 1 700 fois le salaire minimum de croissance. En second lieu, les non-salariés agricoles disposent de la faculté de calculer leur droit à la prime d'activité sur la base d'une assiette trimestrielle, à condition que les recettes des douze derniers mois n'excèdent pas 82 800 euros. Dans la recherche de solutions, Solidarité Paysans accompagne les agriculteurs face aux différents créanciers et organismes publics ou privés. Ce réseau, regroupant 35 associations locales, s'est donné pour mission d'accompagner et défendre les agriculteurs et leur famille en difficulté financière afin de lutter contre les exclusions dont ils peuvent être victimes et conforter leur autonomie. Au niveau national, Solidarité paysans apporte les informations et moyens de développement nécessaires pour lutter contre l'exclusion, harmoniser les pratiques d'accompagnement, valoriser et relayer l'action du réseau auprès des instances nationales pour la défense collective des agriculteurs en difficulté. Un dossier complet d'information est consacré au mal-être des paysans. La brochure « Les difficultés en agriculture, parlons-en ! » est déclinée en version web. Elle permet de diffuser une appréhension très fine des situations et de déculpabiliser les agriculteurs confrontés à ces problèmes au cours de leur vie professionnelle. Les branches professionnelles se sont également emparées de cet enjeu. Ainsi, le réseau Agri-Sentinelles, piloté par Allice et Coop de France et animé par l'institut de l'élevage a reçu le soutien financier du ministère de l'agriculture via le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR) pour mettre en place un réseau coopératif d'alerte et de prévention du suicide en agriculture. Le site internet a été lancé le 16 septembre 2019 : http://www.reseau-agri-sentinelles.fr. Il est conçu comme une boîte à outils à destination des sentinelles. Il contient un catalogue de formations pour monter en compétence sur l'écoute et le repérage des agriculteurs (REPERER), un répertoire des professionnels de l'accompagnement en département ainsi que le descriptif des dispositifs existants (ALERTER), des réponses aux questions des techniciens au contact des agriculteurs en difficulté (AGIR). La mobilisation de l'ensemble des acteurs au sein des territoires favorise le succès de ces mesures. Ainsi, sur proposition du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, le Gouvernement a proposé la mise en place d'une mission parlementaire confiée, le 10 mars 2020, à M. Olivier Damaisin, député du Lot-et-Garonne. La mission est chargée d'identifier les dispositifs existants de prévention du suicide et de formuler des recommandations visant, notamment, à en améliorer l'efficacité, la qualité, la lisibilité et la coordination. L'objectif est de renforcer les mesures permettant d'éviter le délitement social qui entraîne les suicides ou les tentatives de suicides et de proposer des mesures permettant de contribuer à la valorisation de l'agriculture auprès du grand public et à l'accompagnement de la transformation des modèles de production, des métiers et des modes de vie des agricultrices et agriculteurs. Les travaux, attendus pour la rentrée, feront l'objet d'une large concertation avec l'ensemble des parties prenantes et auront vocation à renforcer cette mobilisation des acteurs au sein des territoires.

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