Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pascal Lavergne
Question N° 25206 au Ministère de la justice


Question soumise le 17 décembre 2019

M. Pascal Lavergne alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les trop nombreux actes de malveillance commis à l'encontre des éleveurs et du monde rural. Des incendies, supposés criminels, de bâtiments agricoles se sont déclarés dans la nuit du samedi 23 novembre 2019 dans deux villages de la Drôme. L'un des sites abritait des bovins qui ont péri. De trop nombreux actes de malveillance sont commis à l'encontre des éleveurs : incendies dans les fermes des agriculteurs, attaques des artisans bouchers et charcutiers des villages, « missions commando » pour empêcher le bon déroulement des chasses et autres activités rurales traditionnelles. Cela s'ajoute, en plus, à la condamnation d'agriculteurs à cause de l'odeur de leurs vaches dans le Cantal, de porcs dans le Nord, condamnation de retraités parce que dans leur mare chantaient des grenouilles en Dordogne, condamnation d'un propriétaire de coq car il chantait trop fort et trop tôt. La ruralité a ses sons et ses odeurs. Ils doivent être protégés. Aussi, il lui demande quel arsenal juridique existe pour protéger les éleveurs, les agriculteurs, bref le monde rural en général. Il l'interroge également sur le fait de le compléter, compte tenu du trop grand nombre d'actes violents et malveillants à l'encontre du monde rural.

Réponse émise le 19 mai 2020

Le ministère de la justice est pleinement engagé dans la lutte contre les actions violentes que subissent certains agriculteurs et éleveurs français. Sur le plan pénal, la dépêche relative aux actions violentes de mouvements animalistes radicaux diffusée le 22 février 2019 par la direction des affaires criminelles et des grâces prévoit une articulation entre les actions administrative et judiciaire afin de prévenir les atteintes aux agriculteurs. Ainsi, en amont des actions annoncées par les militants, les procureurs de la République sont invités à se rapprocher de l'autorité préfectorale afin d'être tenus informés des éventuelles mesures administratives prises localement pour prévenir ce type d'actions. L'autorité administrative peut notamment interdire par arrêté toute manifestation qu'elle estime de nature à troubler l'ordre public. La direction générale de la gendarmerie a créé en octobre 2019 une cellule de renseignement et de rapprochement judiciaire, baptisée DEMETER, qui a vocation à analyser les menaces à l'encontre de la filière agricole et à coordonner la réponse des forces de sécurité, à partir des informations qui lui sont transmises par les unités saisies localement. La dépêche précitée rappelle également le cadre juridique applicable aux actions violentes de certains mouvements radicaux, et plus particulièrement ceux conduisant à la commission d'intrusions sur des sites agricoles. Elle invite les parquets à retenir, dans ces situations, les infractions de violation de domicile (article 226-4 du code pénal), d'organisation d'une manifestation illicite (article 431-9 du code pénal), de groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations (article 222-14-2 du code pénal) ou encore le délit d'entrave à l'exercice de la liberté du travail (article 431-1 du code pénal). Peuvent également être retenues, dans le cadre d'intrusions violentes d'individus au sein d'une exploitation agricole, les infractions de dégradation ou destruction volontaire du bien d'autrui (articles 322-1 et suivants du code pénal) lorsque l'intrusion sur l'exploitation a entraîné la destruction matérielle de certains biens, de menaces, et notamment de menace de destruction avec ordre de remplir une condition (articles 322-12 et suivants du code pénal) ou encore les infractions de violences (articles 222-13 et suivants du code pénal). C'est ainsi par exemple qu'en décembre 2018, six personnes ont été condamnées par le tribunal correctionnel de Roanne du chef de violation de domicile alors qu'elles avaient pénétré sur un site d'abattage sans autorisation ou qu'en juin 2019, le tribunal correctionnel de Paris a condamné deux individus à 3 mois et 6 mois d'emprisonnement pour des dégradations commises dans une boucherie parisienne et des violences sur les personnes d'un boucher et de fromagers. Le cadre juridique actuel permet ainsi de répondre efficacement aux actions violentes subies par les professionnels de la filière animale.Toutefois, afin de prendre en compte les inquiétudes exprimées par le monde agricole, récemment relayées par la FNSEA, des réflexions sont en cours sur une éventuelle modification législative du délit de violation de domicile, afin que le texte consacre la jurisprudence constante relative à la violation de domicile dans les exploitations agricoles. Sur le terrain civil, les condamnations évoquées sont fondées sur le principe jurisprudentiel selon lequel nul ne doit causer à autrui de trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage. Ces condamnations sont cependant rares et de nombreux requérants sont déboutés. En effet, les juges prennent toujours en compte l'environnement pour déterminer le caractère anormal du trouble causé. De nombreux arrêts se réfèrent ainsi au caractère rural de la commune en cause pour écarter l'existence d'un trouble anormal en présence par exemple de nuisances occasionnées par une basse-cour ou des animaux d'élevage. Par ailleurs, l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation empêche les riverains de demander réparation des troubles de voisinage que leur causent les activités notamment agricoles dès lors que celles-ci existaient avant leur installation, qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions et qu'elles sont exercées en conformité avec les dispositions en vigueur. Dans le cadre de la prochaine réforme de la responsabilité civile engagée par la Chancellerie, il est toutefois envisagé de consacrer dans le code civil la jurisprudence relative à la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage, ce qui pourra être l'occasion de rappeler la nécessaire prise en compte du contexte spatial et temporel pour apprécier si un trouble est anormal.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.