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Bérengère Poletti
Question N° 25408 au Ministère des armées


Question soumise le 24 décembre 2019

Mme Bérengère Poletti attire l'attention de M. le Premier ministre sur la procédure de rachat de l'entreprise française CLS (Collecte localisation satellite) par une société d'investissements belge, la Compagnie nationale à portefeuille (CNP). Le 20 novembre 2019, au cours de l'audition de Mme la ministre des armées par la commission des affaires étrangères, Mme la députée a eu l'occasion de l'interroger sur ce sujet très sensible, sans obtenir une réponse satisfaisante. Dans la dernière édition de la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale on peut trouver dans la liste des aptitudes opérationnelles le point suivant : « Assurer la sécurité des moyens spatiaux : aptitude qui consiste à assurer l'intégrité physique et numérique, la fiabilité et la sûreté de l'utilisation de nos moyens nationaux, de contribuer à celles des moyens partagés, que ce soit pour les satellites ou leurs segments sol. Elle suppose une connaissance de la situation spatiale et une aptitude à agir si cette sécurité est menacée ». La France jouit d'un statut de grande puissance technologique qui contribue de manière décisive à son rang parmi les premiers exportateurs mondiaux de matériel militaire. Cette situation est le fruit d'un investissement continu et d'une politique garantissant en permanence l'équilibre entre l'export, la dualité civilo-militaire et les acquisitions nationales. La conservation d'un mode de planification étatique ou public dans la recherche pouvant avoir un impact sur les technologies civilo-militaires est une nécessité. Le Gouvernement a fait de l'innovation de rupture une priorité en créant le conseil de l'innovation et en investissant plus de 4,5 milliards d'euros sur la durée du quinquennat 2017-2022, ceci afin de permettre l'émergence des champions de demain et apporter une réponse aux grands enjeux de l'avenir. Cependant, CLS une entreprise stratégique pour la défense nationale et l'économie française dans son ensemble, opérateur historique du réseau Argos (système mondial de localisation et de collecte de données géopositionnées par satellite) utilisé par la DGA (direction général de l'armement) pour son activité de gestion des flottes militaires (véhicules et navires pour les armées) risque d'être rachetée par une société d'investissements belge la CNP. CLS est une entreprise pionnière dans la fourniture de solutions d'observation et de surveillance de la Terre. Elle emploie 720 salariés répartis entre Ramonville et ses vingt-cinq autres sites dans le monde. Aujourd'hui, CLS apporte son expertise aux entreprises, ONG et organisations internationales, dans le domaine de gestion durable des pêches, de surveillance environnementale, de surveillance maritime (pollution, piraterie, etc.), des énergies (surveillance des plates-formes pétrolières) et de gestion de flottes. Dans ce rachat le CNES, jusque-là majoritaire avec 54 % des parts dans CLS, a été autorisé par ses ministères de tutelle (recherche, défense et Bercy) et le secrétariat général pour l'investissement (sous l'autorité du Premier ministre), à vendre 20 % de ses parts dans CLS en même temps que les 32 % d'Adrian et les 14 % de l'Ifremer à la CNP. Ainsi, avec 66 % ce fonds d'investissement, l'un des piliers du groupe Frère-Bourgeois, deviendrait majoritaire au capital de CLS. Cette vente intervient dans un contexte de croissance de l'activité de CLS et de son chiffre d'affaires. Dès lors se posent trois questions. La première porte sur le bien-fondé de la décision de vendre une pépite technologique française à un investisseur purement financier et absolument hors de l'industrie spatiale. La seconde porte sur le retrait de l'État dans ce rachat. Assurément, des fonds nécessaires auraient pu être trouvés à travers la banque publique d'investissement et la banque européenne d'investissement, alors même qu'il aurait été plus judicieux de trouver un groupe plus en rapport avec l'activité de CLS, par exemple Airbus. Enfin, la troisième interrogation porte sur la procédure IEF (Investissements étrangers en France), au cours de laquelle le Gouvernement aura une dernière occasion de s'opposer à ce rachat, qui entre en totale contradiction avec la politique de protection des entreprises de pointe. Par conséquent, elle lui demande de lui indiquer si l'État entend s'opposer à ce rachat et ce qu'il compte faire pour éviter de tels cas de figure à l'avenir.

Réponse émise le 11 août 2020

L'entreprise collecte localisation satellite (CLS) est un acteur important dans les domaines de la collecte et de la localisation, mais également dans le domaine de la surveillance des activités terrestres et maritimes. La société a ainsi développé des activités de géolocalisation des mobiles terrestres, en particulier dans les domaines des transports et de l'humanitaire, ainsi qu'une offre intégrée pour l'offshore et la pêche illégale. Sa filiale Kinéis est quant à elle en cours de levée de fonds et développe la première constellation européenne de nanosatellites (25 satellites de 25 kg chacun), dédiée à l'internet des objets (IoT), fondée sur le système Argos dont elle est gestionnaire. CLS est entrée dans une phase industrielle où la montée au capital d'un investisseur est favorable, voire nécessaire, à la poursuite de son expansion. A cet égard, la vente à un investisseur purement financier, hors de l'industrie spatiale, est préférable à une vente à un investisseur industriel. Dans cette dernière hypothèse en effet, une telle opération pourrait faire peser un risque sur les effectifs et leur localisation en cas de recherche de synergies. Le processus de cession a été mené de façon compétitive. Les critères de choix ont été le prix, la durée de l'investissement proposé, la convergence sur le mode de gouvernance de la société, la compréhension et l'adhésion du fonds à la stratégie de CLS, ainsi que la prise en compte par l'investisseur du rôle stratégique qu'entend conserver le centre national d'études spatiales (CNES) dans l'activité de CLS et tout particulièrement de sa filiale Kinéis. Le choix définitif s'est ainsi porté en novembre 2019 sur la compagnie nationale à portefeuille (CNP), fonds d'investissement belge. En complément, le CNES et CNP ont négocié un pacte d'actionnaires permettant de préserver les droits et intérêts du CNES. L'opération de cession partielle à CNP de la participation du CNES dans CLS est associée à un réinvestissement partiel du produit de la vente dans Kinéis. L'Etat optimise ainsi son investissement là où il est le plus stratégique. Par ailleurs, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) et la banque publique d'investissement Bpifrance pourraient également investir dans Kinéis. Au-delà du pacte d'actionnaires négocié entre le CNES et CNP, un dossier d'Investissements étrangers en France (IEF) a été déposé par l'investisseur. En effet, si les investissements étrangers en France sont libres afin de developper l'activité économique dans notre pays, ils sont soumis à une autorisation préalable du ministre chargé de l'économie lorsqu'ils sont de nature à porter atteinte, entre autres, aux intérêts de la défense nationale. Dans le cas présent, le processus IEF, piloté par la direction générale du Trésor, a conduit les ministères concernés à donner un avis favorable, assorti de conditions à respecter par le repreneur. Le ministère des armées sera particulièrement vigilant au respect des engagements de l'investisseur. Il a d'ailleurs demandé à en piloter le suivi. Enfin, l'opération de cession partielle à CNP de la participation du CNES dans CLS et du réinvestissement partiel ultérieur dans Kinéis a été autorisée le 16 décembre 2019 par le conseil d'administration du CNES, où le ministère des armées siège. Cette opération répond donc bien à une vision stratégique de soutien au développement de CLS et permet de renforcer le soutien de l'Etat dans la société Kinéis à un moment crucial pour son développement.

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