Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Philippe Huppé
Question N° 26095 au Ministère de la culture


Question soumise le 28 janvier 2020

M. Philippe Huppé interroge M. le ministre de la culture sur le contrat signé entre le musée parisien du Louvre et Le Louvre Abu Dhabi. S'il est conscient de la nécessité d'exporter l'image de marque d'un des symboles de la France afin de la faire rayonner à l'étranger, il émet des doutes quant à la réalisation et à l'équilibre de ce contrat d'exécution conclu en 2018. En effet, il est apparu, d'après une lettre adressée par le procureur général de la Cour des comptes, M. Gilles Johanet, aux ministres de la culture et des affaires étrangères, que plusieurs stipulations du contrat n'avaient pas été respectées par l'établissement émirati. Des critiques qui étaient déjà étayées par le rapport de la Cour des comptes de mars 2019, portant sur « la valorisation internationale de l'ingénierie et des marques culturelles : le cas des musées nationaux ». Le rapport pointe notamment le fait que le Louvre n'a rien perçu entre 2007 et 2018, alors même que des royalties auraient dû lui être versées du fait de l'utilisation de son nom. Effectivement, selon les stipulations de l'article 14 du traité signé entre les deux États en 2007 : « l'usage du nom du musée du Louvre ne peut être consenti que pour la dénomination du musée, à l'exclusion de toute autre. Toute autre exploitation du nom du musée du Louvre, de sa marque, de son image et/ou de la dénomination du musée ou toute apposition de l'un de ces éléments sur un quelconque produit ou service fait l'objet d'une autorisation expresse et préalable du musée du Louvre sous forme de convention conclue au cas par cas et prévoyant notamment l'intéressement au bénéfice de l'établissement public du musée du Louvre ». Or le nom de « musée du Louvre » a été utilisé plusieurs fois par l'enseigne des Émirats sans le consentement du musée français, notamment lors de campagnes de publicités planétaires, ou par l'apposition du nom sur des avions de la compagnie aérienne Etihad lors de l'année 2017. Ce défaut d'information préalable du Louvre Paris est contraire aux stipulations tant de l'accord intergouvernemental de 2007 que du contrat de licence de marque subséquent, et aurait dû faire l'objet d'une redevance financière. En ce sens, il y a eu méconnaissance des règles de droit international en la matière. De plus, selon le procureur, le contrat d'exécution signé en 2018 contiendrait des dispositions excluant la promotion et la publicité que fait le musée d'Abu Dhabi de tout versement d'intéressement financier pour le musée du Louvre, car cela serait compris dans le versement forfaitaire de 400 millions d'euros. Or une telle considération irait manifestement à rebours des stipulations du traité, puisque celui-ci pose bien que cette somme n'est due que pour « la dénomination du musée, à l'exclusion de toute autre ». Le versement de ces compensations est donc internationalement dû, et il est nécessaire de les récupérer afin de protéger les intérêts de notre institution. Si l'exportation du soft power français est une nécessité, il paraît indispensable de s'assurer de la véritable valorisation et de la sécurisation de ces opérations, afin de défendre au mieux le patrimoine français. C'est pourquoi il lui demande de lui faire connaître les intentions du Gouvernement pour résoudre ce problème.

Réponse émise le 15 septembre 2020

Le Louvre Abu Dhabi est une réussite exceptionnelle. Fruit d'une coopération remarquable entre la France et les Émirats Arabes Unis, il illustre parfaitement le très haut niveau de l'expertise française en matière de musées, de patrimoine et de culture en général. Cette expertise permet à la France de rayonner dans le monde entier. Loin de se limiter à une seule dimension financière, le Louvre Abu Dhabi est avant tout un projet culturel hors du commun, qui manifeste aujourd'hui la pertinence du musée universel ouvert à toutes les cultures et à toutes les esthétiques du monde, tel que la France a largement contribué à le définir depuis plus de deux siècles, notamment par le musée du Louvre. Le musée du Louvre a signé, le 8 novembre 2018, un contrat d'exécution du contrat de licence de marque avec les Émirats Arabes Unis, qui vient préciser les conditions d'utilisation de la marque « Louvre Abu Dhabi ». Le long délai observé entre la signature du contrat de licence de marque et le contrat d'exécution s'explique d'abord par le fait que l'ouverture du musée, envisagée initialement en 2012, ne s'est réalisée qu'en 2017, et ensuite, par l'étalement sur plusieurs années des discussions relatives au logo. Le premier projet de contrat a ainsi été adressé aux autorités émiriennes en janvier 2015. Les interlocuteurs émiriens en charge de la négociation sur les conditions de commercialisation des produits dérivés ont été désignés seulement lorsque l'ouverture du musée était proche, permettant alors d'engager et de finaliser la négociation. Les conditions d'exploitation de la marque et de l'image du Louvre négociées par le Louvre et prévues dans le contrat d'exécution se révèlent tout à fait honorables. Ainsi, le taux de redevance sur l'utilisation commerciale de la marque « Louvre Abu Dhabi » de 8 %, retenu lors de la négociation du contrat d'exécution, ne peut être considéré comme insuffisant au regard des comparaisons réalisées avec les redevances perçues sur d'autres activités concédées par le Louvre. Ainsi, à titre d'exemple, le taux de redevance qui s'applique dans le contrat de licence de marque conclu entre le musée du Louvre et la Réunion des musées nationaux – Grand Palais s'établit à 3 % du chiffre d'affaires. En outre, le contrat prévoit bien une validation préalable par le Louvre du recours par le Louvre Abu Dhabi à des sous-licences, permettant à celui-là d'en contrôler l'objet et les conditions. Sur le partenariat avec la compagnie Etihad et les opérations de communication et de publicité, le musée du Louvre n'avait en effet pas eu connaissance du partenariat commercial conclu par les autorités émiriennes en octobre 2017 avec la compagnie aérienne nationale Etihad. Dès que le musée du Louvre a constaté l'usage du nom du Louvre Abu Dhabi dans une campagne de communication, il a demandé par courrier des explications au Louvre Abu Dhabi. Il ne s'agit cependant pas d'une licence de marque mais d'une campagne de publicité financée par le Louvre Abu Dhabi à travers l'achat d'espaces publicitaires auprès d'Etihad. La possibilité d'une campagne de marquage d'avions aux couleurs du Louvre Abu Dhabi au titre d'un achat d'espaces publicitaires avait en outre été discutée en 2016-2017 avec les équipes du Louvre Abu Dhabi. Ce type d'opérations est fréquent : par exemple, le Louvre Lens l'avait fait pour son ouverture et le Louvre l'a fait également en 2019 pour le 500e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci sur les TGV se rendant en Italie. Outre qu'une renégociation des conditions de rémunération des sous-licences est déjà programmée avant novembre 2021, nonobstant le bien-fondé d'une telle démarche qui reste à démontrer, les conséquences d'une judiciarisation, notamment en termes médiatiques et sur la qualité de la relation avec les Émiriens, seraient loin d'être insignifiantes dans le cas d'un projet qui demeure un cas unique de valorisation de marque muséale et de vente d'ingénierie culturelle. Au total, s'il convient d'être vigilant sur la correcte application de l'accord de licence de marque, il importe de considérer que l'enjeu, qui porte essentiellement sur les produits dérivés (et non sur la politique de promotion) reste limité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.