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Ian Boucard
Question N° 26245 au Ministère auprès du ministre de l’économie


Question soumise le 4 février 2020

M. Ian Boucard attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics concernant les dangers de la croissance des marchés parallèles de vente de tabac en France pour les commerçants de proximité. En effet, selon KPMG, 28,4 % des cigarettes consommées sur le territoire français en 2018 ne provenaient pas d'un buraliste français. C'est donc quasiment un tiers des consommations qui proviendrait soit des pays frontaliers comme le Luxembourg, l'Espagne ou la Suisse où les tarifs du tabac sont plus attractifs soit des marchés parallèles de contrebande où l'on constate une croissance importante des ventes illégales de ces produits. A fortiori, cela représente une perte fiscale pour l'État considérée à près de 3 milliards d'euros. Dans le Territoire de Belfort, la consommation de tabac provenant des marchés parallèles serait passée de 2 à 26 % de la consommation totale en seulement 7 ans. En cause notamment, l'évolution continue du prix du paquet de cigarettes en France. Cette augmentation souhaitée par l'État pour des raisons de santé publique engendre et favorise le développement des marchés parallèles qui s'approvisionnent à bas prix dans des pays tels que l'Algérie, l'Espagne ou la Roumanie où les prix sont les plus attractifs, ce qui leur permet de vendre moins cher sur le sol français. Par ailleurs, et même s'il existe déjà au niveau légal des actions qui ont été mises en place comme par exemple le durcissement des amendes pour les individus interpellés en flagrant délit de contrebande ou encore la limitation à 4 cartouches, au lieu de 10 par individu lorsque ceux-ci reviennent de pays étrangers, cela reste insuffisant et il faut aller plus loin. En effet, le montant des amendes reste faible et les douaniers ne sont pas en mesure de contrôler l'intégralité des passages en douanes. Enfin, on doit préserver les buralistes et les petits commerces qui sont aujourd'hui en péril et confrontés à la fermeture de nombreux établissements des suites d'une trop faible rentabilité en partie causée par les marchés parallèles. En effet, on constate que depuis 15 ans, 8 000 fermetures ont eu lieu dues à un manque de rentabilité. Ce sont pourtant bien ces commerces de proximité qui favorisent le développement du lien social dans certains territoires. En effet, on recense aujourd'hui près de 24 000 buralistes, un chiffre qui fait des bureaux de tabac le premier commerce de proximité en France. C'est pourquoi il lui demande ce qu'il compte faire pour enrayer le développement des marchés parallèles en France et ainsi protéger les commerces de proximité.

Réponse émise le 3 novembre 2020

La notion de « marché parallèle » est entendue comme l'ensemble des ventes réalisées « hors-réseau des débitants de tabac ». Ce marché hors-réseau est constitué à la fois des achats légaux (achats transfrontaliers pour consommation personnelle) et des achats illégaux (contrebande, contrefaçon, vente sur internet…). l'auteur de la question indique que ce marché parallèle représenterait 28,4% des ventes, selon une étude publiée par le cabinet KPMG. En effet, le cabinet KPMG, mandaté et rémunéré par la société Philipp Morris International depuis 2006 et par Japan Tobacco International, British American Tobacco et Imperial Tobacco Limited depuis 2013, réalise annuellement une étude relative à la consommation, la contrebande et la contrefaçon de cigarettes en Europe. La hausse de la fiscalité sur les produits du tabac est dictée par un objectif de santé publique devant permettre une réduction de la consommation du tabac notamment chez les jeunes. La divergence des fiscalités et les différences de prix persistantes en Europe portent atteinte à l'efficacité des politiques de lutte contre la prévalence tabagique et constituent effectivement un cadre propice au développement des achats transfrontaliers. C'est pourquoi le Gouvernement a saisi la Commission européenne sur la nécessité d'une plus grande harmonisation vers le haut de la fiscalité des tabacs manufacturés au niveau européen, notamment des pays limitrophes. Le Gouvernement a proposé, dans le cadre de la loi de finances rectificative, un amendement qui a été adopté par l'Assemblée nationale et le Sénat le 23 juillet 2020. Cet amendement prévoit la modification des seuils de présomption de détention de tabacs manufacturés à des fins commerciales, mentionnés à l'article 575 I du code général des impôts (CGI). Ces seuils sont ainsi abaissés à deux cents cigarettes, cent cigarillos, cinquante cigares et deux-cent cinquante grammes de tabac à fumer. Ils s'appliquent à toute personne introduisant des tabacs manufacturés en France, quelle que soit sa provenance, à l'exception de la principauté d'Andorre pour laquelle les seuils prévus par l'article 13 de l'accord entre la Communauté économique européenne et la principauté du 28 juin 1990 continuent de s'appliquer. Par cette mesure, le Gouvernement souhaite peser dans les négociations européennes, afin d'harmoniser par le haut la fiscalité sur les tabacs et d'introduire, dans le cadre de la révision de la directive 2011/64/UE du Conseil du 21 juin 2011, des limites quantitatives impératives de transport de tabacs manufacturés par les particuliers entre États membres. Il s'agit, d'une part, de faire de la lutte contre le tabagisme un objectif européen afin que ce combat ne passe pas uniquement par une augmentation isolée la fiscalité nationale et, d'autre part, de protéger le réseau des buralistes. Par ailleurs, dans le contexte de montée en puissance du plan national de lutte contre le tabagisme, et notamment des hausses importantes de fiscalité sur le tabac prévues entre 2018 et 2020, la France a plaidé pour une révision de la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 en vue de mettre en place de véritables seuils limitatifs dans le cadre de la circulation intracommunautaire de tabac détenu par les particuliers, en lieu et place des « niveaux indicatifs » actuels. Afin d'anticiper l'issue de ces échanges au niveau européen, le ministre chargé des comptes publics a limité le transport par des particuliers à quatre cartouches de cigarettes. Pour compléter ce dispositif, l'administration des douanes a mis en oeuvre un plan de renforcement de la lutte contre le commerce illicite du tabac. Ce plan vise à intensifier les contrôles mis en œuvre par les services douaniers sur l'ensemble des vecteurs de contrebande de tabacs. Dans ce cadre, des contrôles renforcés ont été menés dans les zones frontalières mais également dans les zones urbaines, sur des lieux de vente de cigarettes préalablement identifiés. Des actions en comités opérationnels départementaux anti-fraude (CODAF) sont menées sur ce sujet et ciblent des commerces de revente illicite de cigarettes. Parallèlement est effectuée une recherche de l'identification des avoirs criminels. Les services douaniers proposent systématiquement aux préfets les fermetures administratives de ces lieux de vente illicite. En outre, le fret express et les colis postaux sont particulièrement contrôlés afin d'accroître l'interception des colis et le démantèlement des filières d'approvisionnement par internet. Pour cela, la direction générale des douanes et droits indirects s'appuie sur son service spécialisé dans ce domaine nommé Cyberdouane. Cette unité dédiée à la lutte contre les fraudes commises sur internet a vu ses moyens considérablement renforcés. Ainsi, les cyberdouaniers peuvent désormais effectuer des investigations sous couverture, c'est-à-dire des infiltrations des organisations de fraude agissant sur internet. C'est dans ce contexte d'intensification de la lutte contre le commerce illicite des produits du tabac que les saisies de cigarettes réalisées par les services douaniers ont significativement augmenté en 2019, par rapport à l'année précédente. Enfin, l'État reste attentif à la situation des buralistes. En plus d'offrir la garantie que le tabac est distribué selon les règles en vigueur, ces lieux sont d'autant plus importants qu'ils constituent parfois le dernier commerce ou lieu de convivialité de certaines zones rurales. Par ailleurs, le protocole d'accord conclu le 2 février 2018 avec la Confédération des buralistes pour la période 2018-2021 renforce le soutien à l'activité des buralistes les plus fragiles, notamment dans les zones rurales et frontalières, par le biais de la pérennisation des aides existantes (remise compensatoire, complément de remise), la création d'un filet de sécurité économique pour les débitants dont le chiffre d'affaires trimestriel tabac diminuerait de plus de 15 % (remise transitoire), mais également avec l'augmentation de la prime de diversification des activités de 2 000 à 2 500 euros. Le protocole d'accord pour la modernisation du réseau des buralistes a déjà permis une augmentation de leur rémunération de 7,5% en 2017 et elle atteindra 8% en 2021. Il s'agit d'un effort budgétaire conséquent, qui permet en outre de soutenir la profession quant aux risques encourus en matière de sécurité. Dans le cadre du protocole d'accord, l'administration des douanes octroie ainsi une aide dédiée à tous les débits de tabac en vue de l'acquisition et l'installation de matériels destinés à les sécuriser. L'aide à la sécurité peut atteindre 15 000 € par débit, par période de quatre ans, pour financer des équipements de sécurité (vidéosurveillance, coffre-fort, rideaux métalliques, etc.). Il convient cependant de renforcer encore la lutte contre le tabagisme, en application de la politique de santé publique décidée par le Gouvernement. C'est pourquoi, le ministre a créé l'aide à la transformation en faveur des buralistes dont l'activité doit se diversifier et se détacher progressivement de la vente de tabac. Afin de garantir un avenir à ce réseau de proximité apprécié des Français, comme cela a notamment été le cas à l'occasion de la crise du COVID-19, nos efforts doivent désormais porter sur l'évolution du métier de buraliste vers celui de commerçant d'utilité locale. Grâce aux nouvelles prestations offertes, dont par exemple l'encaissement des créances fiscales, amendes et prestations locales de services publics, les buralistes pourront ainsi renforcer leur contribution à la vie des territoires tout en sécurisant leur activité économique.

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