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Émilie Bonnivard
Question N° 26540 au Ministère de la justice


Question soumise le 11 février 2020

Mme Émilie Bonnivard attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions d'exercice et de sécurité du personnel pénitentiaire ainsi que les conditions de vie des détenus. La profession de surveillant pénitentiaire est un métier difficile, toujours sur le fil, entre la nécessité d'assurer le maintien de la sécurité et de l'ordre (absence d'émeute, de désordre, d'évasion, de trafic, etc.), de faire respecter les règles de vie au sein du centre et d'assurer la surveillance des détenus comprenant tout un volet relationnel et humain impliquant de répondre aux besoins et attentes de ces derniers, tout en les protégeant parfois d'eux-mêmes (suicides). L'évolution de la population carcérale ne s'est pas accompagnée d'une évolution de la reconnaissance des missions des surveillants. En effet, aux populations difficiles telles que les individus présentant des troubles mentaux ou ceux reconnus dangereux, se sont ajoutés les individus radicalisés dont la gestion est tout à fait particulière. Ces évolutions impliquent une nécessaire habilitation des surveillants titulaires comme officiers de police judiciaire (OPJ). En effet, les surveillants sont de fait dépositaires de l'autorité publique au sein de la prison. Ils doivent en outre pouvoir contrôler ce qui, de l'extérieur, peut contrevenir à l'ordre et à la sécurité au sein de la prison. Cette habilitation leur permettrait de constater les délits, de dresser les procès-verbaux, de recueillir des déclarations pour identifier les auteurs d'infractions... Mais de manière prioritaire, ils doivent pouvoir être en capacité d'effectuer des fouilles sur les personnes. La tragédie de l'attaque au couteau de la prison d'Alençon a simplement mis au jour cette lacune dans leurs habilitations, qu'il convient désormais de corriger de manière prioritaire et urgente. La création d'unités de vie familiale (UVF), de droits effectifs plus importants pour les détenus ainsi que la mutation du profil de ces derniers, doivent nécessairement s'accompagner de possibilités d'action et de protection des surveillants supplémentaires. Le métier de surveillant n'est pas un métier comme les autres. Il est exposé à la violence, à la tension et au risque permanent. Les impacts sur la santé psychique et physique, et sur la vie de famille, sont loin d'être neutres. À ce titre, la pratique d'heures supplémentaires excessives et systématiques pour assurer la surveillance n'est à son sens pas souhaitable. Mme la députée souhaite que Mme la garde des sceaux puisse lui indiquer si elle compte mettre en place prochainement l'habilitation d'OPJ pour les surveillants, permettant des fouilles des visiteurs et des détenus à l'occasion de leur passage au parloir ou dans les UVF. De même, elle lui demande si elle entend étendre la mise en place de portiques à ondes millimétriques, seuls en capacité d'identifier un certain nombre d'armes ou d'objets potentiellement dangereux, non métalliques, portiques présents dans les aéroports mais pas dans les prisons. Enfin, le manque d'effectifs aboutit à la réalisation d'heures supplémentaires particulièrement conséquentes, dans des conditions d'exercice difficiles, ce qui contrevient à un exercice équilibré du métier (impact psychologique et physique lourd, fatigue) et fait peser un risque pour la sécurité de chacun. Le métier de surveillant de prison, et plus généralement tout le travail du personnel pénitentiaire, est vital pour la société. Il est mal connu et insuffisamment reconnu. Elle lui demande si elle compte mettre en œuvre un programme visant à rendre ces métiers plus attractifs.

Réponse émise le 14 décembre 2021

L'amélioration des conditions de travail des agents de l'administration pénitentiaire, en particulier s'agissant de la sécurité dans les établissements pénitentiaires, constitue une priorité absolue du garde des Sceaux, ministre de la Justice. Le Gouvernement a ainsi alloué un budget important à la sécurisation des établissements pénitentiaires avec 70 M € en 2021, soit une hausse de 9 % par rapport à 2020. Pour 2022, ce sont 100 M€ supplémentaires qui viendront compléter les financements à travers un grand plan d'investissement pénitentiaire. L'hypothèse de l'habilitation comme officier de police judiciaire (OPJ) des personnels pénitentiaires avait déjà fait l'objet d'un débat devant l'Assemblée Nationale lors de l'examen de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Cette proposition avait été rejetée notamment en raison de l'incompatibilité de certaines missions et du lien hiérarchique imposé par cette habilitation. Par ailleurs, d'autres leviers avaient été privilégiés pour accroitre les possibilités d'intervention des personnels pénitentiaires en cas d'atteinte à la sécurité de l'établissement. Ainsi, la loi du 23 mars a étendu le pouvoir des équipes de sécurité pénitentiaire. Elles peuvent désormais procéder au contrôle des personnes à l'égard desquelles il existe une ou plusieurs raisons sérieuses de penser qu'elles se préparent à commettre une infraction portant atteinte à la sécurité de l'établissement pénitentiaire, à l'ensemble du domaine affecté à l'établissement pénitentiaire ou à ses abords immédiats. Dans l'hypothèse où la personne refuse de se soumettre au contrôle ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité, les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire peuvent la retenir, en utilisant le cas échéant la force strictement nécessaire, afin d'en rendre compte à un officier de police judiciaire qui peut ordonner que la personne lui soit présentée sur le champ ou qu'elle soit retenue jusqu'à son arrivée. De la même manière, l'introduction d'objets illicites en détention constitue une menace importante, susceptible de porter atteinte à la sécurité des agents et des personnes détenues, ainsi qu'au bon ordre des établissements pénitentiaires. C'est pourquoi, la réglementation des fouilles réalisées en établissement pénitentiaire a été adaptée aux nouveaux enjeux de sécurité par la loi du 23 mars 2019. Tout en maintenant les principes de nécessité, de proportionnalité et de subsidiarité des fouilles intégrales, ainsi que celui de la prohibition de leur systématisme en toutes circonstances, elle modifie l'article 57 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 en élargissant le périmètre des fouilles intégrales, comme détaillé par la circulaire d'application du 15 juillet 2020. En premier lieu, les chefs d'établissement peuvent décider de la fouille intégrale systématique d'une personne détenue à son arrivée ou lors d'un retour à l'établissement, dès lors qu'elle n'est pas restée sous la surveillance constante de l'administration pénitentiaire ou des forces de police ou de gendarmerie. En second lieu, ils peuvent prendre une décision individuelle de fouille intégrale si elle est justifiée par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement de la personne détenue fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement. En troisième lieu, ils peuvent ordonner des fouilles non individualisées dans des lieux et pour une période déterminée, indépendamment de la personnalité des personnes détenues, lorsqu'il existe des raisons sérieuses de soupçonner l'introduction au sein de l'établissement pénitentiaire d'objets ou de substances interdits, ou constituant une menace pour la sécurité des personnes ou des biens. S'agissant des fouilles par palpation, elles ne nécessitent aucun formalisme particulier et peuvent être mises en œuvre en toutes circonstances, tout comme l'utilisation du matériel électronique de détection. Concernant les personnes extérieures à l'établissement, elles doivent se soumettre aux mesures de contrôle par les moyens de détection électronique. En cas de doute spécifique, elles peuvent également être soumises à des palpations de sécurité. L'article 12-1 de la loi du 24 novembre 2009 prévoit ainsi que les personnes autres que les personnes détenues, à l'égard desquelles existent une ou plusieurs raisons sérieuses de penser qu'elles se préparent à commettre une infraction portant atteinte à la sécurité de l'établissement pénitentiaire, peuvent faire l'objet d'une fouille par palpation, avec leur consentement. En cas de doute persistant, l'accès à l'établissement est refusé. Afin de compléter ces dispositifs de sécurité active contre l'introduction d'objets illicites, des portiques à ondes millimétriques (POM) ont été installés au sein des établissements pénitentiaires dès 2011. Il en existe actuellement dans dix maisons centrales et quartiers maison centrale ainsi qu'au centre pénitentiaire de Fresnes. La technologie proposée par ces portiques permet de visualiser à l'écran la présence d'objets métalliques, plastiques, liquides et en papier, y compris lorsqu'ils sont dissimulés entre les vêtements et la peau de la personne. Néanmoins, compte tenu du coût de ces équipements, de leur relative fragilité et des contraintes liées à leur utilisation, il n'est pas prévu d'en installer de nouveaux mais de rechercher des dispositifs alternatifs innovants, permettant de satisfaire de manière plus efficiente les besoins des établissements pénitentiaires en matière de sécurité. Une réflexion est menée autour de technologies portatives ou mobiles permettant une plus grande flexibilité dans les missions des personnels au quotidien. Une expérimentation devrait ainsi débuter dans les prochains mois au centre pénitentiaire de Condé sur Sarthe. Enfin, la sécurité des établissements pénitentiaires repose en grande partie sur leur taux de couverture, à savoir l'occupation effective des postes. De ce fait, le renforcement de l'attractivité du métier de surveillant pénitentiaire constitue à ce titre un élément central pour y contribuer. L'administration pénitentiaire a mis en œuvre plusieurs revalorisations indemnitaires depuis 2018. L'indemnité pour charges pénitentiaires (ICP) des surveillants pénitentiaires a augmenté de 40 % au 1er janvier 2018 pour être portée à 1 400 €, l'indemnité dimanches et jours fériés a augmenté de 10 € au 1er mars 2018 et la prime de sujétions spéciales (PSS) augmentera de 2,5 points (soit 28,5 % à terme) pour l'ensemble des personnels de surveillance d'ici à 2022. Par ailleurs, une revalorisation de l'ICP a été inscrite en loi de finances initiale pour 2021, pour un coût de 5,3 M€, ciblée sur les fonctions au premier niveau de la prise en charge des personnes détenues, sans encadrement. Le projet de loi de finances pour 2022 intègre une deuxième enveloppe de 4,5 M€, avant une dernière étape en 2023. En outre, une prime de fidélisation a été créée au bénéfice des agents en fonction dans certains établissements moins attractifs. Les agents qui, à l'issue de leur réussite à un concours national à affectation locale, choisissent une affectation pour au moins six ans sur ces établissements peuvent bénéficier d'une prime de 8 000 € versée en trois fois, dont 4 000 € dès la prise de fonctions. Le premier concours local a été organisé en 2020 sur les ressorts des directions interrégionales de Lyon, Marseille et Rennes, un quatrième concours ayant ouvert fin 2020 sur le ressort de la direction interrégionale de Paris. En 2021, deux concours à affectation locale ont été organisés sur le ressort de la direction interrégionale de Paris et un troisième pour la Nouvelle-Calédonie. Concernant le recrutement, les délais de sélection ont été raccourcis et une diversification des voies de recrutement a été engagée. La loi de programmation et de réforme pour la Justice a également prévu un plan de comblement de vacances de 1 100 emplois de surveillants pénitentiaires sur la période 2018-2022 dans les établissements pénitentiaires. L'administration pénitentiaire a également amélioré les perspectives de carrière des surveillants. La réforme de la chaîne de commandement, entrée en vigueur le 12 octobre 2019, répond à cette logique en renforçant les niveaux d'encadrement intermédiaire en détention. Elle s'accompagne d'une réflexion approfondie sur l'évolution du métier de surveillant (socle commun de formation, charte du surveillant-acteur signée le 19 avril 2021…).

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