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Stella Dupont
Question N° 26582 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 11 février 2020

Mme Stella Dupont attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la carte de paiement pour l'allocation pour les demandeurs d'asile (ADA). L'ADA est versée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) aux étrangers qui bénéficient d'un droit au maintien sur le territoire pendant la durée d'examen de leur demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Les demandeurs d'asile ne pouvant bénéficier d'une autorisation de travail qu'après l'écoulement d'un délai de six mois après l'introduction de leur demande devant l'OFPRA, l'ADA est souvent le seul revenu que les demandeurs d'asile peuvent percevoir pendant cette période. Pour bénéficier de cette allocation, ils doivent être en possession de l'attestation de demandeur d'asile, avoir accepté les conditions matérielles d'accueil proposées par l'OFII, avoir au moins 18 ans, et avoir des ressources mensuelles inférieures au revenu de solidarité active (RSA). Le montant de cette allocation dépend de la composition familiale, des ressources de la famille et des modalités d'hébergement. Depuis le 5 novembre 2019, les demandeurs d'asile ne peuvent plus utiliser leur carte pour effectuer des retraits d'espèces. La nouvelle carte ne permet ni les achats sur internet, ni les paiements sans contact, et aucun remboursement d'achat sur la carte ne peut être effectué. De plus, une seule carte est attribuée par famille ce qui limite l'indépendance des membres d'un seul foyer. En pratique, les associations venant en aide aux demandeurs d'asile constatent que cette mesure est inadaptée en ce qu'elle ne prend pas en compte les besoins des personnes concernées. La mise en place de cette carte de paiement porte préjudice aux demandeurs d'asile car il ne leur est plus possible de faire leurs achats sur des marchés ou dans les espaces ne disposant pas de terminal de paiement par carte bancaire. Les achats du quotidien tels que la boulangerie ou les titres de transport à l'unité leur sont rendus très difficiles. La fréquentation d'une association caritative en échange d'une petite participation symbolique n'est plus possible non plus. La seule solution légale permettant l'obtention d'argent liquide réside dans la pratique du cash-back. Cette technique n'est pourtant pas pratiquée par tous les commerçants, et est parfois conditionnée à l'achat dans le magasin en amont, ou encore à une commission. Face à ces difficultés, le risque de générer des trafics et d'exacerber la vulnérabilité d'un public que l'on sait déjà particulièrement fragile est réel. D'autre part, l'idée même de l'attribution d'une carte, sous-entendant l'incapacité des personnes de mener à bien leur gestion financière, participe à une réelle infantilisation. Enfin, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) rappelle dans sa déclaration publiée le 28 janvier 2020, suite à la saisine de plusieurs associations, que « la garantie du plein respect de la dignité implique que les demandeurs d'asile puissent disposer librement des ressources qui leur sont allouées » et que l'absence de possibilité d'obtenir de l'argent en espèce porte atteinte au besoin de liquidités de la vie quotidienne. Au regard de ces difficultés, elle souhaite savoir si le ministère de l'intérieur entend travailler avec l'OFII pour trouver une alternative permettant à ces personnes de pouvoir vivre au quotidien sans ces restrictions qui sont particulièrement mal vécues.

Réponse émise le 15 septembre 2020

La mise en place d'une carte de paiement, sans possibilité de retrait, permet, en limitant la circulation d'argent liquide, d'éviter que l'allocation pour demandeur d'asile serve à d'autres fins que celles d'assurer la subsistance du demandeur d'asile, au moyen de dépenses courantes sur le territoire national. Ce faisant, les risques de fraudes et d'abus, liés à une trop grande liquidité de l'allocation, seront mieux maîtrisés. Avant sa généralisation au territoire métropolitain, cette mesure a fait l'objet d'une expérimentation durant plusieurs mois en Guyane : les retours ont été positifs et ont montré que la mise en place d'une carte de paiement en lieu et place d'une carte de retrait ne dégradait en rien les conditions de vie des demandeurs d'asile. En outre, le Gouvernement est à l'écoute des associations qui ont été reçues au ministère de l'intérieur et qui participent à un comité de suivi de la réforme pour garantir que celle-ci ne génère pas de difficulté. L'entrée en vigueur de la mesure, initialement prévue en septembre 2019, a été retardée afin de permettre aux opérateurs qui en étaient dépourvus de s'équiper de terminaux de paiement électronique (TPE) et d'assurer une information appropriée des demandeurs. De surcroît, un aménagement important du dispositif a été consenti avec le déplafonnement total du nombre de transactions autorisées. De la sorte, quel que soit le montant de leur transaction, les demandeurs d'asile peuvent continuer à acheter leurs produits de première nécessité dans les supermarchés et les commerces dotés de TPE. Le bilan réalisé par l'office français de l'immigration et de l'intégration a d'ailleurs confirmé la possibilité, pour les demandeurs d'asile, de procéder à de petits achats avec une carte « 100 % paiement », 44 % des transactions ayant porté sur un montant inférieur à 10 € en novembre 2019. De la même manière, alors que les associations craignaient que les demandeurs d'asile hébergés dans des zones rurales moins bien pourvues en commerces ne puissent disposer librement de leur allocation, il ressort de ce bilan que la carte de paiement a été largement utilisée sur l'ensemble du territoire métropolitain, selon une répartition régionale correspondant à celle des allocataires. Enfin, la démonétisation ne méconnaît pas le fait que l'accès des demandeurs d'asile aux espèces demeure utile dans leur vie quotidienne. Ainsi, la pratique du cashback, qui est réservée aux seuls commerçants par le code monétaire et financier (ce qui limite de facto le risque d'abus), permet de récupérer jusqu'à 60 euros en espèces dans le cadre d'un paiement par carte d'un euro minimum. La mise en œuvre de cette mesure continue de faire l'objet d'un suivi attentif. Un groupe de travail réunissant des associations d'horizons divers accompagnant les demandeurs d'asile a été mis en place. Il suit avec attention la mise en œuvre de cette mesure. Le cas échéant, le dispositif pourra être adapté de façon à résoudre les difficultés opérationnelles qui pourraient être signalées.

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